Texte intégral
Chers compagnons,
Voilà bientôt six ans que Jacques Chirac m'a fait l'honneur de me confier la responsabilité de secrétaire général de notre Mouvement. Comme chaque année à la même époque, je viens aujourd'hui vous présenter mon rapport d'activité et d'orientation et solliciter le renouvellement de votre confiance.
Au lendemain des élections législatives, nous avions fait ensemble le constat que notre Mouvement était devenu la première formation politique de notre pays. Nous pouvons dire aujourd'hui que nous avons depuis lors conforté nos positions.
C'est le cas tout d'abord au niveau de nos adhérents et de nos militants. À la fin de l'année 1993, le Rassemblement pour la République comptait 151 400 adhérents à jour de cotisation, soit le nombre le plus important depuis 1988. Depuis 1990, d'ailleurs, nos effectifs n'ont pas cessé de progresser et, pour la seule année 1993, 24 000 adhérents supplémentaires nous ont rejoints. Alors que beaucoup de commentateurs se croient régulièrement obligés d'évoquer les partis politiques comme des institutions en crise, les chiffres que je viens de citer montrent que le Rassemblement pour la République est en bonne santé.
Au premier trimestre 1994, malgré certaines turbulences, la confiance et la fidélité de nos adhérents et sympathisants se sont d'ailleurs confirmées, avec presque 40 000 adhésions ou renouvellements. Ceux qui parient, ici ou là, sur la disparition à moyen terme de notre mouvement feraient bien de méditer ces chiffres. Comme le Général de Gaulle à son époque et comme Jacques Chirac aujourd'hui y ont toujours veillé, le mouvement gaulliste est et reste un grand mouvement populaire qui tire sa légitimité de son enracinement dans toutes les catégories socioprofessionnelles de notre pays.
Cette force militante nous permet aujourd'hui d'être à l'écoute de toute la population française. La campagne de communication que nous avons lancée au mois d'octobre, à l'occasion de notre dernier Conseil national, en affirmant notre volonté de faire entendre la voix de nos concitoyens, a été la seule initiative prise depuis un an par une formation politique pour dialoguer avec les Françaises et les Français. Dans beaucoup de nos fédérations, des journées portes ouvertes se sont tenues en janvier dernier et cette initiative – nos parlementaires et nos secrétaires départementaux peuvent en témoigner – a été couronnée de succès. Nous en reprendrons le principe d'ailleurs à la fin du mois de mai. Nous sommes également la seule formation politique à avoir conduit, il y a quelques jours à l'occasion des élections cantonales, une campagne de dénonciation du bilan de la gauche qui a été appréciée par nos candidats et nos électeurs qui avaient souvent exprimé le regret que l'héritage catastrophique légué par les gouvernements socialistes successifs n'ait pat davantage été expliqué et critiqué.
Ainsi s'explique sans doute qu'au-delà de nos militants et sympathisants l'opinion nous conserve sa confiance. Au début de ce mois, 46 % des Françaises et des Français avaient une bonne opinion du Rassemblement pour la République. Après un an de gouvernement, la "cote" de notre Mouvement est restée positive.
Les électrices et les électeurs ont confirmé ce jugement lors des élections cantonales. Pour la première fois depuis sa création par Jacques Chirac, les candidats du Rassemblement pour la République ont recueilli davantage de voix – 15,64 % – au premier tour de cantonales que les candidats UDF ou Divers droite et beaucoup de commentateurs ont souligné qu'il s'agissait là en définitive du principal enseignement de se scrutin. Je ne veux pas succomber à la tentation d'un patriotisme de parti étriqué, mais je veux ici vous remercier et féliciter, par votre intermédiaire, tous nos cadres et tous nos militants qui se sont dévoués sans compter sur le terrain. Avec 37 élus supplémentaires et 28 présidences de conseil général au total, notre Mouvement obtient le meilleur résultat de son histoire dans ce type d'élections et confirme son enracinement local.
Il y a un an, j'avais appelé votre attention sur l'importance de cette échéance qui se situait à mi-chemin des élections législatives et de l'élection présidentielle. Avec l'appui du Centre national qui, pour la première fois, a apporté un soutien financier à nos fédérations dans les départements jugés prioritaires et qui a mis en place, tant sur le plan de la formation des candidats que sur le plan des argumentaires, une logistique inspirée de celle inventée lors des législatives, vous avez su motiver nos candidats et les faire gagner. Avec Jacques Chirac et Jean-Louis Debré, mais aussi avec plusieurs ministres, que je veux ici remercier, et de très nombreux membres de notre Commission exécutive, nous avons multiplié les réunions publiques ou les soutiens sur le terrain et ce travail a payé.
Notre Mouvement est la seule formation organisée à enregistrer des gains à l'occasion de ces élections et je tiens ici à vous rendre hommage.
J'ajoute qu'au-delà des succès les plus évidents – La Creuse, la Loire-Atlantique, le Loiret et les Yvelines – notre Mouvement a conforté ses positions dans de très nombreux départements dans lesquels il détient ou non la présidence. Je veux citer ici au tableau d'honneur, bien que ce type d'énumération soit injuste, la Drôme, le Gers, la Haute-Marne, le Haut-Rhin, le Nord, la Seine-et-Marne, le Tarn et le Vaucluse.
J'aurai garde, enfin, d'oublier les Alpes-Maritimes où le résultat des élections cantonales est venu confirmer et conforter l'action entreprise par le Centre national, notamment à Nice qui dispose pour la première fois de son histoire d'un maire gaulliste, notre compagnon Jean-Paul Baréty.
Je n'exprimerai qu'un seul regret : dans deux départements, la Seine-et-Marne et les Pyrénées Orientales, le manque de discipline de certains de nos élus ne nous a pas permis d'utiliser nos gains en sièges pour conquérir des présidences qui étaient pourtant arithmétiquement à notre portée. Il nous faudra en tirer les conséquences.
J'ajoute et j'en terminerai ainsi avec le bilan des élections cantonales que scrutin nous a permis de marquer des points dans la perspective des prochaines élections municipales. Ne nous endormons pas cependant sur nos lauriers. L'année qui vient s'annonce décisive pour notre Mouvement.
Il nous faudra continuer à soutenir le gouvernement d'Édouard Balladur. L'opposition avait espéré sanctionner le gouvernement à l'occasion des élections cantonales et elle a échoué. Nos concitoyens ont manifesté leur confiance dans l'œuvre de redressement et de réformes entreprises depuis un an. Conformément aux engagements que nous avions souscrits lors des élections législatives, des réformes essentielles attendues par nos électeurs ont été réalisées, qu'il s'agisse du cadre juridique dans lequel la Police et la Gendarmerie exercent leur action quotidienne contre l'insécurité et contre l'immigration clandestine, du régime des retraites ou de l'impôt sur le revenu. Parallèlement, le déficit des finances publiques a été contenu, puis réduit, cependant que le processus des privatisations était engagé avec succès. L'arsenal des décisions arrêtées pour stimuler l'activité économique et favoriser l'emploi a permis, depuis le début de l'année – et il s'agit là d'un résultat très encourageant – de limiter la progression du chômage qui semble se stabiliser. Un grand débat s'est engagé au sujet de l'aménagement du territoire en vue de dessiner le visage de la France dans une génération. Enfin, la négociation du Gatt s'est terminée dans de bonnes conditions pour notre pays et notamment pour son agriculture et la France a pris en Yougoslavie des initiatives qui ont contribué à rendre espoir à Sarajevo.
Nous avons voulu ces réformes, nous avons souhaité ces décisions et nous avons soutenu les unes et les autres. Notre soutien à l'action du gouvernement passe par une action toujours renouvelée d'explication. Cette action, nous sommes la seule formation politique à la conduire sur le terrain grâce à nos publications et à nos campagnes d'affichage et de tracts. Nos publications, qu'il s'agisse de La Lettre de la Nation magazine, du Bulletin des Élus locaux, de Participer ou du journal des Jeunes – Contacts –, ont été rénovées et leur diffusion accrue. La Lettre de la Nation magazine, avec ses argumentaires, les émissions "Expression Directe", la nouvelle publication intitulée "Action Majeure" ou les tracts diffusés à intervalles réguliers et à plusieurs millions d'exemplaires sur toutes les grandes décisions gouvernementales, ont été et resteront pour nous le moyen d'exprimer notre conviction que ce gouvernement est le nôtre et qu'il met en œuvre, malgré la tardiveté et la lenteur de la reprise et l'étroitesse des marges de manœuvre dont il dispose au plan budgétaire, les actions que nous jugions il y a un an essentielles pour le redressement de notre pays et de son économie.
Il nous faudra aussi préparer les prochaines échéances électorales et notamment les élections européennes et municipales.
Pour les élections européennes, nous avons fait le choix de l'union, comme pour toutes les consultations électorales auxquelles nous avons participé depuis 1988. Mais ce n'est pas l'union à n'importe quel prix. Le projet européen adopté par notre Mouvement et par l'UDF au début du mois de mars reprend, en bien des points, des propositions que notre Mouvement avait formulées à la fin de l'année dernière après la réunion, pendant deux mois, sous mon autorité d'un groupe de personnalités du Rassemblement dont l'approche des problèmes de la construction européenne était pourtant réputée diverse.
Ce projet approuvé à l'unanimité par notre Bureau politique le 9 mars dernier réaffirme notre conviction que les grandes orientations politiques de la construction européenne doivent être définies par le Conseil européen et le Conseil des ministres et que ces deux instances doivent, de concert avec le Parlement européen, exercer un contrôle sur la Commission en ayant notamment la possibilité de mettre fin à son mandat ou de la censurer. Dans le même esprit, ce projet prend position en faveur de l'élargissement de l'Europe et propose, conformément à la vision qui était celle du Général de Gaulle d'associer rapidement les pays d'Europe centrale et orientale aux aspects politiques de l'Union européenne. Ce projet propose également de doter l'Europe d'un système de sécurité qui lui soit propre, comme le Plan Fouchet l'avait suggéré en son temps, et tire les leçons de la négociation du Gatt en rappelant le principe, trop souvent oublié alors qu'il est l'un des fondements de la construction européenne, de la préférence communautaire. C'est dire que ce projet qui engage tous les candidats aux prochaines élections européennes n'a rien d'un projet fédéral et qu'il est fidèle à notre conception d'une Europe des nations, maîtresse de son destin, sachant s'affirmer dans le monde, et dans laquelle les intérêts de la France et des Français pourront être défendus tant par notre gouvernement que par nos élus au Parlement européen.
Dès lors que ce projet était conforme à nos vœux, nos électeurs n'auraient pas compris que nous ne fassions pas le choix de l'union. Jacques Chirac comme Édouard Balladur avaient exprimé leur préférence en ce sens. Il nous reste désormais à arrêter la liste de nos candidats et à confirmer par ce choix que nous n'avons en rien renoncé aux valeurs qui sont les nôtres dans ce domaine. La Commission nationale d'investiture va s'y attacher et vous vous prononcerez le 6 mai à ce sujet.
L'élection européenne, en raison notamment du mode de scrutin – la proportionnelle à l'échelon national –, est une élection très politique qui engage notre Mouvement comme elle engage le gouvernement soutenu par une majorité dont la liste d'union sera tout à la fois l'émanation et l'expression. Je vous invite donc à préparer dès maintenant ce combat car la gauche serait la seule à bénéficier d'un score médiocre de la liste de l'Union pour la France. Ne négligeons pas la gauche qui a subi une sévère défaite lors des élections législatives, mais qui sera présente, contrairement à certaines prédictions hasardeuses, au second tour de l'élection présidentielle.
Ne soyons pas prisonniers de querelles qui avaient leur sens il y a quelques années encore et sachons tirer profit de ce que l'histoire du continent européen depuis trente ans a donné raison à notre vision de la construction européenne !
Les élections municipales devraient avoir lieu en juin 1995, moins de deux mois après l'élection présidentielle. Beaucoup de nos cadres et de nos militants seront concernés par ces élections qui doivent nous permettre de renforcer davantage encore notre implantation locale. D'ores et déjà, les négociations avec l'UDF pour les investitures dans les villes de plus de 30 000 habitants, qui sont – je le rappelle – du ressort exclusif du Centre national et de la Commission nationale d'investiture, ont commencé et nous espérons les achever avant la mi-juillet. Je ne puis que vous inviter, pour les autres communes, à engager ces négociations au plan départemental. Le Centre National mettre à la disposition de tous nos candidats une série d'outils méthodologiques – sondages, analyses de segmentation, analyses qualitatives, consultation directe des habitants – qui valent certes davantage pour les grandes communes que pour les plus modestes, mais qui peuvent être adaptés au cas de ces dernières.
La réunion de nos secrétaires départementaux et secrétaires de circonscription, qui est prévue à la fin juin, sera l'occasion de présenter tous ces outils et de préparer la mobilisation de nos candidats, puis de nos militants dans cette perspective.
Notre service de formation, auquel je veux aujourd'hui rendre hommage et qui a notamment développé pour nos parlementaires une formation destinée à faciliter leur enracinement et donc leur réélection, sera en première ligne dans la préparation de ces élections municipales. Je souhaite que puisse également être associée à cette préparation l'Association nationale pour la démocratie locale que notre compagnon, Jean-François Mancel, préside avec talent. Depuis un an, l'Association a fait peau neuve et a développé de nouveaux outils : plusieurs colloques destinés à nos élus locaux ont été ou seront organisés et un institut de formation a été créé dont l'agrément par les pouvoirs publics est imminent. Je souhaite qu'à tous les niveaux – communes ou regroupement de communes, départements, régions – tous les élus qui appartiennent à notre Mouvement ou qui en sont proches aient le réflexe d'utiliser les services de cet institut de formation aussi bien pour l'accomplissement de leur mandat que pour la préparation des échéances qui les attendent. Je voudrais également saluer la qualité de notre Bulletin des Élus locaux dont la maquette avait déjà été rénovée par Dominique Perben et dont la diffusion a été très sensiblement élargie puisqu'elle s'établie désormais à 45 000 exemplaires, ce qui permet d'en rendre destinataires tous les maires.
Entre l'élection européenne et les élections municipales interviendra l'élection présidentielle. Cette élection, qui est la clef de voûte de nos institutions, sera le grand rendez-vous politique de l'année prochaine. Elle sera l'occasion d'un nouvel élan pour notre pays et pour la politique de réformes engagés depuis avril 1993. La disparition des entraves inhérentes à la cohabitation et le jugement que l'ensemble des Françaises et des Français porteront alors sur l'action du gouvernement d'Édouard Balladur permettront au candidat de notre mouvement, s'il l'emporte, de faire prendre à la France, à l'aube du XXIe siècle, un nouveau départ en s'appuyant sur les acquis de l'action gouvernementale et sur les aspirations que nos concitoyens auront exprimées tout au long de la campagne.
D'ores et déjà, il nous faut préparer le grand débat qui aura lieu dans notre pays dans les mois qui précéderont l'élection présidentielle. Notre mouvement devra être présent en tant que tel dans ce débat en formulant des propositions et en rappelant les valeurs fondamentales auxquelles nous sommes attachés. Les grandes manifestations organisées par le Rassemblement pour la République dans les mois à venir, et notamment notre Université d'été, nous permettront d'approfondir la réflexion déjà engagée par les groupes de travail mis en place depuis un an sous l'autorité des délégués généraux et secrétaires nationaux de notre Mouvement.
Nous ne parviendrons cependant à nous faire entendre que si nous réussissons à maintenir l'unité du Rassemblement pour la République. Telle n'est pas la moindre de mes missions. Notre Mouvement dispose encore aujourd'hui de tous les atouts pour gagner l'élection présidentielle, mais le plus sûr moyen de les gaspiller serait de compromettre notre unité en nous abandonnant aux délices des luttes de clans. Je souhaite qu'il n'en soit rien. J'ai regretté, au cours des deux derniers mois, certaines déclarations ou certaines prises de position de quelques-uns de nos compagnons et je tenais à vous le dire car je suis convaincu que vous avez partagé et que vous partagez encore mes sentiments à ce sujet.
J'ai dit à plusieurs reprises que je serai tout à la fois loyal envers Édouard Balladur – aussi longtemps que je serais membre de son gouvernement – et fidèle à Jacques Chirac. Cette prise de position n'est pas seulement celle d'un ministre des Affaires étrangères qui est aussi secrétaire général de notre Mouvement. Elle peut être partagée, je crois, par tous nos élus, par tous nos cadres, par tous nos militants qui ont souhaité l'alternance en mars 1993 et approuvent massivement l'action d'Édouard Balladur mais qui ont œuvré pour les plus anciens d'entre eux depuis presque une génération aux côtés de Jacques Chirac dans tous les combats que le Rassemblement a livrés depuis sa création.
Cette position ne préjuge pas l'avenir qui est – et c'est l'honneur de notre démocratie – entre les mains des Françaises et des Français. Mais c'est la seule, je crois, qui soit compatible avec tout ce que nous devons à Jacques Chirac. S'il confirme son intention de participer au grand débat qu'appelle l'élection présidentielle, cette position sera aussi la seule à nous permettre de maintenir l'unité du Rassemblement pour la République.
Nous ne sommes jamais, et je souhaite que chacune et chacun d'entre nous s'en souvienne, que les serviteurs du gaullisme. Travaillons toujours à le rendre plus fort, plus convaincant, plus proche des Françaises et des Français. Le reste nous sera donné par surcroît.