Interview de M. Antoine Waechter, porte parole des Verts, dans "Le Figaro" du 23 mars 1994, sur les résultats des candidats écologistes au premier tour des élections cantonales et sa position au sein des Verts.

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Média : Le Figaro

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"Les écolos ont subi un coup de blues"

Pour le porte-parole des Verts, le premier tour des élections cantonales marque cependant un "enracinement" des défenseurs de l'environnement

Seize candidats se réclamant de l'écologie seront présents dimanche eu second tour des élections cantonales : six Verts, cinq Génération Écologie (dont Brice Lalonde) et cinq écologistes d'implantation locale. Alors que les mouvements écologistes ont recueilli 3,58 % au premier tour (2,59 % pour les Verts, 0,89 % pour Génération Écologie), Antoine Waechter fait le point et reluis les propos de Noël Mamère, qui estimait, dimanche, que les écologistes étaient les "grands perdants" de ces élections.

Le Figaro : Que pensez-vous du piètre score réalisé par les écologistes au premier tour des cantonales ? Où sont passés les "écolos" ?

Antoine Waechter : On ne peut pas parler de "piètre score" lorsqu'en moyenne, et sur les cantons où nous étions présents, notre résultat – un peu supérieur à 9 – a été meilleur qu'en 1998. Au contraire, ce scrutin marque un enracinement des écologistes. Une dizaine de notables Verts vont pouvoir se maintenir au deuxième tour. Ce n'est certes pas considérable mais, en 1988, nous n'étions que trois, dont moi, à dire présents au second tour.

Le Figaro : II y a tout de même un tassement par rapport à 1992. Comment l'expliquez-vous ?

Antoine Waechter : Les écologistes ont marqué un temps d'arrêt. Ils ont subi un "coup de blues" suite au résultat des législatives et aux difficultés internes qu'ils ont connues, De ce fait, notre présence sur le terrain a été nettement insuffisante. Alors qu'en 1992 nous avions fait un énorme effort, cette fois-ci nous avons baissé les bras. La nouvelle direction n'a pas compris qu'il fallait que les Verts soient présents dans tous les cantons afin que ma moyenne nationale corresponde à la réalité de notre implantation locale. En revanche, là où nous avions des personnalités fortes, nous avons obtenu de bons résultats

Le Figaro : Pourquoi, alors, n'avez-vous pas passé le cap du second tour ?

Antoine Waechter : La notoriété, une présence forte au niveau national ne suffisent pas Le canton dans lequel je me suis présenté a toujours été largement dominé par le RPR. Si un autre candidat s'était présenté, il aurait réalisé un score inférieur de moitié au mien.

Le Figaro : Pensez-vous qu'une partie des voix écologistes est passée à gauche ?

Antoine Waechter : Non, je ne le crois pas. Il n'y a eu de transfert ni vers le PS ni vers l'UDF. En Alsace, par exemple, notre potentiel électoral est resté intact, aux environs de 12 %.

Le Figaro : Vous semblez nier que certains écologistes penchent plutôt à gauche. C'est pourtant évident.

Antoine Waechter : Je ne le nie pas, je le déplore. Lorsqu'il y a des négociations pour qu'Andrée Buchmann soif sur la liste de Michel Rocard, lorsque l'on voit Marie-Christine Blandin et Jean-Luc Benhamias négocier avec l'extrême gauche pour les européennes, lorsque l'on voit la direction actuelle des Verts adopter une attitude d'opposition systématique au gouvernement actuel, on ne peut pas le nier. L'écologie est traversée aujourd'hui par un conflit très dur entre ceux qui veulent arrimer l'écologie dans le camp de la gauche, voire de l'extrême gauche, et ceux qui, comme moi, défendent une écologie indépendante. À l'approche des élections présidentielles, cette confrontation a pris un tour plus crucial et conflictuel. Résultat : l'écologie politique ressemble aujourd'hui à un trèfle à quatre feuilles : chaque mouvement est partagé outre deux tendances.

Le Figaro : Alors que vous venez de lancer un appel pour la constitution d'une liste commune avec Brice Lalonde aux européennes, avez-vous encore votre place chez les Verts ?

Antoine Waechter : Je suis aujourd'hui face une alternative : ou bien je poursuis le combat contre ce qui me paraît inacceptable au sein des Verts, ou bien je pars. Je prendrai ma décision en fonction de la capacité du mouvement à faire coexister ces deux cultures : celle d'une écologie de gauche et celle d'une écologie indépendante.

Le Figaro : Allez-vous créer un autre parti ?

Antoine Waechter : Ce scénario n'est pas encore écrit. Mais si la coexistence entre les deux composantes que je viens d'évoquer est impossible, je ne persisterai pas à vouloir l'unité des Verts. Pour l'heure, le pense qu'il est suicidaire pour tes écologistes de présenter deux listes aux européennes.

Le Figaro : C'est pourtant vous, qui, par votre initiative, proposez la création de deux listes…

Antoine Waechter : Mon initiative avec Brice Lalonde est conditionnelle Nous avons dit que nous sommes prêts à mener une liste commune. Notre démarche a été dictée par notre refus de voir l'écologie politique s'apparenter à un nouveau PSU.

Le Figaro : Que pensez-vous de ceux qui voient dans votre initiative un épisode des "Guignols de l'Info", un "coup" des "papys de l'écologie" ?

Antoine Waechter : C'est amusant d'être papy à quarante-cinq ans ! Quant aux Guignols de l'info, je trouve étonnant qu'ils nous présentent toujours comme les frères ennemis de l'écologie, alors que nous nous sommes réconciliés voilà deux années pour signer l'entente des écologistes.