Profession de foi de Mme Arlette Laguiller, porte-parole et tête de liste de Lutte ouvrière pour les élections du 12 juin 1994, sur les raisons de la présence d'une liste LO aux élections européennes.

Prononcé le 1er juin 1994

Intervenant(s) : 
  • Arlette Laguiller - porte-parole et tête de liste de Lutte ouvrière pour les élections du 12 juin 1994

Texte intégral

Travailleuses, travailleurs,

Oui, à l'occasion des élections à ce parlement européen de Strasbourg que personne ne connaît dans la population et dont tout le monde ignore le rôle, si même il en a un, je m'adresse, cette fois encore, plus particulièrement à vous, ouvrières et ouvriers, employés, salariés, retraités, chômeurs jeunes et vieux.

C'est que le parti que je représente, Lutte Ouvrière, est composé de gens comme vous, comme vous pourrez en juger par notre liste.

Parmi nos candidats, il n'y a aucun politicien professionnel, rien que des travailleuses et des travailleurs qui militent politiquement et syndicalement parmi leurs camarades de travail. Si deux d'entre eux sont conseillers municipaux, ils le sont dans des villes ouvrières, l'un à Creil où il y a les usines Chausson, l'autre à Montbéliard, où il y a les principales usines du groupe Peugeot. C'est le rôle qu'ils ont joué dans les luttes des travailleurs de ces entreprises qui les a fait élire.

L'Europe des Douze est une tentative impérialiste des pays les plus industrialisés du continent pour protéger juridiquement leur sphère d'influence économique. Il ne s'agit ni de défendre les consommateurs, ni de défendre les salariés ni les peuples en général.

Les monopoles financiers et industriels d'Allemagne, d'Angleterre et de France ne peuvent exister sur le terrain mondial où la concurrence fait rage que s'ils arrivent à s'entendre à l'échelle du continent. Dans le monde, d'autres puissances font de même. Le Japon est en train de faire pareil en Asie. Et les États-Unis forment maintenant un bloc avec le Canada et le Mexique et bientôt une partie de l'Amérique latine. Car comme en Europe, les plus petites puissances n'ont pas le choix et doivent s'associer malgré elles.

Pourtant, il est vrai que l'économie étouffe dans les frontières nationales.

Aujourd'hui, où l'on peut avec un téléphone de poche appeler le monde entier, les frontières ne veulent plus rien dire. Vu d'un satellite, aucune frontière n'est visible sur terre car les frontières ne sont pas naturelles. Les nationalismes sont dépassés, réactionnaires. Il n'y a qu'à voir à quoi ils conduisent dans l'ex-URSS, dans l'ex-Yougoslavie, en Afrique.

Oui, l'avenir est à une Europe et à un monde sans frontières. Mais ce n'est pas le capitalisme générateur de concurrence, de crise, de chômage, qui les construira vraiment. Il faudrait pour cela supprimer non seulement les intérêts nationaux, mais aussi tous les intérêts privés qui monopolisent les capitaux, les industries, les commerces, les échanges. Oui, il faut rationaliser la production pour produire ce qui est nécessaire sans que les fruits du travail humain périssent parce qu'ils ne peuvent être vendus, et sans qu'une fraction importante de la population soit rejetée dans la misère tandis que les autres doivent s'estimer heureux d'avoir du travail.

Aujourd'hui même, l'Europe peut voir ses monnaies s'effondrer sous les coups d'un seul homme : un spéculateur multimilliardaire a pu, l'année dernière, obliger la Banque de France et la Bundesbank à dépenser des milliards pour soutenir le franc. Milliards que la population européenne a dû rembourser.

Ce ne sont pas les frontières qui nous protègent contre le chômage et nos capitalistes ne sont pas meilleurs que ceux du pays voisin.

Personne ne nous prend notre travail, c'est la classe bourgeoise qui nous en prend le fruit, avant de nous précipiter au chômage. Le chômage et le travail sont les deux bouts de la même exploitation, le premier ne servant qu'à faire baisser le prix du second.

Ne nous trompons pas d'ennemi, il n'est pas à l'extérieur mais chez nous, car nos ennemis ce ne sont pas les autres travailleurs, ce sont nos propres capitalistes.

Les grands partis font de ces élections uniquement une question de politique intérieure, un galop d'essai avant les Présidentielles .de l'année prochaine, tellement ils savent qu'ils n'ont rien d'essentiel à dire sur l'Europe.

Mais qui sont tous ces politiciens ! Depuis vingt ans que la crise a commencé, ils ont tous fait la même chose : ils ont diminué les impôts et les charges sociales des riches sous prétexte de permettre aux entreprises de créer des emplois. Les riches se sont enrichis encore plus en prenant les avantages mais en licenciant de plus belle.

La liste de la majorité gouvernementale UDF-RPR conduite par Baudis est constituée de gens ouvertement au service du patronat, nous le voyons tous les jours.

Mais Rocard, qui conduit la liste socialiste, vaut-il mieux ? On l'a eu comme Premier ministre, sa politique on la connaît : le chômage s'est aggravé sous son gouvernement et il a mené exactement la même politique que ses prédécesseurs et que ses successeurs.

Tapie de son côté va conduire une liste dite de gauche, mais c'est un Berlusconi, provisoirement de gauche, et un licencieur qui a construit sa fortune en rachetant des entreprises pour les revendre après les avoir rentabilisées par des licenciements.

Quant au Parti Communiste, il est tout autant responsable de la situation actuelle et il l'est même plus vis-à-vis des travailleurs car c'est lui qui a le plus contribué à les tromper sur ce que ferait la gauche au pouvoir. C'est lui qui a renforcé le crédit de Mitterrand et du Parti Socialiste auprès des travailleurs. C'est le Parti Communiste qui a cautionné par sa présence au gouvernement les premiers gouvernements socialistes. Il le paie sur le plan électoral mais il n'a rien d'autre à proposer pour l'avenir qu'une nouvelle alliance avec Rocard.

Alors ils vont tous nous présenter des pseudo-solutions sur le chômage, le partage du travail, une nouvelle société à construire. Ils vont tenter de nous faire approuver des réductions de salaires, l'aggravation de la précarité de l'emploi, une diminution des protections sociales voire une augmentation de nos cotisations.

Même le parti Communiste le fera, indirectement, car il mettra tôt ou tard les votes en sa faveur à la disposition de Rocard ou de Tapie, comme il l'a fait avec Mitterrand.

Alors si nous, Lutte Ouvrière, nous présentons une liste, nous qui sommes à l'écart de toutes ces manœuvres, c'est pour que la parole ne soit pas monopolisée par ceux qui se disputent en réalité le titre de meilleur serviteur de la bourgeoisie et du patronat. Nous voulons faire entendre, dans la mesure de nos moyens, les voix des salariés, des ouvriers, des employés, des retraités, des chômeurs.

Ni mes camarades, ni moi, ne vous dirons qu'on peut faire quoi que ce soit en faveur des travailleurs au parlement de Strasbourg. Tous ceux qui vous le promettent mentent effrontément.

Par contre ce que nous promettons, c'est de vous dire quotidiennement ce qui s'y passe, ce qui se trame contre vous. Ce qu'aucun des candidats que vous avez élus dans tes élections européennes précédentes n'a fait, ne fait ou ne fera.

Vous dire la vérité dans cette campagne, vous la dire encore après, voilà notre programme. J'espère que vous serez nombreux à l'approuver en votant pour la liste que je conduis.


Élection des représentants ou Parlement européen (12 Juin 1994)

Liste Lutte Ouvrière conduite par :

1. Arlette LAGUILLER. Employée, Crédit Lyonnais, Paris

2. Christian DRIANO. Ouvrier, Peugeot-Sochaux. Conseiller municipal L.O. à Montbéliard

3. Jacqueline LAMBERT. Ouvrière, LCC (Bourgogne-Electronique), Dijon

4. Roland SZPIRKO. Ouvrier, Chausson-Creil (Oise). Conseiller municipal L.O. à Creil

5. Marie-Louise DUPAS. Infirmière, Centre hospitalier, Angers

6. Patrice CRUNIL. Ouvrier, SNECMA, Gennevilliers (Hauts--de-Seine)

7. Marie-France BELIN. Employée, Mairie de St-Nazaire

8. Daniel BENARD. Mécanicien d'entretien, Renault-Flins (Yvelines)

9. Chantal CAUQUIL. Employée d'assurances, AGF, Paris

10. Abdelkrim SAADANI. Ouvrier métallurgiste, CEPEM, Orléans

11. Nicole BAUDRIN. Sage-femme, Centre hospitalier, Lille

12. Jean-Louis GAILLARD. Technicien, Roussel-Uclaf, Romainville (Seine-St-Denis)

13. Nelly MALATY. Ouvrière en électronique, PNY-France, Mérignac (Gironde)

14. Daniel LIOUBOWNY. Ajusteur-monteur, SNECMA-Villaroche (Seine-et-Marne)

15. Christiane HAUCHERE. Employée, Chèques-Postaux, Orléans-La Source

16. Georges MILLOT. Employé de bureau, Hôpital Beaujon, Clichy (Hauts-de-Seine)

17. Anne-Marie LAFLORENTIE. Employée, Thomson, Toulouse

18. Paul PALACIO. Ouvrier, Renault Siège, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)

19. Marie-Christine PERNIN. Laborantine, Hôpital Edouard-Herriot, Lyon

20. Michel BRETON. Agent technique, Alcatel-Colombes (Hauts-de-Seine)

21. Elisabeth PODGORNY. Ouvrière, Labinal, Villemur (Haute-Garonne)

22. Serge FRANCESCHINA. Ouvrier chimiste, Rhône-Poulenc, Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne)

23. Marie-Thérèse DEROCHE. Ouvrière métallurgiste, Chalon-s/Saône

24. Martial COLLET. Ouvrier, Chaffoteaux, Saint-Brieuc

25. Monique LEBORGNE. Infirmière, Hôpital Ste-Anne, Paris

26. Roland CALMEL. Ouvrier, Rhône-Poulenc, Pont-de-Claix (Isère)

27. Germaine BAUER. Employée, Crédit Lyonnais, Paris

28. Raymond MADEC. Infirmier, Centre Hospitalier Régional, Rennes

29. Josiane DUBOIS. Secrétaire, Alcatel-CIT, Vélizy (Yvelines)

30. Michel DEBOEUF. Ouvrier métallurgiste, Leroy-Somer, Angoulême

31. Annie SOUCHON. Employée, Caisse d'Allocations Familiales, Paris

32. Liberto PIANA. Employé d'hypermarché Perpignan. Conseiller aux Prud'hommes

33. Annie RIEUPET. Employée, Chèques-Postaux, Paris

34. Yves THORAVAL. Préretraité FNE de la SNECMA

35. Monique NIANG. Employée, Chèques-Postaux, Dijon

36. Jean-Jacques LACARRERE. Employé PTT Tri-PLM, Paris

37. Catherine DUMON. Employée SNCF, Limoges

38. Juan HEREDIAS. Electromécanicien, Renault-Cléon (Seine-Maritime)

39. Armonia BORDES. Employée, Roussel-Uclaf, Romainville (Seine-St-Denis). Conseillère aux Prud'hommes

40. Gérard BARTHELEMY. Employé, Hôpital-Sud, Pessac (Gironde)

41. Jocelyne SPERDUTO. Secrétaire Sécurité Sociale, Paris

42. Jean-Jacques PRODHOMME. Ouvrier à la Ville de Tours

43. Laurence BOULINIER. Employée d'assurances, UAP, Paris

44. Claude DUFOUR. Ouvrier électricien, A.I.A, Clermont-Ferrand 
45. Mireille LAMBERT. Infirmière, Hôpital Beaujon, Clichy (Hauts-de-Seine)

46. Gérard BELOT. Ouvrier, GEC-Alsthom, Belfort

47. Christiane DUPREY. Secrétaire, Renault Siège, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)

48. Régis DEBLIQUI. Ouvrier, Lever, Haubourdin (Nord)

49. Danièle HANRYON. Ouvrière câbleuse, GEC-Alsthom, Saint-Ouen (Seine-St-Denis)

50. Yves CHEERE. Ouvrier de fabrication, Renault, Le Mans

51. Annick JOLIVET. Enseignante, Moyeuvre-Grande (Moselle)

52. Jean-Paul MACE. Électromécanicien, Chausson-Gennevilliers (Hauts-de-Seine)

53. Colette CORDAT. Infirmière, Centre hospitalier, Bourges

54. Jean-Pierre BOURRIAUD. Technicien, Télécoms Archives, Paris

55. Michèle PUEL. Technicienne, Aérospatiale, Toulouse

56. Jean-Pierre DALMAS. Employé, Crédit Lyonnais, Paris-La Défense

57. Gisèle LAPEYRE. Agent hospitalier, Hôpital Charles-Nicolle, Rouen

58. Etienne CHERBLANC. Ouvrier, Safety, Indre-et-Loire

59. Laurence VIGUIÉ. Employée de bureau, Renault-Siège, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)

60. Noël RENNEQUIN. Ouvrier, Peugeot-Sochaux

61. Michelle LOUX. Technicienne-chimiste, Roussel-Uclaf, Romainville (Seine-St-Denis)

62. André MOULIN. Employé, CLECIM, St-Chamond (Loire)

63. Eliane LACAILLE. Employée, Hôpital, Belfort

64. Christian LECAT. Ouvrier mécanicien, Air-France, Orly (Val-de-Marne)

65. Marie-France ROCHE. Aide-soignante, Hôpital, Besançon

66. Philippe BRUNEAU. Tourneur, RVI, Vénissieux (Rhône)

67. Danielle RICHÉ. Technicienne-chimiste, Rhône-Poulenc, Vitry-s/Seine (Val-de-Marne)

68. Jean-Claude GRIFFOUL. Ouvrier mécanicien, RATP, Paris

69. Claudine ROUSSIE. Infirmière, Hôpital Esquirol, Limoges

70. Frédéric CASTELLO. Électricien d'entretien, SNECMA-Villaroche (Seine-et-Marne)

71. Monique BONHOMME. Ouvrière retraitée en bonneterie, Troyes (Aube)

72. Jean-Claude GARAULT. Ouvrier électromécanicien, Citroën St-Ouen (Seine-St-Denis)

73. Marie-Adélaïde DOUBLET. Infirmière, Hôpital Ste-Anne, Paris

74. Patrick GRENIER. Ouvrier, SNCM, Marseille

75. Françoise BRUNET. Secrétaire Renault-Siège, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)

76. Gilles BARRAULT. Ajusteur, Michelin-Cholet (Maine-et-Loire)

77. Paule LAURON. Employée de bureau, Groupe Malakoff, St-Quentin-en-Yvelines

78. Etienne HODARA. Conseiller biologiste, Lunéville (Meurthe-et-Moselle)

79. Noha HAMES. Employée d'assurances, UAP, Paris-La Défense

80. Pierre BISSEY. Enseignant, Troyes (Aube)

81. Madeleine LACROIX. Employée, Chèques Postaux, Paris

82. Claude KUGLER. Enseignant, Strasbourg

83. Sylvie CERVEAU. Employée, Sécurité Sociale, Bourges

84. Georges MESTRES. Technicien métallurgie, Jeumont-Schneider, Lyon

85. Martine LEPLANQUOIS. Enseignante, Le Havre

86. Maurice CHAYNES. Ingénieur, Télécoms, Montpellier

87. Paulette DELPONT. Technicienne, Aérospatiale, Les Mureaux (Yvelines)