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« La Tribune ». – Après l'annonce de mariage entre Aerospatiale et Matra, que dites-vous aux grands industriels européens de l'aéronautique et de l'armement, dont certains comme Dasa et Bae critiquaient le caractère public d'Aerospatiale ?
Alain Richard. – Je leur dis d'abord qu'ils ont un nouveau partenaire dynamique constitué par deux entreprises qu'ils connaissent et respectent pour leur créativité et leur professionnalisme. Ensuite, laissez-moi revenir une bonne fois pour toute sur cette question du caractère public ou non des entreprises. Les deux sociétés qui engagent aujourd'hui leur fusion ont de longue date acquis la confiance de partenaires européens de premier plan. Or, l'une est détenue à 82 % par l'État et l'autre a été publique une partie de sa vie. Toutes les firmes européennes du secteur sont liées à l'État, par la présence du secteur public à leur capital, par les commandes, par une golden share, etc. Le « tout ou rien » n'existe pas dans ce domaine.
Cela dit, la fusion avec un groupe privé impliquait forcément que l'État passé sous la barre des 50 %. Ce changement apporte aussi une réponse à des messages, pour la plupart amicaux, qui nous avaient été adressés par des entreprises partenaires du débat européen. Le profil du nouveau groupe va amplifier la confiance des partenaires européens pour conclure de nouveaux accords avec Aerospatiale-Matra Hautes Technologies.
« La Tribune ». – Dassault est-il également convié à cette alliance, par exemple en échange des 49 % qu'il détient encore dans Dassault Aviation ?
– Notre volonté est de simplifier et de dynamiser nos capacités industrielles dans l'aéronautique et le spatial. Cela s'adresse évidemment aussi au groupe Dassault, en respectant sa diversité. Nous avons confiance dans sa volonté de se projeter vers l'avenir. Il faut que Dassault soit associé au regroupement Aerospatiale-Lagardère.
« La Tribune ». – Que signifiera la mise en Bourse d'Aerospatiale, notamment par rapport à sa participation majeure dans Airbus ?
– La perspective de permettre au public d'investir dans Aerospatiale a été très présente dans nos réflexions sur ce dossier. D'autres grands groupes représentatifs de nos secteurs de pointe ont conquis des milliers d'actionnaires désireux de participer à leurs projets. Nous sommes persuadés qu'il y aura une grande inspiration des salariés d'Aerospatiale à faire de même. Et il faut qu'Aerospatiale et Matra aient accès à un public important pour financer les futurs grands investissements ; je pense en particulier au projet du grand Airbus A3XX mais il y en aura d'autres.
« La Tribune ». – Comment voyez-vous l'évolution du paysage industriel et le lien entre les deux pôles, l'électronique de défense, autour de Thomson-Alcatel, et l'aéronautique, avec Aerospatiale-Matra ?
– Nous estimons que judicieux qu'il y ait deux groupes avec leurs managements ayant chacun la possibilité de développer de grandes avancées technologiques. Ces deux pôles doivent être indépendants l'un de l'autre, d'un côté l'électronique professionnelle et de défense, de l'autre, l'aéronautique et l'espace. Thomson-CSF, avec son partenaire Alcatel, et Aerospatiale-Matra ont vocation à se compléter et leurs rôles respectifs seront précisés dans les prochains mois. Je souhaite en particulier que soit tiré le meilleur parti des compétences retenues de Thomson-CSF dans les systèmes de missiles et d'Aerospatiale et de Matra comme missiliers.