Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et interview à la télévision ukrainienne le 24 juillet 1998, sur les relations franco-ukrainiennes, l'aide française pour la sécurité nucléaire à Tchernobyl et sur les relations entre l'Union européenne et l'Ukraine.

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Circonstance : Visite de M. Védrine à Kiev (Ukraine) le 24 juillet 1998

Média : Télévision

Texte intégral

Conférence de presse - 24 juillet 1998

Je remercie Monsieur Tarassiouk de sa présentation très exacte du contenu de ma visite. Je le remercie ainsi que les autorités ukrainiennes de la façon dont elles m'ont accueilli au cours de ces entretiens.

Ma visite s'inscrit dans un contexte d'intensification des relations entre nos deux pays. La dernière visite en Ukraine d'un ministre français des Affaires étrangères a eu lieu en 1992, mais le président Koutchma était venu en France en janvier 1997. La première réunion de la commission économique s'est tenue en mars 1998 ici à Kiev et le président Chirac viendra en visite officielle dans quelques semaines.

Nous avons la ferme intention de développer nos relations bilatérales, à la fois les consultations politiques, les discussions sur toutes les questions générales concernant l'Europe, les discussions sur tous les problèmes régionaux, la dimension économique de nos relations bilatérales également. Mon pays est très conscient de la place stratégique qu'occupe l'Ukraine par sa situation, sa taille, son poids démographique. Mon pays est attaché à l'existence d'une Ukraine forte, indépendante et souveraine. Voilà le contexte dans lequel s'est déroulée cette visite.

J'ai été extrêmement intéressé par les entretiens que j'ai eu ici à Kiev et je pense que cela contribuera à une bonne préparation de la visite du président Chirac et au développement de nos relations.


Q. – La France a-t-elle l'intention d'appuyer l'Ukraine dans sa volonté de devenir un membre associé de l'Union européenne… ?

R. – La position de la France à cet égard est d'abord une position de compréhension par rapport à la politique de l'Ukraine, qui vise à se rapprocher des instances européennes et occidentales. Nous pensons que l'Union européenne doit avoir une véritable stratégie vis-à-vis de l'Ukraine qui aide celle-ci à dessiner des perspectives d'avenir. D'une façon plus précise, nous pensons qu'il faut exploiter toutes les potentialités de l'accord de partenariat et de coopération qui vient d'entrer en vigueur. Cela permet de faire beaucoup de choses.

J'ajoute que, par rapport à ces perspectives européennes de l'Ukraine, la politique de réforme menée est naturellement une bonne chose. Nous savons que c'est une politique qui nécessite beaucoup de courage. Mais elle va dans la bonne direction.

Q. – Quelle est l'attitude de la France envers l'octroi d'une facilité élargie au FMI pour les financements énergétiques ? Et sur le fait que le ministre français des Affaires étrangères n'ait pas visité l'Ukraine depuis 6 ou 7 ans, y avait-il quelques obstacles et quels étaient ces obstacles ? Qu'est-ce qui peut empêcher de développer notre coopération ?

R. – Qu'est-ce qui peut empêcher notre coopération ? Rien. Je ne peux pas répondre pour mes prédécesseurs, je suis ministre depuis un an simplement, mais je ne pense pas qu'il y ait eu de raison particulière qui empêchait ces voyages. Comme je le rappelais tout à l'heure, il y a eu d'autres contacts, assez nombreux, dans la même période. Mais, il faut bien comprendre que nous sommes en train de construire maintenant la relation franco-ukrainienne moderne. L'Ukraine avait des relations et des liens plus anciens ou plus habituels avec d'autres pays. Là, nous sommes en train d'innover. C'est peut-être un peu plus lent au début mais c'est très prometteur.

Sur votre première question, la France soutient l'attribution d'une facilité élargie à l'Ukraine qui est en cours de négociation au FMI.

Q. – Monsieur Védrine, je voudrais savoir si la France est prête à participer au financement de la BERD pour fermer Tchernobyl. D'autre part, j'aimerais savoir où en sont les pourparlers entre GIAT et le gouvernement ukrainien sur la modernisation des tanks.

R. – En ce qui concerne GIAT, les négociations avancent. D'ailleurs, une délégation était là il y a très peu de temps. En ce qui concerne Tchernobyl, je voudrais rappeler que nous sommes très attachés à la réalisation de la promesse courageuse de fermer Tchernobyl en l'an 2000. Au sein de la BERD, nous plaidons pour le caractère prioritaire du financement des deux réacteurs qui doivent remplacer Tchernobyl. D'autre part, la France contribue financièrement à ce que l'on appelle le « fonds sarcophage » et elle est le premier contributeur au Fonds multilatéral de sûreté nucléaire. Je rappelle aussi, mais vous le savez certainement, qu'elle apporte une contribution technique pour la surveillance de la zone de Tchernobyl. C'est un problème qui reste très grave pour nos amis ukrainiens, mais pour beaucoup d'autres aussi et il faut vraiment que l'on continue à rassembler tous nos efforts pour réaliser l'engagement pris.

Q. – Quelle est l'attitude de la France à la volonté de l'Ukraine de devenir membre de l'Union européenne ?

R. – L'Union européenne est engagée déjà dans des négociations difficiles et compliquées dont on ne peut pas connaître la date d'aboutissement. C'est très difficile de se prononcer au-delà. Nous avons ouvert cette année des négociations avec six pays à partir d'une liste fixée par la Commission et personne ne connaît la date aboutissement de ces négociations. Ce ne sont pas des dates fixées arbitrairement de façon politique. Ce ne sera pas forcément la même date pour tous les pays. La Commission a envisagé une autre liste de pays qui pourrait faire l'objet après, personne ne sait quand, d'autres négociations d'élargissement. Mais c'est une perspective à plus long terme et aucune décision n'est prise. J'ajoute que l'Union européenne doit en même temps régler beaucoup d'autres problèmes dans les deux ou trois années qui viennent, notamment des problèmes de financement et institutionnels. C'est pour cela que ce ne serait pas très sérieux de faire des spéculations au-delà de cela. Mais cela n'empêche absolument pas de resserrer les liens entre l'Ukraine et l'ensemble des organisations européennes et notamment d'utiliser à fond l'accord de coopération qui vient juste d'entrer en vigueur, il y a quelques mois. Je crois qu'il y a beaucoup de choses à faire à partir de là et nous verrons ensuite comment avancer.


Entretien avec la télévision ukrainienne - 24 juillet 1998

Q. – Monsieur le Ministre, quelle est votre appréciation de cette visite ?

R. – Elle est encore plus intéressante que ce que je pensais. J'ai eu des entretiens très intéressants avec le président Koutchma et avec le ministre des Affaires étrangères ainsi qu'avec le vice-Premier ministre et le président du Parlement. Nous avons eu le temps d'aborder un grand nombre de sujets malgré la brièveté de la visite. Cela m'aide beaucoup pour la compréhension de l'Ukraine et de ses aspirations, et pour la préparation du voyage du président de la République en septembre prochain. Je repars convaincu qu'il faut intensifier la relation entre la France et l'Ukraine.