Interview de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, à RTL le 24 août 1994, sur les priorités du budget 1995, notamment la baisse des charges patronales, sur la privatisation de Renault et sur la création d'emploi.

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Texte intégral

M. Cotta : N. Sarkozy a annoncé hier que le gouvernement continue à donner la priorité aux baisses des charges patronales ; L'Humanité de ce matin regrette cette attitude. Pensez-vous, vous, que l'emploi est toujours sacrifié ?

R. Hue : Je crois d'abord que les Français sont inquiets devant la situation économique et sociale du pays et particulièrement, face au fléau du chômage. Le budget 95, j'ai aussi entendu N. Sarkozy hier, n'est pas fait pour les rassurer. Le gouvernement n'entend pas changer de cap. Regardez les deux priorités réaffirmées hier : baisse des charges patronales et réduction des dépenses publiques. Donc, de nouveaux cadeaux au patronat et plus d'austérité pour les salariés.

M. Cotta : Mais la baisse des charges patronales, en principe, c'est pour susciter de nouveaux emplois.

R. Hue : On se retrouve dans la même situation depuis plusieurs années. Des milliards et des milliards sont accordés au patronat, soi-disant pour créer des emplois et, en fait, il n'y a pas de création d'emplois ; au contraire, il y a aggravation du chômage. J'ai, du reste, posé à plusieurs reprises la question à E. Balladur de l'utilisation de ces fonds publics – 82 milliards l'an dernier – consacrés à cette baisse des charges patronales et, en face, de nouveaux chômeurs. C'est insupportable !

M. Cotta : Quand N. Sarkozy dit qu'il y a eu, depuis le début de l'année, 92 000 emplois créés, que donc la courbe des emplois s'inverse, vous le contestez ?

R. Hue : Mais le taux de chômage est à 12,7 %, les jeunes sont terriblement frappés, il y a des milliers de suppressions d'emplois annoncées. Pour l'essentiel, les mesures de relance ne vont pas du tout à l'emploi puisqu'on n'engage pas à plus consommer, vu que l'on réduit les salaires, on les limite. On apprend que dans une entreprise sur quatre, il n'y a pas eu d'augmentation de salaire.

M. Cotta : Vous pensez donc comme N. Notat qu'il faudrait une vaste concertation entre le patronat et les organisations ouvrières pour que les fruits de la croissance soient également répartis ?

R. Hue : Je pense qu'il faut cesser d'accorder au patronat des cadeaux qui ne se traduisent pas par une amélioration de la situation de l'emploi. L'essentiel des moyens financiers qui sont accordés au patronat, va à la spéculation financière et ne va pas à l'emploi. C'est insupportable !

M. Cotta : Vous avez réclamé qu'il y ait une Commission pour vérifier le contrôle des fonds publics…

R. Hue : Absolument et nous maintenons cette demande, il faut de la transparence. J'ai souvent dit, que quand dans les collectivités locales, l'État apporte des aides aux communes, aux collectivités, il y a un contrôle. Là, il n'y a pas de contrôle, on donne des milliards au patronat, c'est un puits sans fond et il n'y a pas en face les créations d'emplois. On pourrait évoquer aussi la fiscalité.

M. Cotta : La baisse des impôts sur le revenu a été commencée mais N. Sarkozy dit que cela viendra maintenant en troisième position, car il faut avant, réduire les déficits publics.

R. Hue : À propos de N. Sarkozy nous réédite son coup de bluff de l'an dernier. Il disait l'an dernier : « Il y aura 19 milliards de baisse des impôts directs. » Il faut demander aux Français s'ils ont bien vu cette baisse directe sur le revenu. Certes 19 milliards mais dans le même temps, 50 milliards d'augmentation de la CSG, 20 milliards de taxes sur l'essence, tabac, alcools, soit 78 milliards d'un côté, 119 milliards soi-disant de l'autre, un prélèvement de 78 milliards ! Et cette année, coup de bluff encore avec les baisses éventuelles de l'impôt sur le revenu. N. Sarkozy est maire d'une commune certes riche, je suis maire aussi, mais dans les collectivités on sait actuellement qu'il y a des transferts massifs de charges vers les collectivités. C'est quelque chose dont personne ne parle en ce moment. Il va y avoir une augmentation considérable de la fiscalité locale. Déjà l'an dernier, elle a été de 10 % et elle va encore augmenter cette année. Il y a là une opération bluff de la part de N. Sarkozy.

M. Cotta : Renault, je sais que ça vous occupe. Le 10 août, vous avez lancé un appel à l'union la plus large. Êtes-vous décidé comme H. Emmanuelli, à rencontrer l'ensemble des forces progressistes pour faire échec au projet du gouvernement ?

R. Hue : La décision de privatiser Renault, suscite une très grande émotion dans le pays et je crois qu'E. Balladur n'avait pas prévu que cette émotion soit si grande. Il est évident que cette décision est inacceptable, nous nous y opposons. J'y vois trois raison essentielles : une attaque lourde de signification contre l'un des symboles de notre industrie et de notre patrimoine national. C'est un terrible coup contre l'emploi que cette privatisation. Ça va se traduire par des milliers de suppressions d'emplois supplémentaires.

M. Cotta : C'est un procès d'intention.

R. Hue : Pas du tout ! Il n'y a pas eu de privatisations depuis des années qui ne se traduisent pas par des milliers de suppressions d'emplois. Et puis, c'est un bradage honteux à la haute finance de notre richesse nationale. C'est inacceptable ! Oui, nous allons poursuivre, nous lançons une pétition nationale.

M. Cotta : À cette occasion vous pouvez ouvrir votre action avec les socialistes ?

R. Hue : Avec tous ceux, toutes les bonnes volontés qui voudront agir contre la privatisation de Renault. J'ai entendu qu'E. Emmanuelli avait en effet répondu à l'appel que j'avais lancé le 10 août, toutes les forces peuvent se rassembler dans ce sens.