Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureuse d'être parmi vous ce soir car je connais l'importance de votre action pour notre société. Votre mobilisation et votre engagement aux côtés des familles permettent d'améliorer leur vie de chaque jour. Je suis particulièrement consciente des efforts que vous déployez à l'UDAF de Paris en raison non seulement du nombre des familles concernées mais aussi de la multiplicité de leurs situations.
Il y a quinze jours, j'ai tenu une conférence de presse au cours de laquelle j'ai exposé le contenu du projet de loi relative à la famille qui sera présenté prochainement au Parlement. Notre rencontre me donne l'occasion de vous préciser les objectifs et les engagements du Gouvernement en matière de politique familiale. J'espère ainsi lever certaines inquiétudes qui ont pu être exprimées ces derniers temps.
Tout d'abord, il me parait essentiel de souligner que le projet de loi sur la famille ne couvre qu'une partie de la politique globale de la famille que le Gouvernement entend mener, et ce pour plusieurs raisons.
La première raison est évidente mais je tiens à la rappeler : tout n'est pas d'ordre législatif et de nombreuses mesures de nature à améliorer la vie des familles relèvent d'un décret, d'une circulaire ou d'une campagne d'information. En outre, une part importante de la politique familiale ne relève pas de l'État mais des collectivités locales, des entreprises et des associations. N'est-ce pas d'ailleurs le vœu des familles elles-mêmes que l'État ne soit pas omniprésent mais que notre société toute entière se mobilise pour mieux les aider et les accompagner ? L'année internationale de la famille favorisera des initiatives dans ce sens.
D'ores et déjà le dispositif que j'ai mis en place pour célébrer l'année internationale de la famille a permis une grande mobilisation locale autour des comités départementaux créés à cet effet. Au plan national, j'ai installé le Comité de pilotage en novembre dernier. Trois groupes de travail ont été mis en place et j'en ai confié les présidences à monsieur Burnel, Président de l'UNAF, à monsieur Boisard, Président du Secours Catholique et à monsieur Steck, Directeur adjoint de la Caisse nationale des allocations familiales. Très prochainement, le Premier ministre installera le Comité National de l'année internationale de la famille. Composé d'une vingtaine de hautes personnalités, ce comité supervisera l'ensemble des travaux et présentera, fin 1994, les conclusions des experts et acteurs de terrain qui se seront réunis tout au long de cette année.
Pour en revenir plus directement au projet de loi relative à la famille, je tiens aussi à souligner qu'il ne peut comprendre que des mesures concernant spécifiquement les familles. En raison de la diversité des fonctions qu'elles remplissent, les familles sont au cœur de la plupart des politiques publiques et l'on ne peut en détacher ce qui concerne plus particulièrement les familles sauf à priver ces politiques d'une nécessaire cohérence. Je pense notamment aux politiques de l'emploi, de la santé, de l'éducation, des transports, du logement, de l'aménagement du territoire, de la fiscalité,… Et différentes mesures en faveur des familles ont déjà figuré ou figureront dans d'autres textes législatifs que celui dont nous parlons aujourd'hui. Je pense en particulier à la seconde étape de la réforme fiscale.
Il me paraît donc important de répéter aujourd'hui que le projet de loi-cadre sur la famille ne traite nécessairement que de certains aspects de la politique que le Gouvernement entend mener ou impulser en faveur des familles.
Venons-en maintenant au contenu du projet de loi dont, je le sais, certains aspects préoccupent l'UNAF et vous préoccupent donc sans doute aussi.
Le mode de financement de ce projet de loi a suscité des critiques et il me semble important que nous puissions en parler ouvertement aujourd'hui.
Tout d'abord, je tiens à souligner que le Gouvernement, s'engage à rompre radicalement avec les pratiques antérieures qui ont consisté à combler le déficit des branches maladie et retraite par un transfert de fonds venant de la branche famille.
C'est pourquoi la loi prévoit très précisément que l'État compensera, par une subvention à la CNAF, les baisses de recettes qui pourraient résulter de mesures législatives ou réglementaires modifiant le taux, l'assiette ou le champ des cotisations et contributions déterminant les recettes de la branche famille. Si l'État ne saurait être comptable des dérives antérieures, en revanche toutes les mesures qui sont intervenues depuis le 1er janvier 1993, je pense en particulier aux incidences de la loi quinquennale sur l'emploi, seront prises en compte.
La seconde décision majeure est de garantir l'autonomie financière de la branche famille : ainsi les recettes de la branche famille seront intégralement affectées à la politique familiale.
Jamais aucun Gouvernement n'avait pris un tel engagement.
Sur ces bases de financement, ainsi rénovées, nous verrons le compte de la CNAF – qui, selon nos prévisions, sera au voisinage de l'équilibre en 1995 – se redresser progressivement puis dégager des marges élevées. Nous devrions en 1999 disposer du potentiel financier de 19 milliards permettant de réaliser totalement le programme prévu dans le projet de loi.
L'excédent structurel de la CNAF résultera :
D'une part, de la progression de ses recettes en francs constants, compte tenu de la croissance de la masse salariale qui devrait être de 1,5 % en 1995 et de 3 % les années suivantes.
D'autre part, il faut hélas le constater, de la baisse de la natalité. Le projet de loi relative à la famille ainsi que le rétablissement de la confiance en l'avenir qui est une préoccupation majeure du Gouvernement, permettront, je le souhaite, une nette augmentation du nombre de naissances. Mais cette augmentation ne peut être que progressive et la chute des naissances que nous avons enregistrée ces dernières années continuera d'avoir des effets sur le volume des prestations familiales, et en particulier sur les allocations familiales.
Ce seul excédent ne saurait cependant suffire à financer l'ensemble du programme que nous avons défini. C'est pourquoi, nous avons prévu, pour une période de cinq ans, d'indexer la base mensuelle des allocations familiales, sur l'évolution des prix plutôt que sur les salaires. Nous aurions pu affecter les excédents disponibles à une plus forte revalorisation de l'ensemble des prestations familiales. Mais, dans le contexte actuel, nous avons préféré accorder la priorité à des mesures structurantes dont je vais parler maintenant.
Au préalable, je voudrais vous dire combien j'ai été frappée par les différentes réactions au projet de loi que j'ai annoncé. Elles consistent à remettre en cause les recettes que nous proposons et, tout à la fois à proposer des mesures plus coûteuses sans en préciser le financement. Ceci n'est pas envisageable. La situation économique et l'état des comptes sociaux ne permettent pas d'adopter une politique qui creuserait substantiellement le déficit du régime général.
Les mesures que nous proposons poursuivent un double objectif : contribuer à la relance de la natalité et améliorer la vie quotidienne des familles, ces deux aspects étant nécessairement liés.
1°) Dans un premier temps, nous voulons favoriser le libre choix des familles. Sur ce sujet très important, tant pour la natalité que pour la vie quotidienne des familles, le Gouvernement a choisi une politique équilibrée qui concernera plus de 650 000 familles et mobilisera 10 milliards de Francs, dont 8 milliards sur !es comptes de la CNAF. Ainsi, seront améliorés l'ensemble des dispositifs, ceux qui concernent les familles où l'un des parents – généralement la mère – n'a pas d'activité professionnelle, ceux qui concernent surtout les ménages où les deux parents ont une activité professionnelle.
Le versement de l'allocation parentale d'éducation dès la seconde naissance et son ouverture en cas de travail à temps partiel concerneront près de 250 000 familles. Il s'agit en premier lieu de familles où l'un des parents a déjà arrêté ou réduit son activité professionnelle et pour lesquelles l'APE, qui n'est pas imposable et n'est pas comptée dans le calcul des aides au logement, représente un apport monétaire significatif. Il s'agit ensuite de ménages qui, sans l'APE, n'auraient pas pris la décision de consacrer davantage de temps à leurs enfants. Cette décision sera facilitée par le congé parental auquel ils auront droit, quelle que soit la taille de leur entreprise, et qui leur donnera la garantie de retrouver un emploi au terme de ce congé.
Parallèlement, nous proposons d’accroître substantiellement les aides aux parents qui, pendant leur temps de travail, ont besoin d'un mode de garde pour leurs enfants. D'une part, nous allons augmenter les aides financières aux parents qui emploient une assistante maternelle ou une employée de maison. D'autre part, nous allons engager avec la Caisse Nationale des Allocations Familiales un programme de développement des modes d'accueil des jeunes enfants. La réalisation de ce programme sera confortée par l'obligation, pour les communes de plus de 5 000 habitants, d'élaborer des schémas de développement des modes d'accueil.
2°) Dans le même temps, nous proposons des mesures permettant une meilleure conciliation du temps de travail et de la vie familiale. En plus de l'extension du congé parental, nous proposons des congés spécifiques pour enfants malades. Des mesures de même inspiration sont retenues pour la fonction publique.
3°) Une seconde étape du projet de loi est la prolongation du versement des prestations familiales et de logement pour les jeunes adultes à charge. Tous les jeunes de moins de 20 ans, à charge de leurs parents, continueront de bénéficier des prestations familiales. Ceci concernera les jeunes qui ne sont pas en formation et n'ont pas non plus d'activité professionnelle ainsi que les jeunes qui perçoivent un salaire inférieure à 55 % du SMIC. Par ailleurs, tous les jeunes étudiants, en formation ou en apprentissage bénéficieront des prestations jusqu'à l'âge de 22 ans. Cette réforme aidera près de 600 000 familles pour un gain moyen de 1 200 F par mois et coûtera 8 milliards et demi de francs. Elle ne pourra être mise en œuvre que progressivement, en fonction des disponibilités financières de la branche famille et en accordant la priorité aux familles qui en ont le plus besoin : les familles qui perçoivent des aides au logement et les familles nombreuses.
4°) Pour une 3ème étape, nous avons réservé une enveloppe de 3 milliards de francs pour améliorer les aides au logement des familles.
Notre projet de loi comprend par ailleurs des aides spécifiques à certaines familles : les familles qui ont des naissances multiples et celles qui adoptent un ou plusieurs enfants.
Et, comme je l'ai annoncé à plusieurs reprises, même s'il ne s'agit pas d'une mesure qui concerne exclusivement les familles, le taux des pensions de réversion sera augmenté progressivement. Il me parait en effet indispensable de mieux aider les personnes veuves qui ne perçoivent que de petites pensions de réversion et ont un très faible niveau de vie.
Enfin, et j'en terminerai par là car je sais que c'est un sujet qui vous tient à cœur, nous nous sommes engagés avec la CNAF, dans un programme de simplification des prestations. Mes services en discutent actuellement avec ceux de la CNAF et le Gouvernement a décidé d'accorder 200 millions de Francs à la CNAF pour procéder aux simplifications qui lui sembleraient les mieux appropriées. Je sais, que de nombreuses propositions ont été faites pour remplacer l'ensemble des prestations existantes par deux ou trois prestations. Mais il faut savoir que toute simplification de ce type ne peut que se traduire par un coût important, sauf à envisager une perte de droits pour de nombreux allocataires. Dans la situation actuelle, une telle réforme ne me parait donc pas opportune. Si notre système est complexe, c'est parce que nous avons toujours cherché à adapter aux mieux les aides financières aux besoins différenciés des familles. Il me parait beaucoup plus important et réaliste aujourd'hui de veiller à alléger les contraintes de gestion pour les CAF car elles se traduisent inévitablement par une détérioration des relations entre les CAF et les usagers. Dans le même temps, nous devons alléger les formalités pour les allocataires et les informer correctement de leurs droits. Les brochures diffusées par les CAF, le minitel 36.15 CAF et l'accueil personnalisé des personnes qui rencontrent des problèmes spécifiques permettent aux familles de faire valoir leurs droits et j'ai demandé aux Caisses d'allocations familiales de poursuivre leurs efforts dans ce sens.
En conclusion, je tiens à vous dire que je ne partage pas les inquiétudes de ceux qui pensent que la famille est gravement menacée. Les modes de vie familiaux empruntent désormais des formes très diverses mais les liens qui unissent les membres d'une famille restent très forts. Pour les trois quart de nos concitoyens, la famille est le seul lieu où l'on se sente bien et protégé. Les différentes enquêtes qui ont été réalisées sur la famille, je pense en particulier à une enquête financée par la caisse nationale d'assurance vieillesse, montrent que les solidarités inter générations se sont modifiées mais ne se sont pas affaiblies. Ces solidarités sont essentielles dans le contexte économique et social que nous connaissons. Il est de notre devoir à tous, acteurs publics, entreprises, associations et mouvements familiaux comme le vôtre, de contribuer à entretenir, et si possible à renforcer ces solidarités. Ensemble, dans le respect des compétences et dans la compréhension des contraintes et des aspirations de chacun, nous pourrons atteindre cet objectif prioritaire pour l'avenir de notre Nation.
Je sais, monsieur le Président, que vous avez quelques questions à me poser, et je suis maintenant à votre disposition pour y répondre.