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Assemblée nationale : "Balladur méconnaît le couple éducation-entreprise"
Interview. – Débat aujourd'hui sur la motion de censure déposée par le PS contre la loi quinquennale sur l'emploi. Jean Glavany, porte-parole du PS, veut redonner confiance aux jeunes dans la formation.
Les députés débattent aujourd'hui de la motion de censure, la première du gouvernement Balladur, déposée par les socialistes, avec le soutien des communistes, sur la politique de l'emploi. Jean Glavany, porte-parole du PS et ancien secrétaire d'État à l'Enseignement technique, dénonce "l'aveuglement idéologique" du gouvernement.
La Tribune : Souhaitez-vous une nouvelle loi d'ensemble sur l'emploi ?
Jean Glavany : C'est plus affaire de volonté politique que de dispositif législatif. Cela étant, s'il faut bien une loi, ce serait pour abroger la loi quinquennale, qui est un monument d'idéologie rétrograde visant à déréglementer à tout va alors que le progrès économique est indubitablement lié au progrès social. Une loi m'intéresserait à titre personnel : comment inciter les patrons à investir plus dans la formation ? On nous rabâche le modèle allemand de l'apprentissage. Soit. Mais les entreprises allemandes mettent 70 milliards de francs par an dans la formation, contre 7 milliards seulement pour les entreprises françaises !
La Tribune : Quelles solutions préconisez-vous contre le chômage ?
Jean Glavany : Le PS a engagé une vaste réflexion tirant les leçons de son échec à résoudre le problème central de la société française, le chômage, et visant à proposer une politique alternative faisant de l'emploi non plus une variable résiduelle mais la variable centrale de la politique économique. Nos propositions tournent autour de trois axes : la relance de la croissance ; la baisse significative du temps de travail et la marche vers les 35 heures sans baisse de salaire ; le financement des emplois de services, pour répondre à des besoins criants de la société française. J'en ajoute une quatrième : le retour à la priorité à l'éducation, car la formation, la qualification, le diplôme restent le meilleur passeport pour l'insertion professionnelle.
La Tribune : La mobilisation contre le CIP a été très forte dans les IUT. Or les chefs d'entreprise se plaignent souvent de manquer de diplômés de ces formations courtes. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Jean Glavany : Il me semble qu'une erreur repose sur un aveuglement idéologique et une formidable méconnaissance de l'existant. L'aveuglement idéologique, c'est l'absence de confiance dans les vertus de la formation et la confiance irréfléchie dans celles de l'entreprise. Et la méconnaissance profonde, c'est celle des efforts faits par notre système éducatif pour s'ouvrir sur le monde de l'entreprise, pour définir avec lui les qualifications, les cogérer et multiplier les passerelles. Il faut poursuivre et amplifier ce mouvement. Le couple éducation-entreprise a vécu une véritable révolution culturelle ces quinze dernières années, mais ces messieurs du gouvernement ne le savent pas !
La Tribune : L'affaire du CIP risque-t-elle de décourager les inscriptions des jeunes dans les formations techniques ?
Jean Glavany : Toute la question est là : un récent sondage montre que 73 % des jeunes sont prêts à tout pour obtenir leur insertion professionnelle. C'est l'expression d'une angoisse profonde. À partir de là, il y a deux attitudes politiques possibles : spéculer sur cette angoisse et provoquer la résignation sur une ligne de dévalorisation salariale ; chercher les voies d'une ambition et dire aux jeunes : formez-vous, formez-vous toujours plus et mieux ! L'urgence absolue, c'est de redonner confiance aux jeunes dans la formation.