Interview de M. François Hollande, premier secrétaire du PS à France 2 le 31 août 1998, sur les orientations du Gouvernement, notamment sur la réduction du temps de travail, la création d'emplois, les relations au sein de la gauche plurielle et la préparation des élections européennes de 1999.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Université d'été du PS à La Rochelle du 28 au 30 août 1998

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Vannier
Vous étiez encore hier à La Rochelle, aux universités d’été du PS L. Jospin a confirmé son option du « ni-ni » : ni pause ni accélération. Vous n’avez pas le sentiment de faire un petit peu du sur place ?

Hollande
– « Ce serait du sur-place s’il avait dit pause. Ça serait de l’agitation peut être inutile s’il avait dit accélération. Il dit : on a fait beaucoup de choses, et c’est vrai que depuis 15 mois, on peut dire que des projets ont succédé aux projets et qu’ils sont rentrés dans la réalité, c’est ça l’important. Et puis maintenant, il faut continuer avec le même rythme. Ça serait effectivement une erreur, alors que ça va mieux mais qu’il y a encore beaucoup de difficultés pour beaucoup trop de Français, que l’on dise : on a de bons sondages, on va maintenant se reposer et passer à une gestion tranquille des sujets les plus difficiles. Non, on va continuer avec la même ardeur et j’espère la même efficacité. »

Vannier
Mais ni pause ni accélération, ça ne convient pas à tout le monde. Ce matin on l’a vu dans Le Parisien, R. Hue leader du PC trouve que ça ne va pas assez vite. Il y a des urgences, les 35 heures, le chômage. Ça n’est pas légitime ?

Hollande
– « Il y a des urgences, on les a pour une petite partie traitées. Je veux dire par là, lorsqu’on a lancé des emplois-jeunes, c’était une urgence parce qu’il y avait des jeunes qui étaient au chômage. Eh bien, on a fait une loi et aujourd’hui, on applique le plus rapidement possible cette loi pour que le plus de jeunes possible puissent rentrer dans un emploi de cinq ans ou plus. Il y avait l’urgence d’une discussion sur la réduction du temps de travail. On a été plus loin que cela puisqu’on a fait une loi pour favoriser la négociation. Et ceux qui veulent ralentir par des négociations qui finalement n’auraient pas d’effet sur l’emploi seront, je crois, assez sévèrement dissuadés de le faire dans les prochains mois, parce qu’il y aura, vous savez, une deuxième loi. Il y avait urgence aussi à lutter contre l’exclusion. On a fait une loi, là. Ça ne suffit pas de faire des lois, il faut aussi les mettre en vigueur. Mais on ne va pas faire chaque année une loi sur les 35 heures, une loi sur l’exclusion, une loi sur les emplois-jeunes. Il faut faire vivre aussi les lois que l’on a votées. Et puis il y a d’autres problèmes qui se posent : on sait qu’il y a un coût du travail excessif sur notamment les bas salaires parce que c’est souvent l’argument qui est donné par le patronat pour dire : je n’embauche pas parce que c’est trop cher. Il ne s’agit pas de baisser les salaires. Certains proposent cela, ils ne sont pas à gauche. Il s’agit surtout d’éviter que ceux qui n’embauchent pas finalement ne soient pas découragés. Il faut encourager au contraire ceux qui embauchent. »

Vannier
Prenons un exemple, les 35 heures. Les accords qui ont déjà été signés vous semblent satisfaisants ?

Hollande
– « Certains le sont puisqu’il y en a près de 200 qui ont été signés et qui créent des emplois tout de suite puisque… »

Vannier
En tout 1 800 emplois créés ?

Hollande
– « Oui, 1 800 emplois, la loi a été votée au printemps dernier. On n’aurait fait que 1 800 emplois, je considérerais que c’est déjà un progrès. Il y a 1 800 personnes qui ont eu un emploi. On ira beaucoup plus loin. En quelques mois, 1 800 emplois, on parle donc de 50 à 60 000 d’ici la fin de l’année et puis beaucoup d’autres, si le patronat, les organisations syndicales discutent vraiment d’une réduction du temps de travail qui crée des emplois. Pas simplement d’une réduction du temps de travail pour mieux s’organiser, c’est déjà pas mal, mais qui crée des emplois parce que c’est urgent. C’est même une nécessité pour le patronat. Si les entreprises veulent avoir des clients, mieux vaut que ses clients soient dans l’emploi plutôt que dans le chômage. »

Vannier
R. Hue trouve, lui, que ça ne va pas assez vite. Les Verts, la semaine dernière, n’étaient pas d’accord avec votre refus de procéder à un toilettage de la loi sur le financement des partis comme le proposait P. Séguin. Il y a un peu de tirage dans la majorité plurielle ?

Hollande
– « Écoutez, c’est normal, il y a un débat. Et je pense que cette majorité plurielle, on l’a voulue plurielle, c’est pour que personne ne soit comme les autres et cela, je crois qu’on y répond. C’est-à-dire qu’il y a des différences et il y a quelquefois des contradictions. Moi, je les assume, je pense que c’est bien que l’on puisse discuter si on reste dans la cohérence, si on est conscient qu’on est dans le même Gouvernement. »

Vannier
Et pour l’instant, c’est cohérent ?

Hollande
– « Et pour l’instant, c’est cohérent. R. Hue est dans son rôle quand il dit : moi j’ai des exigences. D. Voynet : là, j’avais moins compris pour la loi sur le financement des partis politiques parce que, honnêtement, on a fait déjà trois législations, les Français ont le sentiment qu’il y a une transparence et qu’il y a encore beaucoup à faire sans doute. La Justice est saisie de certaines procédures. Écoutez, laissons-les faire. Ce n’est pas par les lois qu’on arrête des procédures. »

Vannier
À propos des Verts, que pensez-vous de l’éventuelle nomination de D. Cohn-Bendit à leur tête de liste pour les Européennes ?

Hollande
– « Ça, c’est leur affaire. Ils choisissent qui ils veulent et celui qu’ils choisiront sera le bon, à la condition qu’ils comprennent bien que le meilleur résultat – que les Verts, comme les communistes, comme les autres fassent le meilleur résultat possible, comme les socialistes – sera celui qui sera obtenu sur ceux qui ne votent pas ou ceux qui votent ailleurs qu’à gauche. Il ne s’agit pas de faire une compétition, il y a une émulation à l’intérieur de la gauche. Mais ce n’est pas entre nous qu’on doit se prendre les électeurs. On doit réfléchir comment être plus conquérants encore pour que ce Gouvernement réussisse encore davantage. »

Vannier
Vous, vous n’avez pas encore désigné votre tête de liste. On envisage J. Lang ?

Hollande
– « Ça, ça fait partie des bruits tout à fait légitimes. Mais nous on a dit, les élections sont dans neuf ou dix mois, on ne va pas préoccuper les Français avec des choix de candidats pour des élections dans neuf ou dix mois. Chaque fois que l’on a désigné nos candidats trop tôt, on n’a pas eu forcément les bons résultats. On le désignera en mars ou en avril. Et en attendant, ce qui compte pour les Français, ce n’est pas qui va être tête de liste et je crois qu’ils en sont relativement indifférents. C’est quels sont les programmes que vous allez proposer. Et nous, on va faire un programme avec tous les partis socialistes européens. C’est une élection européenne, les socialistes gouvernent la plupart des grands gouvernements européens, on va voir peut-être ce qui va se passer en Allemagne, j’espère que ce seront les socialistes qui gagneront. On fera le programme avec les socialistes européens pour faire un programme européen et un programme social. »

Vannier
Mais vous-même, en tant que premier secrétaire du PS, vous ne devriez pas conduire cette liste ?

Hollande
– « Il y a effectivement une tradition qui s’est un peu perdue ces dernières années et il y a aussi la limitation du cumul des mandats. On ne peut pas à la fois demander que chacun soit dans son rôle et en même temps, à chaque fois qu’il y a une élection, de dire que c’est le premier dirigeant du parti qui doit y aller. On verra bien ces questions-là et rien n’est tranché. »

Vannier
Pas de décision pour l’instant ?

Hollande
– « Non. »