Texte intégral
M. Cotta : Tous les bacheliers trouveront-ils une place à la rentrée à l'université ?
F. Fillon : Oui. C'est la loi et elle sera respectée.
M. Cotta : Sans attente dès 4 heures du matin à l'ouverture des guichets ?
F. Fillon : Plus de 80 % des bacheliers sont inscrits depuis le mois de juillet. Les 20 % qui restent le seront dès le début de septembre. Mais l'opération que nous faisons à Paris est la plus grosse opération immobilière faite dans l'université parisienne depuis 20 ans. Nous allons ouvrir en quelques jours – puisque nous achetons des bâtiments existants – 31 000 m2 supplémentaires pour Paris.
M. Cotta : Votre budget s'élève à 70 milliards, 40 milliards pour l'enseignement supérieur, 30 milliards pour la recherche. Une augmentation de 3,5 % pour la recherche suffit-elle pour porter la recherche française au niveau de la recherche au Japon et en Allemagne ?
F. Fillon : La recherche française est aujourd'hui à la troisième ou à la quatrième place suivant les secteurs. 3,5 % c'est beaucoup en rapport à beaucoup de mes collègues…
M. Cotta : … j'étais sûre que vous alliez dire cela !
F. Fillon : … et pas assez par rapport aux ambitions de nos chercheurs et aux ambitions de notre pays. Mais Recherche – comme les autres ministères – doit s'adapter à la conjoncture économique. Les Anglais font moins bien, les Allemands font 2 % d'augmentation: il n'y a que les Japonais qui continuent imperturbablement à augmenter leurs efforts.
M. Cotta : Comment expliquez-vous qu'en France il faille tellement faire pour convaincre les députés des impératifs de la recherche ?
F. Fillon : Le Parlement est convaincu. Mais les impératifs économiques et financiers s'imposent à nous et font que...
M. Cotta : ... c'est un premier impératif, quand même, non ?
F. Fillon : C'est la raison pour laquelle c'est un des budgets qui progresse le plus. 3,5 % dans un budget de l'Etat qui va augmenter de 1,7 %, c'est une vraie priorité.
M. Cotta : Comment expliquez-vous que la recherche en entreprise soit si lente à s'établir ?
F. Fillon : C'est la vraie faiblesse française. La recherche en entreprise n'est pas directement de la responsabilité de l'État.
M. Cotta : Mais l'État incite depuis longtemps !
F. Fillon : La difficulté que nous avons – entreprises et Parlement – est de considérer les problèmes sur le long terme. Nous avons souvent les yeux rivés sur les résultats de l'année.
M. Cotta : Le nez sur le guidon !
F. Fillon : C'est un de nos défauts.
M. Cotta : Qu'attendez-vous des réponses à la consultation nationale des jeunes qui a été lancée par E. Balladur et à laquelle vous avez été associé ? Ces jeunes expriment-ils une volonté d'avoir plus de recherche, plus d'enseignement ?
F. Fillon : C'est une chose qui est constante. Je suis très frappé quand je les rencontre de voir à quel point ils sont sérieux. Beaucoup plus sérieux que nous ne l'étions à leur âge. Ils ont peur du chômage, ils sont préoccupés de leur condition d'enseignement. J'attends de cette consultation qu'elle donne de la jeunesse française une image qui soit exacte, qui ne correspondra sûrement pas à une image qui est donnée par un certain nombre d'organisations.
M. Cotta : Vous vous attendiez au succès de ce questionnaire ?
F. Fillon : C'était un pari. Nous n'étions pas du tout sûrs qu'il soit réussi. C'est donc une bonne surprise.
M. Cotta : Lorsque C. Pasqua lance une université à Nanterre, est-ce un exemple à suivre ou craignez-vous que les enseignants du supérieur ne protestent ?
F. Fillon : C'est une expérience intéressante qui sera stimulante pour l'université publique, mais c'est une expérience qui reste marginale par rapport à une université publique qui représente 80 % de la capacité d'accueil.
M. Cotta : Vous souhaitez que cet exemple soit suivi par les collectivités ?
F. Fillon : Je ne crois pas qu'il sera suivi parce que les collectivités n'en ont pas les moyens. Il faut être aussi riche que les Hauts-de-Seine, être dans la région parisienne, pour bénéficier de l'environnement des universités parisiennes, car c'est une université qui va travailler très étroitement avec les universités publiques.
M. Cotta : L'université d'été du RPR a lieu samedi et dimanche. Vous êtes avec M. Alliot-Marie un des seuls ministres invités ? Pourquoi ? Qu'allez-vous faire ?
F. Fillon : Je souhaite qu'on y aborde les problèmes de fond, l'avenir de l'université française, le débat présidentiel sur les projets.
M. Cotta : J. Chirac accueillera – en vue de la présidentielle l'ensemble des propositions que lui font ses parlementaires le 20 septembre. Le Premier ministre, lui, est présent sur tous les fronts et est au plus haut dans les sondages. Le RPR pourra-t-il attendre la fin de la course à la candidature jusqu'en janvier, ou bien en parlerez-vous dans les coulisses de l'université d'été ?
F. Fillon : On en parlera sûrement dans les coulisses, mais je crois que l'élection présidentielle ne doit pas être une affaire de parti. Si le RPR doit adopter une attitude sage, c'est bien celle qui consistera – en respectant l'esprit des institutions à engager un débat d'idées, projet contre-projet, et pas à vouloir trancher de manière institutionnelle le choix du candidat.
M. Cotta : N'est-il pas un peu tard pour parler d'idées alors que c'est sur les personnes que va se faire le choix ?
F. Fillon : Je ne crois pas. Je crois que les idées et le débat sur les projets vont être fondamentaux, d'autant que les deux hommes auxquels chacun pense ont des qualités d'homme d'État incontestables. C'est donc bien sur leurs projets que les choix se feront.
M. Cotta : Vous étiez un rénovateur en 89, vous êtes un proche de P. Séguin. Quand prendrez- vous votre décision ? Quand P. Séguin parlera ?
F. Fillon : Comme je l'ai promis au Premier ministre, je prendrai ma décision en janvier 95. Quant à P. Séguin, je crois que c'est aujourd'hui l'homme le plus doué de sa génération dans la majorité. Parce que c'est le plus doué c'est à lui de répondre à cette question.
M. Cotta : Pas de carrière présidentielle pour P. Séguin ?
F. Fillon : Pas tout de suite.
M. Cotta : Il ne s'y met pas ?
F. Fillon : C'est le seul qui a aujourd'hui toutes les qualités d'homme d'État pour être un jour candidat à l'élection présidentielle. C'est la raison pour laquelle depuis longtemps je le suis.