Déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur la coopération culturelle franco-italienne, Paris le 18 mars 1998

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Circonstance : Conférence de presse de Walter Veltroni, vice-président du conseil des ministres et ministre des biens culturels italien à Paris, le 18 mars 1998

Texte intégral

Monsieur le ministre,
Monsieur l'ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,

Il est un peu inhabituel qu’un ministre étranger vienne donner une conférence de presse dans les locaux d'un ministère français.

J'ai pourtant accepté avec plaisir la proposition que m'a adressée en ce sens mon collègue et ami Monsieur Walter Veltroni, vice-président du Conseil et ministre des biens culturels italien, qui va vous exposer dans un instant la politique culturelle italienne en faveur du patrimoine et des musées.

Je souhaite simplement, avant de lui donner la parole, et après vous avoir souhaité chaleureusement la bienvenue dans ce salon, vous expliquer brièvement pourquoi accepté cette proposition, et vous dire quelques mots sur son contexte.

La France et l'Italie ont, comme vous le savez, une longue tradition d'échanges et de coopération en matière culturelle. Nos historiens de l'art, nos directeurs de musées, nos cinéastes, nos artistes ont, depuis longtemps, pris l'habitude de travailler ensemble. Mais ce dialogue, qui avait su notamment donner naissance, de la Renaissance aux années 60, à tant de chefs d'œuvre, s'était, au fil des ans, incontestablement relâché. Il était temps, comme l’ont d'ailleurs noté à de nombreuses reprises les participants au colloque organisé par Arte et le ministère de la culture en décembre 1996, sur le thème de « Quel projet culturel pour l’Italie ? », de renouer les fils de ce dialogue.

Or vous avez voulu, Monsieur le ministre, dès votre arrivée au pouvoir en 1996, prendre l’initiative d'un rapprochement tout à fait remarquable avec la France. De nombreux chantiers ont été ouverts, dans tous les secteurs de la culture. Nous nous sommes personnellement rencontrés à de nombreuses reprises, et nos deux ministères ont organisé, de manière très pragmatique le cadre d'une nouvelle coopération dans la plupart des domaines culturels.

Dans le domaine du cinéma, un nouvel accord sur les coproductions a été signé en août dernier. Récemment approuvé par le Sénat italien, il va bientôt être soumis à la chambre des députés. De nombreuses initiatives ont été prises par ailleurs pour permettre aux professionnels de ce secteur dans nos deux pays de mieux travailler ensemble, sachant que beaucoup reste à faire pour améliorer la diffusion des films italiens en France et des films français en Italie.

Dans le domaine des arts de la scène, une coopération s'est développée entre l'Office national de diffusion artistique, l’ONDA, et l'Ente Teatrale Italiano (ET1), qui ont organisé, avec le soutien de nos deux ministères, des premières journées professionnelles en avril dernier à Spolète, suivies en juin prochain d'une seconde rencontre à Chambéry.

Les arts de la scène seront précisément l'un des thèmes majeurs abordés lors du colloque organisé dans moins d'un mois à Rome, par la RAI et le ministère des biens culturels, sur le thème de « la culture française vers l'an 2000 ». Je compte me rendre à .ce colloque ainsi que de nombreux professionnels français.

A cette occasion nous inaugurerons la restauration, exemplaire d'une fructueuse coopération franco-italienne, de la Villa Médicis monument insigne dans le paysage urbain romain pour lequel la France ne ménage pas ses efforts.

Dans le domaine du patrimoine et des musées aussi, la coopération s'est intensifiée au cours de ces derniers mois. Des comités mixtes se réunissent maintenant régulièrement, adoptant des mesures concrètes pour permettre une meilleure collaboration.

Grâce à la multiplication de ces initiatives, nous apprenons à mieux nous connaître. Une véritable convergence franco-italienne se manifeste dans beaucoup de domaines, qui ne se restreignent d'ailleurs pas au seul champ de la culture: Les positions de la France et de l'Italie sont très proches sur de très nombreux sujets, et ces deux pays forment maintenant au cœur de l'Europe un pôle de partenariat extrêmement solide et significatif.

Cela n'exclut pas, bien sûr, les différences. En matière de politique culturelle notamment, les solutions retenues ne sont pas nécessairement les mêmes. Nos histoires, nos traditions sont différentes, et les solutions envisagées dans un contexte déterminé peuvent ne pas convenir dans un autre contexte. Dans le domaine de la politique in faveur du patrimoine et des musées, qui va faire l'objet de l’intervention de M. Veltroni, certaines des mesures décidées en Italie ne sauraient être transposées en France.

Mais nous souhaitons encourager le dialogue, échanger nos expériences. Une imitation servile n'est évidemment pas à l'ordre du jour. Je précise d'ailleurs que c'est dans ce même esprit que je suis allée récemment à Londres m'entretenir avec le ministre britannique de la culture et visiter quelques-uns des chantiers ouverts dans cette capitale. La France n'envisage pas de copier des solutions retenues à l'étranger dans un cadre particulier, de même que les Britanniques ou les Italiens, même s'ils ont souvent une certaine fascination pour le modèle français de gestion culturelle; ne sauraient y voir une référence exclusive.

Avant de laisser la parole à M. Veltroni pour qu’il vous expose la politique italienne en faveur du patrimoine et des musées, je voudrais encore vous redire publiquement, cher Walter, toute l'admiration que je porte au dynamisme dont vous faites preuve à la tête de votre ministère.

Nous partageons, c'est incontestable, une même volonté de mener une politique culturelle forte et innovante. Il y a là un point de convergence qui est de nature à laisser au second plan les différences qui peuvent exister entre nos politiques.

Je voudrais enfin souligner combien la France et l'Italie sont proches dans toutes les négociations culturelles internationales. Nous avons été amenés à prendre à plusieurs reprises des initiatives communes vis-à-vis de Bruxelles, qu'il s'agisse par exemple de la demande d'abaissement de la TVA sur les disques ou de la mise en place d'un nouveau programme-cadre culture. Nous voudrions tous donc donner enfin une réalité à la politique culturelle européenne, dont j'ai débattu avant-hier à Manchester à l'occasion d'un conseil des ministres de la culture de l'Union européenne.

Et sur la question fondamentale de l’exception culturelle, qui fut au cœur de ce conseil des ministres à Manchester, je me félicite de voir que la France et l’Italie sont aussi exactement sur la même position. Nous croyons l’un et l'autre à la nécessité absolue de préserver l'identité culturelle européenne et tous les mécanismes de soutien mis en place à cette fin. Au nom de tous les artistes et de tous les professionnels de la culture de ce pays je souhaite, cher Walter, vous remercier très chaleureusement de votre constant appui sur cette question cruciale. Je vais maintenant me retirer et vous passer la parole.