Interview de M. Alain Madelin, délégué général du PR, dans "Le Figaro" du 17 novembre 1988, sur le caractère anti-européen du projet de budget 1989 et son rejet par l'opposition.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - Le Figaro

Texte intégral

Le Figaro. – Les centristes de l'UDC ont décidé de voter contre le budget, comme les groupes UDF et RPR. En quoi ce « front commun » de l'opposition se justifie-t-il aujourd'hui ?

Alain Madelin. – C'est un mauvais budget pour les Français. On ne peut qu'être contre et résolument contre. Certes, les socialistes ont fait pire. Il ne s'agit pas de comparer le budget 1989 de M. Rocard au budget 1982 de M. Mauroy. Il s'agit de mettre l'actuel budget en perspective avec le principal enjeu pour notre pays : la construction européenne de 1992. La loi de finances, présentée par le gouvernement, met en panne l'effort de préparation à cette échéance qui avait été engagé en 1986. Nous sommes en présence d'un budget anti-européen. L'échéance de 1992 exige une réduction de nos prélèvements obligatoires et une maîtrise de nos dépenses publiques. Or le poids de l'Etat est trop lourd en France. Prenons un exemple : la fiscalité indirecte et l'épargne. Quatre rapports ont récemment fait le point sur les efforts que devrait faire la France pour se rapprocher de la moyenne des partenaires européens (rapports Boiteux, Aicardi, Lebègue et Achard). Si l'on fait le total des mesures préconisées, on aboutit à 168 milliards de francs d'effort budgétaire en cinq ans, soit environ 33 milliards par an. La loi de finances 1989 prévoit seulement 7,5 milliards de francs de diminution des impôts et, à contre-courant de ce qu'il faudrait faire, une augmentation des dépenses. 4,5 % du chemin a été accompli. Autrement dit, sur la route de Paris à Bruxelles, M. Rocard et les socialistes s'arrêtent à Bobigny !

Q. – Ce thème – libéral – du « moins d'Etat » que vous mettez au centre du débat budgétaire constitue-t-il le ciment de l'opposition ?

R. – L'opposition doit se déterminer par rapport aux enjeux du pays. L'essentiel est de réussir notre entrée dans l'Europe. Au-delà des appréciations nuancées que l'on peut avoir sur telle ou telle action du gouvernement, et au regard du grand rendez-vous de 1992, une ligne de partage apparaît clairement entre une politique de type social-démocrate et une politique de type libéral et social. L'acte unique européen impose non seulement de supprimer les frontières intérieures de l'Europe mais aussi de retracer la frontière entre l'Etat et la société civile. La social-démocratie représente toujours aujourd'hui l'idéologie d'un « plus » de dépenses publiques. Les clientèles électorales qui soutiennent le socialisme sont celles du « toujours plus ». La contradiction majeure de la vie politique française, principalement à propos de l'Europe, […] donc entre les socialistes et l'opposition libérale. Entre le socialisme et l'Europe il faudra choisir !

Q. – le regroupement de l'opposition sur le budget augure-t-il un rapprochement concernant le dossier européen ?

R. – Je l'espère. Tant à l'intérieur de l'UDF qu'entre l'UDF et le RPR, sur ce thème européen, nous sommes en train d'engager un important travail de réflexion et de proposition. Une commission mixte UDF-RPR est actuellement mise en place.