Texte intégral
Madame, Messieurs les membres du comité,
Je suis heureux de pouvoir vous accueillir pour cette première réunion du Comité de l'Environnement Polaire.
Vous-mêmes et votre Président, M. Claude Frejacques, avez été nommés par arrêté du Premier ministre, preuve de l'intérêt que le gouvernement porte à vos travaux.
Je tiens en premier lieu à souligner l'originalité du domaine de compétence du Comité dont vous avez accepté de faire partie.
I. – Une mission de surveillance et de conseil
Il s'agit pour le Comité et ses membres d'assurer une surveillance régulière et continue des activités humaines dans des zones réputées très sensibles du globe, à savoir les zones polaires Nord et Sud que l'homme, du fait des rigueurs du climat a peu fréquentées si ce n'est dans le cadre des activités de recherche.
Ainsi, au terme du décret du 29 mars 1993, les programmes d'activité, les grands projets et les études d'impact concernant toutes les activités humaines, et d'une manière générale toutes les questions relatives à l'environnement polaire vous seront soumises. Il s'agira pour vous de conseiller le gouvernement et les ministres intéressés par les activités polaires. L'Institut français pour la recherche et la technologie polaires – Expéditions Paul Émile Victor et l'administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) pourront également à leur demande bénéficier de votre expertise.
D'autres considérations ont été conduites à l'institution de ce Comité.
II. – Une démarche dans l'esprit du traité de l'Antarctique
Comme vous le savez, les États membres du Traité de l'Antarctique ont entrepris une démarche novatrice quant à l'avenir des zones polaires et à la préservation de leurs écosystèmes, démarche qui place l'ensemble des activités humaines dans ces zones sous le regard et l'œil critique de la communauté internationale.
Si je prends le cas de l'Antarctique, il convient de rappeler que les nations en charge du Traité avaient prévu d'autoriser l'exploitation des ressources minérales du continent tout en tentant de contrôler le déroulement de cette activité par l'adoption de mesures environnementales appropriées, contrôle dont l'efficacité pouvait paraître douteuse compte tenu des moyens de surveillance et de compensation dont les gouvernements auraient pu disposer.
Or, par un renversement d'opinion dont la France a pris la tête, les mêmes nations ont décidé d'interdire pour plus de 50 ans l'exploitation des ressources minérales, c'est-à-dire jusqu'au milieu du siècle prochain, appliquant ainsi le principe de précaution, et permettant aux générations futures de décider de l'avenir du continent en fonction des connaissances et des techniques dont elles pourront disposer alors. La préservation de l'écosystème a prévalu sur les intérêts économiques et l'homme a sagement choisi de léguer intact, ou presque, un patrimoine à ceux qui seront plus à même, dans le futur, d'apprécier les conséquences de leurs actes et de dominer éventuellement la technologie.
Parallèlement à cette décision capitale, les nations se sont entendues dans le cadre d'un Protocole du Traité de l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement signé à Madrid en 1991, pour faire en sorte que désormais toutes les activités humaines menées dans la zone polaire australe soient organisées et conduites de façon à en limiter les incidences négatives.
L'Antarctique a été désigné dans le cadre du Protocole comme Réserve Naturelle consacrée à la paix et à la science en vue d'assurer une protection globale de l'environnement du continent : ainsi, aux objectifs des signataires du Traité de l'Antarctique en 1959, à savoir le maintien de la paix et le droit à la recherche, est venu se greffer fort heureusement la volonté de préserver la valeur intrinsèque de l'Antarctique.
Pour tous ces motifs, nous nous devons à présent d'être exemplaires dans nos activités dans le cadre polaire qua ce soit au Nord comme au Sud, exemplaires certes sur les terres sous juridiction française, mais aussi sur l'ensemble du continent Antarctique ou de la zone arctique.
III. – L'effort de recherche sera poursuivi
Il ne s'agit pas, je l'ai déjà souligné, de brider les activités de recherche dans des espaces qui constituent de merveilleux laboratoires pour l'histoire passée de la planète : nous avons besoin, en encourageant les sciences comme la glaciologie, l'astronomie, ainsi que l'étude des climats et celle de la biologie animale et végétale, de découvrir les éléments qui pourront guider nos activités futures, en puisant dans ces réservoirs de l'histoire du monde.
La création de l'Institut de la recherche polaire devrait permettre de renforcer les activités de recherche de l'Antarctique. De nouveaux développements sont attendus avec la construction en coopération avec l'Italie du futur Dôme C à l'intérieur du continent Antarctique, construction dont vous serez amenés à apprécier, dans le cadre de l'étude d'impact qui a été réalisée, la manière dont sera respecté l'environnement naturel.
IV. – Informer la communauté internationale
Que ce soit dans le domaine des incidences sur l'environnement des activités humaines, dans celui de la conservation de la faune et de la flore et du respect des zones protégées de l'Antarctique, de l'élimination et de la gestion des déchets et de la prévention de la pollution marine, le gouvernement français aura l'obligation de fournir à la Communauté internationale les éléments d'information et d'appréciation.
Votre comité constitue le maillon essentiel de l'organisation de ces circuits d'information, avec l'aide, comme le précise le décret du 19 mars 1993, des moyens de l'administration des TAAF et de l'Institut français pour la recherche et la technologie polaires.
Il convient de souligner à ce propos, les efforts déjà entrepris par les responsables des TAAF sur le continent Antarctique et les îles subantarctiques pour préserver l'environnement et minimiser les conséquences des activités humaines.
Vous aurez à vous pencher également sur le développement des activités touristiques et à vous mobiliser pour faire comprendre à l'ensemble des membres du Traité de l'Antarctique, la nécessité d'en contrôler le déroulement au moment même où les gouvernements se sont imposés des conditions draconiennes pour la conduite de leurs propres activités de recherche.
V. – Le cas de la piste aérienne à la base Dumont d'Urville
Enfin, nous avons en terre française des difficultés à résoudre sur le plan environnemental et la piste aérienne de la base Dumont d'Urville, sujet controversé, en fait partie. Les précautions et garanties qui ont été prises pour sa construction et son fonctionnement (suite notamment à l'invitation par le gouvernement français des ONG sur le chantier de la piste) seront appréciées par votre comité.
Des évènements climatiques ont récemment endommagé la piste et il convient d'en évaluer ensemble les conséquences : un sujet difficile sur lequel votre avis sera précieux et déterminant au regard de la communauté internationale.
Ces difficultés n'ont pas empêché la France de mener des actions internationales en vue de préserver la faune et l'avifaune si caractéristiques des zones polaires : le projet de sanctuaire baleinier dans les mers australes constitue à cet égard une démarche qui rencontre l'adhésion de plus en plus de pays. J'espère pour ma part qu'une décision finale pourra être prise prochainement par la Commission Baleinière Internationale, peut-être dès le mois de mai lors de la réunion de Mexico. Je vous encourage à suggérer d'autres mesures de conservation appropriées qui permettraient à notre pays de mener des actions de coopération avec d'autres Etats dans les enceintes internationales compétentes.
VI. – Conclusion
Pour terminer, je souhaite qu'avec le concours de mon administration, pour ce qui concerne le secrétariat, de celui des services des TAAF et de l'Institut pour la recherche et la technologie polaire, vos travaux se déroulent en toute indépendance avec le souci de permettre au gouvernement d'assurer au mieux sur le plan environnemental, le contrôle des activités humaines publiques ou privées relevant de sa compétence dans les zones polaires. L'image de la France doit demeurer exemplaire, y compris au regard des générations futures qui auront à apprécier la valeur du legs que nous leur ferons et des efforts de conservation qui auront été les nôtres.