Articles de M. Dominique Baudis, président exécutif du CDS et tête de liste de l'union RPR UDF pour les élections européennes, et de M. Jacques Barrot, vice-président du groupe UDFC à l'Assemblée nationale, dans "Démocratie moderne" des 14 et 21 avril et du 12 mai 1994, sur les enjeux de la campagne des élections européennes.

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Intervenant(s) : 
  • Dominique Baudis - président exécutif du CDS et tête de liste de l'union RPR UDF pour les élections européennes ;
  • Jacques Barrot - vice-président du groupe UDFC à l'Assemblée nationale

Média : DEMOCRATIE MODERNE

Texte intégral

DÉMOCRATIE MODERNE : 14 avril 1994
Le sens de l'importance d'un engagement par Jacques Barrot

Le combat électoral pour les élections européennes vise d'abord à la désignation de députés qui auront un rôle désormais plus important encore, du fait de l'obligation nouvelle de codécision pour certaines questions importantes concernant la vie des Européens. Mais au-delà, ces élections vont être l'occasion de dessiner, à moins d'un an des présidentielles, une image de la majorité et, plus encore, une certaine conception de la France. Nous devrons, à Rouen, éclairer les vraies dimensions de ce choix pour la liste unique de la majorité.

Il faudra d'abord évoquer les risques. Si, par malheur, la majorité se contentait d'en faire un test pour peser les ambitions des uns et des autres et rivaliser entre ses composantes, sa force rayonnante s'en trouverait affaiblie. Plus grave encore, nous verrions se consolider le refus d'une France ouverte, capable d'assumer la mondialisation de l'économie, au lieu de la subir dans les plus mauvaises conditions. Nous entraînerions le découragement chez nos partenaires, à commencer par les Allemands, par une critique systématique de tous les efforts pour faire de l'Union européenne un moyen de protection des intérêts de notre continent dans le monde.

Mais nous avons mieux à faire encore : il nous faut saisir la chance du débat pour préparer la grande explication de 1995. La France peut-elle renoncer à partir à la conquête des marchés extérieurs, où elle trouvera de nouveaux emplois ? Peut-elle refuser d'entraîner l'Europe à marier les technologies de ses pays pour faire face au Japon et aux États-Unis, et à reprendre l'initiative diplomatique et politique dans le monde ? Pour cela, les Français doivent accepter de s'adapter par un triple effort :

– la maîtrise des frais généraux de la nation, pour pouvoir consacrer plus de ressources à des priorités telles que la recherche ;

– la promotion de notre richesse humaine en résolvant le problème de la formation professionnelle ;

– et la remise en ordre de prélèvements fiscaux et sociaux, pour substituer, à des cotisations sociales dissuasives pour l'emploi d'autres ressources plus universelles, expression d'une solidarité plus large…

L'engagement de la France pour l'Europe ne constitue pas une voie de facilité, un chemin d'illusion comme le prétendent les tenants d'un nationalisme désuet : cette démarche est inspirée par le réalisme, qui oblige à agir ensemble pour peser plus, et par l'ambition extérieure et intérieure, qui nous pousse à vouloir une France ouverte et forte. Bien sûr, il peut y avoir débat, au sein de notre majorité, sur les modalités de la démarche. Mais il ne peut pas y avoir désaccord sur l'orientation : nous favoriserions l'émergence de comportements corporatistes, de dérives populistes de tous bords, qui feraient « florès » dans une France recroquevillée sur elle-même.

À Rouen, notre rôle autour de Dominique Baudis, choisi pour mener le combat au nom de la majorité tout entière, sera de mettre en lumière ces enjeux véritables : une présence française forte et efficace au Parlement européen et la préparation d'un projet présidentiel volontariste et ambitieux… Ne nous trompons pas : qu'il s'agisse du développement de notre économie ou de notre capacité à intégrer les moins favorisés dans la société française, il faut savoir si oui ou non nous voulons une France plus forte, plus courageuse, plus généreuse, capable de réussir en Europe et dans le monde… La majorité tout entière devrait être le porte-parole de cet idéal. À nous de l'y entraîner !


DÉMOCRATIE MODERNE : 21 avril 1994
Pour l'Europe un idéal partagé par Dominique Baudis

Depuis plusieurs mois, l'UDF et le RPR ont travaillé ensemble à la mise au point d'un projet européen commun à toutes les formations de la majorité. Ce projet nous rassemble et nous engage pour l'avenir : nos convictions européennes y tiennent une place centrale, au service d'une Europe plus forte, plus unie et plus démocratique.

Le projet européen de la majorité entend fédérer tous ceux qui veulent renforcer l'Union européenne, sans regarder dans le rétroviseur du référendum de 1992 : l'essentiel, c'est d'être d'accord sur ce qu'il faut faire aujourd'hui et demain pour l'Europe, dans un moment crucial de son histoire.

Il est donc salutaire qu'il n'y ait qu'une seule et unique liste de la majorité, bâtie sur la base de ce projet, en harmonie avec la politique européenne du gouvernement de la France. Nous devons expliquer autour de nous que les listes dissidentes ne font qu'affaiblir la majorité et le gouvernement et portent donc atteinte à la défense des intérêts de la France en Europe.

La liste d'Union que j'ai l'honneur de conduire veut engager l'Europe sur une nouvelle voie.

L'Europe que nous voulons doit redevenir protectrice, au service de la paix et de l'emploi. C'est à cette double condition que nos concitoyens adhéreront, à nouveau, à l'idée européenne, dont ils ne voient trop souvent que les mauvais côtés. Nous avons dans notre famille politique une trop haute idée de l'Europe pour accepter de la voir se disperser dans des questions mineures, en s'occupant de nos fromages ou en réglementant les chasses traditionnelles. Et nos convictions démocratiques ne peuvent s'accorder des travers technocratiques d'une Europe trop lointaine, inaccessible aux citoyens européens.

La convergence accrue des politiques économiques et sociales, l'émergence progressive d'une seule monnaie permettront de combattre plus efficacement les effets de la récession et de résister à la concurrence américaine ou japonaise. Nous pourrons alors renouer avec la croissance et faire donc reculer le chômage.

La montée des nationalismes dans les pays récemment libérés du communisme, avec ses prolongements dans les pays de l'Ouest européen nous rappelle l'apport majeur de la construction européenne : la paix entre Européens.

Le drame de l'ancienne Yougoslavie rend plus urgente encore la mise en œuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune. L'Union européenne doit en effet, avoir les moyens d'agir concrètement pour la paix dans le nouveau contexte européen issu de l'effondrement du communisme.

C'est à la lumière de ces changements que nous avons le devoir de prendre la mesure des inquiétudes et des interrogations pour l'opinion.

Figer notre discours sur l'Europe serait la pire façon de servir notre idéal.

Un idéal n'a de valeur que par son actualité, c'est-à-dire son aptitude à répondre aux défis du temps présent et de l'avenir.

Un idéal n'a de force que si nous sommes capables de le faire partager par le plus grand nombre, pour mieux le concrétiser ensuite.

Voilà le défi lancé à notre famille d'esprit à l'occasion de la prochaine élection du Parlement européen : je vous propose de le relever ensemble, en union avec nos partenaires de la majorité.


DÉMOCRATIE MODERNE : 12 mai 1994
Dominique Baudis : « La vraie fidélité à l'Europe »

Permettez-moi tout d'abord d'exprimer un sentiment que beaucoup d'entre vous partagent. La vraie fidélité à celui auquel nous pensons tous exige de nous que nous placions notre congrès de Rouen sous le signe de la vie. C'est ainsi que nous retrouverons vivante et ardente la flamme qui éclairait la vie et les combats de Jean. S'il est une conviction qui a toujours guidé sa démarche et notre démarche, c'est bien le projet de construction d'une Europe démocratique.

Et le 12 juin prochain, en France et dans les autres pays de l'Union européenne, 260 millions de citoyens seront appelés à élire leurs députés. Le temps fort, le seul temps fort de l'expression de la citoyenneté européenne. Mais peut-on pour autant considérer que la vie publique européenne est une démocratie exemplaire ? Certainement pas. Que nous disent nos compatriotes.

Ils nous disent que l'Europe a tort de s'occuper de ce qui ne la regarde pas. Qu'elle exerce un pouvoir excessif dans des domaines où l'on n'a pas besoin d'elle. Ils ont raison.

J'ai une trop haute idée de l'Europe pour accepter de la voir gaspiller son énergie dans les réglementations, des interdictions, des obligations de toutes sortes. Alors que chaque pays, chaque région, pourrait décider mieux, et plus vite.

J'entends déjà les commentaires. On va sans doute me reprocher de tenir un discours en fonction des attentes de l'opinion. Ce serait oublier que notre doctrine européenne a toujours été fondée sur le principe de subsidiarité. Mais de grâce, n'utilisons pas ce terme durant la campagne. Il faut un bon quart d'heure pour en expliquer la signification.

Je préfère parler d'une Europe décentralisée, où chaque question est traitée au plus près.

Il ne faut pas que l'Europe se disperse là où l'on n'a pas besoin d'elle. Il faut, en revanche, que l'Europe concentre toutes ses énergies là où sa présence est une nécessité absolue. Là où nous avons vraiment besoin d'elle : sur le terrain de l'emploi ; et au service de la paix.

L'Europe peut créer des emplois, elle en a d'ailleurs déjà créé des millions. Mais il faut aussi que l'Europe sache les défendre et les protéger.

Nous allons avoir dix mois de négociations très dures. Nous ne résisterons que si nous faisons bloc tous ensemble.

Comme nous avons su le faire dans la dernière ligne droite de la négociation du GATT. Grâce au gouvernement français, les Européens ont fait bloc. Édouard Balladur, Alain Juppé, Gérard Longuet ont su réveiller la solidarité européenne et obtenir ainsi un résultat équitable malgré les pressions américaines ou japonaises.

Nous sommes entrés, qu'on le veuille ou non, dans une économie mondialisée. Désormais, les marchandises font le tour du monde en quelques jours, les hommes d'affaires en quelques heures, les informations et les capitaux en quelques secondes.

Nous devons dès lors choisir entre trois attitudes : l'ouverture aux quatre vents, la fermeture hermétique ou la régulation garantie.

- L'ouverture aux quatre vents de la concurrence mondiale. Ce serait à terme la disparition de pans entiers de notre économie avec toutes les conséquences sociales que l'on imagine.

- La fermeture hermétique de l'Europe au commerce mondial ? Ce serait pire encore économiquement et socialement. L'Europe est la première puissance commerciale du monde. L'enfermement conduirait très vite à l'asphyxie.

- Ni ouverture irresponsable, ni fermeture suicidaire. Nous choisissons la régulation garantie, c'est-à-dire un commerce organisé dans le de cadre de règles claires proscrivant les pratiques de dumping qui prennent des formes multiples, et je pense plus particulièrement aux pratiques de dumping social humainement intolérables.

La naissance de l'OMC, est sans doute l'une des grandes victoires de l'Europe qui au bénéfice de chacune des nations qui la composent, peut-être un multiplicateur de puissance.

L'Europe au service de la paix

Le drame de la Bosnie est là chaque jour pour rappeler que, de la terre européenne, peut sortir le pire lorsqu'elle est divisée contre elle-même. Pour nous alerter sur les risques de propagande par la combinaison des nationalismes, des bellicismes, des populismes.

Chez nous, dans l'escalade des démagogies de toutes sortes à laquelle nous assistons, j'entends dire que les difficultés pour rétablir la paix en Bosnie prouvent bien que l'Europe doit être jetée dans les poubelles de l'histoire.

À cette absurdité, répondons par une seule question de bon sens adressée à nos compatriotes : le drame bosniaque est-il dû à un excès d'Europe ou à une insuffisance d'Europe ?

La défense des intérêts de la France en Europe : il va de soi qu'ils seront mieux défendus par les députés travaillant en étroite collaboration avec le gouvernement de la majorité parlementaire.

Dans l'intérêt de tous. Dans l'intérêt des Français. Celui du gouvernement. Celui des formations de la majorité, notre liste d'Union doit être activement soutenue afin que nous arrivions en tête et le plus largement possible face à la liste socialiste.