Texte intégral
Messieurs les Directeurs,
Messieurs les Professeurs Mesdames et Messieurs,
Chers collègues,
La Cinquième rencontre nationale des Centres d'information et de soins de l'Immunodéficience Humaine, les CISIH, touche à sa fin. On m'a fait part de votre intérêt soutenu et de votre participation active aux discussions. J'ai moi-même pris connaissance avec beaucoup d'attention des documents qui vous ont été remis ce matin. Leur richesse et leur précision en font des outils majeurs pour éclairer notre action. Je tiens à vivement remercier le Directeur des Hôpitaux et l'équipe de la Mission Sida, d'avoir organisé, avec beaucoup de professionnalisme, cette cinquième rencontre. La notoriété de cette conférence se mesure au nombre croissant de participants et à leur qualité. Je remercie également les conférenciers et les présidents de séance pour leurs contributions. Enfin, je vous sais gré, à vous tous ici présents : médecins, gestionnaires, soignants, assistants sociaux, membres des associations ... du concours généreux et précieux que vous apportez à la lutte contre le SIDA.
Les hôpitaux face au SIDA : un rôle essentiel
Je voudrais, à l'occasion de cette rencontre, rappeler le rôle essentiel joué par les hôpitaux dans la prise en charge des malades et saluer le travail immense qu'ils ont accompli depuis le début de l'épidémie. Cette maladie, si dure pour les malades est également très lourde pour les personnels qui les soignent, jour après jour. Malgré la fatigue, malgré l'épuisement, malgré les risques professionnels de contamination, la mobilisation des personnels est restée intacte. Les soins qu'ils assurent sont de bonne qualité et les thérapeutiques très souvent à la pointe du progrès. Comparée avec ce que l'on peut voir dans d'autres pays avancés, la France peut être fière. Je sais que tout n'est pas encore parfait, mais il revenait au ministre Délégué à la Santé de reconnaître, l'ampleur, la qualité et la cohérence de l'effort accompli. Cet éloge public doit nous aider à continuer pour nous améliorer encore.
Car l'épidémie progresse
Les pathologies à traiter sont plus compliquées. La charge en soins s'alourdit. Beaucoup d'indices, montrent que nous atteindrions, peut être, une phase plateau dans l'évolution de l'épidémie et que, d'ici l'an 2000, le nombre de séropositifs vivant pourrait rester stable voire légèrement régresser. Cette inflexion de tendance des nouveaux cas de contamination est en décalage avec la progression du nombre de personnes entrant dans la maladie qui continue à augmenter, reflétant la croissance de l'épidémie dans les années antérieures.
Ces estimations réalisées par la Direction des Hôpitaux et confirmées par les travaux de l'ANRS du Réseau National de Santé Publique et de l'INSERM, sont très importantes. Je souhaite que ces études soient en permanence actualisées à la lumière des derniers états épidémiologiques.
Parallèlement à cette évolution d'ensemble on constate une modification de la répartition des personnes atteintes selon le mode de contamination. Les communications de ce matin sont, à cet égard, très éclairantes.
Si les populations toxicomanes restent notre priorité, malgré des signes encourageants observés dans la réduction de leur contamination, les caractéristiques des nouvelles contaminations des populations hétérosexuelles nécessitent d'être mieux analysées. En conséquence, je souhaiterais qu'un groupe de travail, coordonné par l'ANRS et présidé par le Pr. Jacques Drucker soit constitué rapidement. S'appuyant sur les principaux producteurs d'information (RNSP, Mission Sida, Division Sida, Centre Européen de surveillance, INSERM, Société des professeurs de pathologie infectieuse, ORS, etc.), il pourrait fournir, avant l'été, un état actualisé de cette situation et de ses évolutions probables.
L'épidémie change de rythme et de contenu. Notre action doit en conséquence s'adapter.
Le bilan du gouvernement, un an après sa prise de fonction
Par un heureux hasard de calendrier, cette rencontre des CISIH, coïncide avec le premier anniversaire de notre entrée en fonction dans ce ministère, madame Veil et moi-même. Il me paraît tout naturel de tracer un rapide bilan de ce que nous avons fait.
Dès le mois de mai 1993, nous avons, avec madame le ministre d'État, adopté un plan d'urgence, doté de 40 millions de francs et principalement destiné à faciliter l'accueil, l'hébergement et le maintien à domicile des malades. Par ailleurs, nous avons arrêté un plan triennal de développement de la prévention. Nous avons enfin souhaité dresser un tableau général de la lutte contre le SIDA en France pour mieux l'inscrire dans une véritable politique de santé publique.
Le professeur Luc Montagnier a remis son rapport le 1er Décembre 1993, et le 17 février 1994, le Premier ministre réunissait le premier Comité interministériel de coordination de la lutte contre le SIDA. 43 propositions du rapport sur 49 ont été adoptées ; d'autres, plus techniques, ont été mises à l'étude. Ces décisions prises poursuivent deux objectifs :
– renforcer la coordination des actions entre les différents ministères ;
– assurer la cohérence entre la politique de prévention et la politique de prise en charge.
Enfin, dans le prolongement du Comité interministériel du 21 novembre 1993, arrêtant un plan de lutte contre la drogue, j'ai signé, le 7 mars, une circulaire d'application visant à dégager, dans la plupart des hôpitaux, 2 à 5 lits de sevrage pour une capacité installée de 1 000 places et à développer, en prenant appui sur les réseaux ville – hôpital SIDA, des réseaux ville-hôpital de proximité, destinés à accueillir les personnes dépendantes de l'usage de drogue.
Au-delà de ces mesures importantes, le Gouvernement a réaffirmé le bien fondé d'un dépistage volontaire et non obligatoire ; il a souhaité, en outre, que la question du Sida fasse l'objet d'un débat d'orientation au Parlement dans sa session de printemps.
Je conclurai ce bilan, en rappelant que la France a pris l'initiative de réunir, à Paris, durant l'automne, les chefs de Gouvernement des 17 pays les plus riches pour relancer en matière de SIDA la coopération Nord- Sud. La solidarité nationale doit s'ouvrir sur une solidarité internationale avec les plus pauvres. J'ai d'ailleurs apprécié que la dernière communication de votre réunion soit consacrée à cette question.
Les objectifs de notre politique
Ce bilan, traduit l'implication réelle du Gouvernement tout entier et de ce ministère, en particulier, dans la lutte contre le SIDA. A travers les différents volets, les objectifs que nous poursuivons peuvent être résumés en quatre points :
– humaniser les conditions de vie des malades et maintenir le lien social, en respectant la liberté et la responsabilité des individus ;
– réduire les risques de contamination en renforçant et en diversifiant les actions de prévention ;
– privilégier auprès des toxicomanes et au sein d'une prise en charge globale, l'extension des programmes de méthadone et un accès élargi à l'échange de seringues ;
– améliorer le fonctionnement hospitalier en intégrant plus fortement dans la chaîne de soins, les services de suite, les établissements et secteurs psychiatriques, les centres spécialisés pour toxicomanes, les réseaux ville-hôpital, les soins palliatifs. Par ailleurs, il convient de former les professionnels de santé à des gestes plus sûrs pour diminuer les risques d'exposition du sang et les contaminations nosocomiales.
Quelles sont les orientations qui doivent guider notre action dans le domaine hospitalier ?
Les CISIH, un bon choix d'organisation
Parmi les choix d'organisation qui ont été adoptés, la création des Centres de référence, les CISIH, m'apparaît comme particulièrement judicieuse. Ces structures fonctionnelles de liaison et de coordination ont joué et continuent à jouer un rôle majeur dans la production et la diffusion des compétences. Elles favorisent une prise en charge équilibrée des patients tant à l'intérieur de l'hôpital qu'à l'extérieur avec le concours de ses différents partenaires. Les CISIH ont permis de surmonter une contradiction : Ils sont en effet parvenus à spécialiser la prise en charge sans la rendre spécifique et cloisonnée.
La logique de coordination l'a emporté sur la logique d'institutionnalisation. Par ailleurs – toutes les études le montrent – la clientèle suivie à l'hôpital n'est pas une clientèle spécifique de l'hôpital. Les patients qui s'y rendent consultent également en ville. Il est donc essentiel d'assurer une bonne coordination des modes de prise en charge, qu'elle soit sanitaire ou sociale, globale ou continue. Le succès des CISIH tient à ce que leur action est relayée par d'autres unités de soins les hôpitaux généraux, les moyens séjours, l'hospitalisation à domicile, la médecine de ville.
Favoriser le développement des relais de l'hospitalisation aiguë
S'agissant des relais à l'hospitalisation aiguë, je voudrais confirmer l'intérêt et le soutien que j'apporte au développement des réseaux ville-hôpital et à leur extension plus délibérée vers la prise en charge des toxicomanes. Les réseaux sont indispensables à un hôpital moderne, centré sur les soins aigus et la recherche appliquée. Ils sont également indispensables aux malades pour mieux répondre à leurs besoins sociaux et à une surveillance médicale de base. Ils favorisent aussi une plus grande fluidité dans l'acquisition des compétences. Ils sont enfin complémentaires d'une médecine spécialisée, conduite à s'ouvrir davantage aux objectifs et aux méthodes de la santé publique. Nous sommes au début de ce processus de transformation et de recomposition.
Je sais gré aux hospitaliers d'avoir été accueillants au développement de ces nouvelles formes d'organisation des soins.
Il revient également aux médecins de ville de comprendre quel intérêt ils retirent de cette collaboration plus étroite avec l'hôpital. J'entends appuyer cette collaboration. À cet égard, je souhaiterais, comme je l'avais annoncé le 16 septembre dernier, que la deuxième journée nationale des réseaux puisse se tenir à l'automne au ministère et intégrer leur extension à la toxicomanie.
Plusieurs autres aménagements peuvent être apportés au système de soins.
Je souhaite tout d'abord qu'on poursuive l'élargissement des horaires d'ouverture des consultations du soir ou le samedi matin. Actuellement, 14 consultations fonctionneraient jusqu'à 20 heures à Paris.
Ce nombre peut être légèrement étendu au profit des hôpitaux de banlieue recevant beaucoup de malades et dans les très grandes villes de province. Je ferai d'ici un an, le bilan de ces avancées.
Les services de suite, modernisés dans leurs pratiques et renforcés dans leur encadrement, montrent leur efficacité pour soulager les services aigus et fournir aux malades les soins de convalescence et de réadaptation dont ils ont besoin. 50 lits supplémentaires seront ouverts d'ici la fin de l'année, fournissant une capacité d'accueil accrue pour plus de 500 patients. L'excédent de lits existant permet de trouver assez facilement, à proximité des sites aigus, les places nécessaires. Des propositions existent. Je suis d'ailleurs favorable au projet d'implantation, au sein de locaux existants, d'une unité d'accueil à Paris ou dans la proche banlieue.
Plusieurs unités de soins palliatifs ont été mises en place au cours des deux dernières années. J'ai demandé au directeur des hôpitaux d'établir un bilan quantitatif et qualitatif qui s'impose aujourd'hui. L'hospitalisation à domicile sera développée, et sa capacité augmentée de 12 %, soit 40 places supplémentaires.
Enfin je souhaite, après les diverses discussions qui ont eu lieu au cours de la dernière année, que des liaisons opérationnelles soient établies entre les unités aiguës et les établissements et services psychiatriques. Un bilan chiffré de ces avancées me sera fourni avant la fin de 1994 par la direction des hôpitaux.
L'organisation à moyen terme de l'ensemble de ces structures de soins, leur liaison avec les structures extrahospitalières ou sociales, devront faire l'objet, site par site, d'un contrat d'objectif triennal portant sur la période 1994-1997. Ces contrats, en cours d'élaboration, seront préparés conjointement par les préfets, les hôpitaux, les caisses, les associations, et je le souhaite, les collectivités locales. Après examen par mes services, et accord sur leurs annexes financières, je proposerais que la signature de ces engagements réciproques puisse intervenir dans la deuxième quinzaine de juin.
Cette programmation de moyen terme, locale et concertée, me paraît essentielle pour la cohérence de notre action et pour le bon usage de nos ressources.
Une recherche clinique à l'hôpital mieux organisée
Je conclurai en soulignant l'importance que j'attache au développement de la recherche clinique à l'hôpital et à la nécessité de la mieux organiser.
Incontestablement, le SIDA nous aura fait considérablement progresser, tant dans le nombre des essais réalisés que dans leur qualité technique et méthodologique. La coopération très positive qui s'est développée depuis plusieurs années, entre la direction des hôpitaux et l'ANRS, porte aujourd'hui ses fruits. Cette coopération doit être poursuivie et servir de point d'appui à la construction d'une fonction recherche plus affirmée dans les hôpitaux, permettant une bonne utilisation des diverses ressources qui sont accordées.
Un plan de réforme de la virologie universitaire, présenté par le Pr. Jean-Marie Huraux, vient de nous être soumis. Ce plan ambitieux est en cours d'examen par mes services. Le renforcement des moyens qui est demandé, tant en personnels, qu'en équipements sera arbitré en fonction du développement de pôles de compétence, limités en nombre mais capables de servir les besoins spécifiques de la recherche clinique. Une bonne gestion exige, en effet, des choix cohérents et sélectifs.
Telles sont les orientations d'action que je souhaitais vous présenter. Elles prolongent une démarche que vous avez déjà largement initiée, marquée par le développement d'une offre de soins diversifiée et de plus en plus coordonnée autour du malade. Je vous remercie, chacun d'entre vous, pour votre concours et pour le rôle indispensable que vous remplissez dans le développement de cette qualification collective, professionnelle et humaine, si nécessaire pour lutter efficacement contre cette épidémie.
Je vous remercie.