Texte intégral
Merci, Monsieur le président Chapon, pour vos paroles d’accueil, et aussi pour votre contribution à l’orientation et à l’animation des recherches en génie civil depuis une quinzaine d’années.
Vous venez de nous rappeler l’enjeu que représente la recherche en génie civil pour notre pays. Elle concerne en effet un secteur économique majeur, en termes d’aménagement du territoire, de développement régional, de satisfaction des besoins des collectivités locales et des citoyens.
Ce secteur, par ses bonnes performances à l’exportation, apporte aussi, on le sait, une contribution importante au bon comportement de notre balance extérieure et au rayonnement international de l’ingénierie française. Il est aussi remarqué, même si des progrès sont encore à réaliser, par une bonne capacité d’innovation et par le dynamisme de nombre de ses entreprises.
Je pense que tout cela est dû, pour partie au moins, comme vous l’avez à juste titre souligné. Monsieur le Président, aux programmes pluriannuels de recherche en génie civil qui se sont succédés depuis 1984 et à la part qui y ont pris l’État et l’ensemble des partenaires du secteur.
Pour m’en tenir à la période la plus récente, je citerai de ce point de vue le Plan génie civil, créé en 1993, qui s’est révélé un instrument efficace d’impulsion, d’animation et de médiation.
Mobilisant sur cinq ans 250 MF environ, dont près de 65 MF de fonds publics, il a soutenu des recherches collectives, conforté des équipes de recherche en entreprise, suscité et développé de véritables réseaux entre chercheurs travaillant dans les laboratoires publics et privés, dans les organismes comme dans les universités.
Ce partenariat me paraît constituer à la fois un acquis et un point d’appui essentiel pour l’avenir.
Il s’articule autour d’organismes de réputation mondiale, comme le LCPC ou le CSTB. Il intègre la chaîne complète « recherche-développement et formation », du laboratoire à l’expérimentation et à l’application sur le chantier. Son imbrication avec l’administration territoriale du ministère de l’Équipement facilite la prise en compte des attentes des praticiens et des professionnels, ainsi que des préoccupations collectives.
Plus récemment, l’université, les grandes écoles d’ingénieurs ont investi dans la recherche en génie civil qui est maintenant fortement structurée. C’est l’un des effets majeurs de l’action conduite depuis quinze ans.
Cette structure originale, qu’il faut encore conforter, est un atout si, comme c’est le cas aujourd’hui, s’instaurent ces pratiques de coopération entre maîtres d’ouvrage, entreprises et laboratoires qui expliquent pour une large part la vitalité de la recherche française en génie civil.
À titre d’illustration, je prendrai l’exemple, de ces groupements (très comparables aux groupements d’intérêt public dont le récent rapport Guillaume sur l’innovation souhaite le développement) qui se sont mis en place, souvent de façon informelle, pour la mise en œuvre de certains programmes importants qu’il est convenu d’appeler les projets nationaux.
Cette démarche active de partenariat a permis de nombreuses avancées dans les domaines des bétons à hautes performances et des matériaux composites, l’utilisation économe des matériaux naturels (calcaires, sols fins), les travaux souterrains (tunnels et micro tunnels), etc. Elle a favorisé la vulgarisation d’innovations intéressantes comme l’emploi des composites dans certains éléments de structure (par exemple pour des portes d’écluse) ou pour réparer des ouvrages endommagés, les aciers thermomécaniques pour les ouvrages d’art, ou encore les parois clouées pour des soutènements.
Il s’agit là de toute une série d’innovations-clé susceptibles d’ouvrir de nouveaux marchés à nos entreprises à l’exportation et qui répondent aux préoccupations de maîtrise des coûts et de réduction des nuisances exprimées par les maîtres d’ouvrages.
Cette démarche mérite, je le répète, d’être renforcée et poursuivie. Au sortir d’une longue période de difficulté économique et de baisse d’activité, la poursuite d’un effort soutenu de recherche-développement dans ce secteur du BTP apparaît d’autant plus indispensable.
De manière générale, comme le soulignent à juste titre Jean BERTHIER et Felix DARVE dans leur rapport dont je tiens ici à les remercier, le secteur du génie civil se trouve confronté à des enjeux déterminants pour son avenir :
– le premier de ces enjeux concerne, comme le titre de votre colloque le met à juste titre en exergue, les nouvelles préoccupations relatives à l’environnement, aux risques et à la santé, qui doivent être perçues moins comme des contraintes que comme un facteur d’ouverture de nouveaux marchés pour les entreprises qui sauront les dominer ;
– deuxième enjeu : l’importance accrue à accorder aux problèmes de gestion, de maintenance et de réhabilitation des ouvrages ;
– troisième enjeu : l’impact des nouvelles technologies et la nécessité pour ce secteur de se les approprier dans des contextes singuliers ; je pence en particulier aux chantiers.
Enfin, la complexité des problèmes posés appelle des compétences pluridisciplinaires, donc un renforcement des procédures favorisant des démarches coopératives entre équipes différentes.
Sans doute le bilan du Plan génie civil montre-t-il quelques faiblesses. La plus importante, à mes yeux, touche à l’exploitation et à la valorisation des résultats de recherches.
L’évaluation réalisée par Serge Feneuille a indiqué qu’à quelques exceptions près, ces résultats ne sont pas assez rapidement diffusés auprès de tous les acteurs de la construction, et traduits sous forme de recommandations ou de normes. C’est vrai d’ailleurs aussi bien pour les recherches faites dans le cadre institutionnel que pour les recherches dites « incitées ».
Mais l’évaluation a souligné aussi l’intérêt que les professionnels et les chercheurs attachent à cette forme de coopération et à une procédure d’orientation de la recherche qui permet aux maîtres d’ouvrage et aux entreprises d’exprimer leurs besoins.
La dynamique créée par le Plan génie civil et ses devanciers doit être poursuivie. Leurs acquis doivent servir de base à de nouveaux développements de la recherche en génie civil.
C’est la conviction qui a présidé à l’organisation de ce colloque. C’est celle qui, personnellement, m’anime.
À l’évidence, l’effort de recherche des prochaines années dans le domaine du génie civil devra répondre aux besoins qui constituent les thèmes autour desquels se structurent cette journée. Gamme plus ouverte de matériaux, à la fois plus performants, moins coûteux et plus écologiques, surveillance et réhabilitation des ouvrages, modernisation des chantiers, afin notamment de minimiser leurs nuisances et les gênes qu’ils occasionnent aux riverains, maîtrise des risques et traitement des pollutions, tous ces thèmes expriment la même volonté de préparer un cadre de vie pour demain plus respectueux de l’homme, plus soucieux du patrimoine que nous léguerons aux générations futures.
Disant cela, je n’oublie pas en particulier que le ministère de l’Équipement est aussi celui de l’urbanisme : le génie civil doit à la fois relever le défi de la complexité des ouvrages, de plus en plus inhérente aux interventions en site urbain, embellir le cadre de vie, et intégrer les contraintes du développement durable, tant sur le plan des fonctionnalités de ces ouvrages que des techniques constructives.
Ces thèmes dessinent une nouvelle approche de l’aménagement, ils ouvrent des créneaux porteurs pour nos entreprises. Vos ateliers d’aujourd’hui permettront, j’en suis convaincu, d’en approfondir le contenu.
Mais je pense que les conseils d’orientation placés auprès de nos organismes et des unités de recherche de nos écoles d’ingénieurs, comme les conseils scientifiques des autres laboratoires, ont aussi un rôle à jouer dans cette définition des axes de recherche pertinents.
Cette pertinence doit être renforcée par une vision plus claire de ce qui se fait hors de nos frontières. À cet égard permettez-moi d’insister sur la nécessité d’accentuer notre effort de veille scientifique et technologique en génie civil.
Dans le même esprit, nous devons nous attacher à continuer d’améliorer encore la coopération entre le monde de la recherche et l’entreprise.
Le Plan génie civil a, ces dernières années, mis en place et développé des procédures – appels d’offres de recherche, programmes coopératifs (et j’ai évoqué à ce sujet les « Projets nationaux ») – qui associent systématiquement des entreprises et des laboratoires publics. Il a pu aussi, grâce à des allocations de recherche en croissance, et à quelques soutiens spécifiques, conforter la compétence des laboratoires universitaires de recherche en génie civil et favoriser leur mise en réseau.
Ces procédures et ces types de soutien qui combinent actions de recherche et efforts de structuration du milieu, doivent encore être développés, et comme vous l’avez souligné, Monsieur le Président, l’État doit naturellement y prendre sa part.
L’un de nos soucis majeurs doit être que la formation par la recherche des jeunes diplômés facilite leur insertion professionnelle en renforçant la compétence des entreprises qui les recrutent. Les jeunes docteurs peuvent être d’inestimables liens entre l’entreprise et leur ancien laboratoire. Il y a certainement aussi des progrès à faire pour les aider à créer des sociétés pour développer des produits et procédés nouveaux utiles pour le secteur, sur la base de brevets issus de la recherche ou confortés par elle. Le cas de la « terre armée » est un bon exemple, de même que le développement des techniques utilisant les géotextiles.
De manière générale, nous devons poursuivre les efforts de promotion de l’innovation qu’elle passe par la procédure IVOR – innovation validée sur ouvrage de référence – et les chartes d’innovation de la direction des routes, qui sont le pendant public des initiatives des professionnels en la matière.
Il est nécessaire aussi de mieux fédérer la recherche des organismes publics : veiller à ce que des rapprochements s’opèrent entre les programmes et les équipes des organismes publics chaque fois que cela peut être fructueux ; c’est l’un des objectifs des programmes collectifs de recherche faisant l’objet d’un soutien incitatif que d’y contribuer.
Il faut rechercher enfin une plus grande efficacité dans l’orientation des fonds publics destinés à la recherche, en privilégiant les procédures de soutien incitatif et les programmes collectifs qui permettent un effet de levier important.
J’attends beaucoup des travaux du colloque d’aujourd’hui. Il a fait l’objet d’un important travail préparatoire. Il doit nous permettre de bien cibler les orientations du soutien incitatif de l’État pour les prochaines années en fonction des enjeux et des objectifs que je viens de rappeler. Car il s’agit bien aujourd’hui – pour reprendre les termes que j’emprunte au rapport Berthier-Darve – « d’inventer un autre génie civil, résolument mis au service du bien-être des populations, et de consentir à cette mutation l’effort de recherche et d’innovation nécessaire ».
Comme vous le voyez, Monsieur le Président, l’État entend assumer – et j’y œuvrerai personnellement à la place qui est la mienne – ses responsabilités en matière de recherche en génie civil.
Il les assumera d’autant mieux que les entreprises du secteur seront mieux encore convaincues du caractère stratégique, pour elles-mêmes, d’un effort soutenu de recherche.
Car c’est dans le partenariat que nous avons dans ce secteur progressé. Et c’est dans le partenariat – État, entreprises, laboratoires publics et privés – que nous devons persévérer et rechercher ensemble les réponses adaptées aux défis actuels pour la recherche et pour le génie civil.
Soyez assurés à la fois du vif intérêt que je porte à vos travaux et de mon soutien pour que nous progressions ensemble dans cette direction.
Je vous remercie de votre attention.