Texte intégral
« Mais cher amis, permettez-moi d’abord de remercier Alain Dumait et Claude Reichman d’avoir bien voulu m’inviter afin de pouvoir m’adresser à vous.
Depuis un certain nombre de semaines, nous nous rencontrons pour réfléchir à la façon de modifier, ou même de bouleverser, le paysage politique de notre pays. Car, vous en conviendrez avec moi, la France est une démocratie bien singulière. Vous avec le droit d’être dans l’opposition, vous avez le droit d’être dans la majorité, mais dans l’hypothèse où vous êtes au pouvoir, vous n’avez qu’une seule chose à faire : appliquer un programme de gauche. En effet, s’il vous venait à l’idée d’appliquer un programme de droite, conforme à vos engagements électoraux, immédiatement la pensée conforme fondra sur vous pour vous expliquer que vous êtes en train de violer les conventions qui sont à la base même, aujourd’hui, de ce que l’intelligentsia de gauche appelle « l’arc républicain ».
Elle vous expliquera que vous n’avez pas le droit d’aller à l’encontre d’une certaine pensée conforme, et ce sont ces bien-pensants, ces penseurs moraux qui viendront vous paralyser dans les actions que vous voulez engager. Il n’y a qu’eux qui ont, à leur avis, la pensée juste : c’est l’émergence d’une nouvelle forme de despotisme éclairé.
Ou alors, on vous propose d’opter pour autre chose : d’opter pour une politique de gauche aseptisée, une politique de gauche déguisée – déguisée par la technocratie. On va vous expliquer à longueur de journée qu’en face d’une situation donnée, compte tenu des contraintes nationales et internationale, il n’y a qu’une solution à apporter à un problème ; et que cette solution, seule l’intelligentsia de gauche peut en être l’auteur. C’est à ce moment-là l’émergence d’une nouvelle forme du scientisme politique : il n’y a qu’une seule solution à un problème.
Et puis enfin, quand ces deux opérations ont échoué, on se retourne vers une nouvelle tentation : c’est la tentation de la cohabitation ou de la cogestion. On vient vous expliquer que pour votre carrière, pour votre image, pour en réalité être en harmonie avec les bien-pensants, le politiquement correct et le conformisme du jour, il convient de passer alliance avec les adversaires d’hier et d’aller gérer ensemble soit la France soit les collectivités locales.
C’est là toute une perversion de la démocratie dans laquelle nous sommes rentrés. Or le peuple en a assez. Lui, il est clair et honnête : il vote pour un programme, il souhaite que l’on réponde à ses attentes. Il se heurte à des situations parfois dramatiques ou difficiles quand dans sa propre famille il doit résoudre des questions de chômage, d’entreprises qui font face à des difficultés compte tenu d’une fiscalité totalement insupportable, quand dans son quartier il se heurte à une insécurité grandissante, quand ses enfants au sortir du lycée se font entourer par des dealers qui veulent les initier soit à la consommation soit au trafic de drogue.
Oui, le peuple en a assez : il est tranquille, lui. Il souhaite l’application d’une politique de droite quand en grande majorité il a voté pour un programme de droite. Et comme il constate que la classe politique n’a ni la volonté, ni le courage, ni même l’intelligence de mettre en œuvre son programme, il se détourne de la politique ; il va alors vers l’abstention. S’il est très raisonnable, il a, là encore, un vote résigné de fidélité. Et s’il est vraiment désespéré, il émet un vote d’exaspération. C’est toute la situation française. Et si nos grands observateurs ou commentateurs ne s’en rendent pas compte, il suffit qu’ils aillent dans nos provinces profondes. Peut-être qu’à Paris, on ne se rend pas bien compte des choses ; je sais, moi, qu’à Toulon, qu’en Rhône-Alpes, que dans la banlieue lyonnaise, à Vaulx-en-Velin, que dans bien des communes on est aujourd’hui confronté à ce type d’angoisse.
Il est, mes chers amis, de notre devoir d’y répondre. Et d’abord, peut-être, d’analyser les causes pour lesquelles la droite ne veut pas faire une politique de droite. Elle est, j’en conviens, complexée par des campagnes médiatiques répétées, car chaque fois qu’elle prononce des mots tels que « nation », « civisme », « liberté de l’entreprise », chaque fois qu’elle fait référence à des notions telles que la sécurité, chaque fois qu’elle fait référence à des valeurs telles que la famille ou la communauté nationale, à ce moment-là, on l’accuse – totalement injustement, improprement, indignement – de faire référence à des notions qui paraît-il appartiendraient à une période noire de notre Histoire de France. Cela n’empêche que lorsqu’une gauche pragmatique vient utiliser ces mots, vient les reprendre à son compte pour pouvoir se maintenir au pouvoir, alors à ce moment-là personne n’est là pour faire ce gendre d’amalgame. Oui, on a complexé la droite : elle doit aujourd’hui retrouver toute sa grandeur, toute sa fierté d’être elle-même, elle doit retrouver aujourd’hui le chemin qu’elle s’est tracé, c’est-à-dire d’offrir à nos concitoyens un cadre politique qui permettre l’épanouissement de la personne, le développement des entreprises, l’initiative, le développement de toutes les libertés, qui permettre à notre pays de retrouver sa grandeur et tout son rayonnement.
Il y a, c’est vrai, une seconde cause. Et je le dis avec tristesse, car avec Michel Poniatowski, Alain Griotteray, le sénateur Caldaguès, mon ami Mesmin et bien d’autres, nous faisons partie, en fait, de cette catégorie-là. C’est que les hommes politiques se sont laissés complètement enfermer dans le jeu de la course présidentielle. On a transformé les partis politiques en de simples écuries. On a oublié que pour conquérir l’Élysée, il fallait au préalable avoir un programme, que pour avoir un programme il fallait des idées, que pour avoir des idées il fallait avoir des références, et que pour avoir des références il fallait avoir des valeurs.
Alors, simplement, le message que je voudrais vous dire aujourd’hui et que je prolongerai tout à l’heure, c’est de dire : on ne peut plus laisser perdurer cette situation. Car si on la laisse perdurer, nous seront responsables, un jour, d’une confrontation singulière entre une gauche arrogante qui voudra appliquer ses programmes ou ses utopies, qui voudra diriger le pays avec le cynisme qui la caractérise depuis les années 1981, et puis des extrêmes conquérants qui n’auront peut-être pas fait les réflexions suffisantes pour pouvoir prendre en compte les valeurs qui sont les nôtres. Alors je voudrais simplement vous faire trois propositions.
D’abord, sachons nous dénommer. N’ayons pas peur de dire que nous sommes de droite. Eux, ils se disent de gauche ! Nous ne sommes pas que l’opposition ou que la majorité. Nous sommes la droite. Oui, dans une démocratie, il y a une alternance ; c’est même la respiration de la démocratie, l’alternance. Mais pour pouvoir avoir une alternance, il faut qu’il y ait deux forces qui puissent s’opposer et se concurrencer. Dans toutes les grandes démocraties que ce soit l’Allemagne, que ce soit l’Angleterre, que ce l’Espagne, que soient les États-Unis, que ce soit le Canada, que ce soit même l’Italie, vous avez deux groupes qui viennent se présenter devant les électeurs : les uns avec leurs théories de gauche, leurs utopies, leur idéologie, et les autres, tout simplement, avec leur pensée de droite, leur réflexion de droite et leur programme de droite. Quelqu’un qui ne sait pas se dénommer n’existe pas. Vous savez bien que dans la pédagogie infantile, on dit : le jour où l’enfant devient adulte, devient petit homme, c’est le jour où il sait se dénommer et qu’il se reconnaît dans la glace. Il faut que la droite sache se dire de droite et sache se regarder dans la glace et, mieux, soit fière d’être la droite.
Mais pour ce faire, il faut avoir des références. Tout à l’heure, certains d’entre vous, Alain Dumait en particulier, rappelaient que nous avions décidé de prendre notre temps. Oui, nous voulons avoir le pas tranquille du montagnard. Nous sommes en train, actuellement, de grimper une côte qui n’est pas toujours facile, et pour ce faire il convient que dans les semaines et les mois qui viennent, tous ensemble nous sachions retrouver nos références et que nous sachions les proclamer sans réticence. Que nous n’ayons pas ce complexe de dire : mais est-ce que telle ou telle personne qui s’est proclamée, ou auto proclamée la plupart du temps, censeur moral, vienne vous dire « est-ce que vous avez le droit de dire ceci ou cela ? ». Tout homme a le droit en son âme et conscience de porter ses convictions. La droite doit avoir en son âme et conscience le devoir de porter ses convictions. Ses références, il conviendra qu’ensemble nous puissions une nouvelle fois les étudier, les approfondir et surtout les proclamer. Ces références, je n’y reviendrai pas, vous les connaissez comme moi, elles s’enracinent dans une échelle de valeurs qui pourrait se décliner autour de deux mots : « responsabilité » et « liberté ».
Et puis enfin, même si nous nous proclamons de droite, même si nous avons le courage de nous dénommer de droite, même si nous avons nos références et que nous savons y faire référence – c’est le cas de le dire –, il faudra ensuite que nous soyons capables de les porter, que nous soyons capables de porter le programme qui en sera la conséquence. Et c’est pourquoi je crois que si nous voulons véritablement que la prochaine alternance en France ne soit pas une alternance de dupes, qui ne nous amène pas à nouveau des gouvernements qui se font élire sur un programme de droite et mettent en œuvre ensuite un programme de gauche, eh bien il faudra construire une droite unie, une droite forte, une droite diverse, une droite respectueuse, une droite qui soit en communion avec le peuple de France, une droite qui soit capable de répondre aux attentes et aux angoisses des citoyens. Et c’est tout le projet que j’aimerais construire avec vous.
Je sais que l’esprit gaulois réside essentiellement dans la division et la dispersion. Je sais aussi que l’efficacité politique nous impose aujourd’hui de nous respecter les uns les autres, et dans le cadre de nos échelles de valeurs, de mettre tous nos efforts ensemble. Alors, je souhaite tout simplement que cette journée du 6 juin qui est l’écho à une autre journée, celle du 20 mars, date où j’ai été élu président du Conseil régional, à une autre journée, celle du 17 avril, date où j’ai pris l’initiative de lancer le mouvement national d’action politique La Droite, je souhaite que cette journée du 6 juin soit une étape vers la construction de cette grande force politique. Et que la construction de cette grande force politique ne se fasse pas par arrangements d’appareils, par accords d’états-majors, par cartel électoral déguisé, mais qu’elle se fasse à partir d’un grand congrès fédérateur et fondateur où les militants, les adhérents, le peuple de droite aura la parole. »