Discours et interview de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, sur la sécurité, la situation sociale et les problèmes de scolarité des Français résidant à l'étranger, et sur les moyens dévolus au Conseil supérieur des Français de l'étranger, Paris le 5 septembre 1994.

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Circonstance : 47ème session de l'Assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger à Paris le 5 septembre 1994

Texte intégral

Discours du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, lors de l'ouverture solennelle de la 47ème session de l'assemblée plénière du Conseil supérieur des français de l'étranger à Paris (Paris, le 5 septembre 1994)

Je suis heureux de vous retrouver avec, à mes côtés, Mme Michaux-Chevry et M. Lamassoure ainsi que Mme Renouard, directeur des français à l'étranger et des étrangers en France, et Mme Le Vert, secrétaire général du CSFE, à l'occasion de la réunion annuelle de l'assemblée plénière du CSFE.

Je me réjouis d'accueillir dans cette Maison où nous nous rencontrons de temps en temps, cette année il est vrai, dans une salle différente, les représentants de nos communautés françaises à l'étranger. Je voudrais d'emblée souhaiter la bienvenue à tous les membres du Conseil, en adressant d'abord bien sûr mes félicitations aux nouveaux venus, aux personnalités que j'ai désignées pour y siéger parmi lesquelles vous reconnaîtrez quelques visages qui vous sont familiers, ainsi qu'à tous les représentants nouvellement élus ou réélus d'Europe, d'Asie et du Levant. Je voudrais aussi que nous ayons tous ensemble une pensée émue à la mémoire de M. Claude Fugère, délégué de la côte ouest des Etats-Unis qui nous a quittés voici quelques semaines, hélas.

L'année qui vient de s'écouler a été, vous le savez mieux que nous, riche en rendez-vous électoraux pour les Français de l'étranger puisqu'elle a été marquée, à la fois et le même jour, par l'élection des représentants au Parlement européen et par le renouvellement de la moitié des membres de ce Conseil. Il s'agissait d'ailleurs d'une première, si je suis bien informé, et pour mon Département d'un exercice d'organisation un peu difficile, non dépourvu d'embûches, dont je crois finalement qu'il s'est bien sorti.

Ce que l'on peut retenir avant tout des élections du 12 juin, c'est qu'elles ont confirmé la progression de la participation, du moins s'agissant de l'élection des délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger, et je suis sûr que nous sommes unanimes à nous en féliciter. Ceci me paraît démontrer que les efforts entrepris par nos consulats et nos propres efforts pour mieux faire connaître le Conseil auprès de nos compatriotes portent leurs fruits. J'en profite également pour rappeler que peu de gouvernements finalement déploient autant de moyens que le nôtre pour assurer à leurs citoyens établis hors du territoire la possibilité de participer pleinement à la vie publique politique nationale ; bien peu aussi les font bénéficier d'un modèle de représentation à la fois aussi original et complet que notre Conseil supérieur.

Comme il est de tradition, je voudrais commencer par dresser un rapide bilan en cette époque de rentrée, temps fort par excellence de réflexions et de résolutions. C'est l'occasion pour votre Président de vous présenter les actions conduites par le gouvernement depuis un an en faveur de nos compatriotes établis temporairement ou de façon durable à l'étranger.

Je dis souvent à nos compatriotes rencontrés lors de mes nombreux déplacements à l'étranger – vous savez que j'attache toujours beaucoup d'importance à cette rencontre, à laquelle j'essaie de garder dans mes emplois du temps le plus de temps possible – que partir à l'étranger, s'expatrier, c'est affronter un grand nombre de difficultés. Il faut qu'ils sachent que les autorités publiques et politiques en sont conscientes. Naturellement, selon le lieu, les contextes sont très différents. Néanmoins, par-delà cette diversité, se dégagent pour tous nos expatriés quelques tendances communes. Un départ signifie qu'il faudra surmonter la rupture avec un cadre de vie familier, affronter souvent des problèmes matériels, quitter souvent une certaine forme de sécurité pour faire face à des conditions économiques et sociales parfois difficiles et, en tout état de cause, s'adapter à des modes de vie différents, accepter les incertitudes d'une existence nouvelle et, enfin, ce n'est pas le moindre, résider dans des parties du globe qui peuvent être, vous le savez, fort dangereuses.

Nous en avons fait cette année l'amère et douloureuse expérience. Je voudrais en tout premier lieu vous parler de la situation de nos compatriotes qui vivent actuellement en Algérie. Quinze d'entre eux ont, au cours de l'année écoulée, payé de leur vie leur présence et, pour beaucoup d'entre eux, le service de l'État, du seul fait qu'ils étaient Français et pour assurer le maintien de notre présence et de notre relation avec ce pays et son peuple. L'émotion provoquée par les attentats qui, au cours des derniers mois voire des dernières semaines, ont coûté la vie à tant de nos compatriotes reste très forte et je voudrais, avec vous tous, j'en suis sûr rendre un hommage solennel à la mémoire de chacun d'entre eux. Je tiens aussi à saluer le sang-froid et le courage de ceux qui, fonctionnaires, enseignants, cadres d'entreprises, religieux, poursuivent dans cette horrible tourmente leur mission.

L'évolution de la situation en Algérie est un des sujets de plus grave préoccupation pour le gouvernement français. Nous avons choisi, parce que nous sommes convaincus que c'est la seule solution, d'aider aux réformes économiques et à la reprise d'un processus démocratique en Algérie en favorisant le dialogue avec tous ceux qui récusent le terrorisme, dialogue qui nous apparaît comme seul susceptible de permettre l'apaisement clans ce pays et un débouché démocratique, c'est-à-dire des élections. Nous y encourageons les autorités algériennes. C'est dans cet esprit que nous sommes déterminés à poursuivre les relations avec l'Algérie. Alors, me direz-vous, comment dans ces conditions mieux assurer la sécurité de nos compatriotes ? Je n'ai pas de réponse totalement satisfaisante à cette question. Notre seule ambition peut être de limiter au strict minimum les risques et sans doute pas de les annuler complètement.

D'abord, j'ai redemandé, comme je l'avais déjà, fait à plusieurs reprises – je l'ai répété le 3 août dernier – à tous ceux dont la présence en Algérie n'est pas indispensable de quitter le pays et de rentrer en France. Cet appel a été évidemment entendu et le nombre de nos compatriotes présents en Algérie a considérablement diminué depuis un an. Pour les aider à l'occasion de ce retour en France, nous avons essayé de mettre en place un dispositif aussi efficace que possible en créant notamment un bureau Algérie dans les services du ministère. Ce bureau procure à nos compatriotes assistance dans le domaine social ou dans le domaine de la scolarisation des enfants, je reconnais que ce dispositif d'urgence s'est heurté à la difficulté de résoudre de manière satisfaisante les problèmes de logements des personnes rentrées en France par leurs propres moyens. Des dispositions nouvelles viennent d'être prises pour, d'une part augmenter de façon conséquente les capacités d'accueil, tant à Paris qu'en province de l'organisme qui est en charge de cet accueil, à savoir le Comité d'entraide aux français rapatriés et, d'autre part, la décision a été prise il y a deux semaines de faire bénéficier les familles concernées des procédures de conventionnement pour l'aide au logement temporaire avec, là encore, l'aide du CEFR.

Pour ce qui est des personnels des administrations françaises, nous nous sommes efforcés de les concentrer sur un nombre réduit de sites et d'augmenter la protection de ces sites. Là encore, les solutions ne sont pas efficaces à 100 % puisque, hélas, l'attentat du 3 août a eu lieu dans une cité qui était protégée par des gendarmes. Les mesures prises immédiatement après ma visite à Alger en compagnie de François. Léotard ne sont pas limitatives. Nous les complétons au fil du temps. Ce sont les mêmes préoccupations de la sécurité, c'est-à-dire la sécurité des agents, des recrutés locaux aussi, qui nous ont amené à réduire notre dispositif consulaire et, là-dessus, je voudrais que les choses soient tout à fait claires : les consulats de France en Algérie ne soit pas fermés, ils continuent à assurer leur mission essentielle, la protection de nos ressortissants et la délivrance des visas pour les cas urgents ou spécialement dignes d'attention, je pense notamment aux double-nationaux. Mais j'ai estimé qu'il n'était pas possible de laisser les services qui traitent la grande masse des demandes de visas ouverts au public tout simplement parce que, même en y mettant le nombre de gendarmes nécessaires, nous ne pouvons pas les sécuriser. Confronté au dilemme de savoir s'il fallait exposer des vies de fonctionnaires français pour maintenir les procédures existantes ou changer les procédures en protégeant mieux les vies, j'ai choisi la deuxième solution et pas la première.

Nous sommes en train de mettre en place un dispositif qui est nécessairement lourd, qui permettra l'instruction des demandes courantes de visas à Nantes. La procédure est d'ores et déjà postalisée. Nous créons à Nantes une cellule de plusieurs dizaines de fonctionnaires qui traitera ces problèmes. Il y aura inévitablement pendant quelques jours, quelques semaines des phénomènes d'embouteillage, mais nous pensons les résorber dans les meilleurs délais

Je le disais, qu'il s'agisse de l'Algérie ou d'autres régions bouleversées du monde, on pourrait en citer beaucoup, les questions de sécurité de nos compatriotes expatriés demeurent une préoccupation majeure pour l'ensemble des autorités françaises comme pour ce ministère. Nous l'avons montré réussissant, je crois, dans de bonnes conditions ; le rapatriement de nos compatriotes menacés au Rwanda ou au Yémen. Nombreuses sont les régions où l'expatriation comporte aujourd'hui des risques accrus. Ces dangers doivent être évalués de façon réaliste, sans négliger ce ni exagération. Il y a là sans doute matière à réflexion de la part de votre Conseil. Je suis ouvert à toute suggestion dans ce domaine.

Je le disais à l'instant, nous avons été confrontés à la gestion de plusieurs situations de crises au cours de l'année écoulée. Il y a d'abord eu au mois de mars les événements d'une violence épouvantable que vous connaissez au Rwanda qui, après la mort de sept de nos compatriotes, nous ont très rapidement conduits à décider l'évacuation d'urgence de l'ensemble de la communauté française installée dans ce pays, chiffrée à plusieurs centaines. Peu de temps après, devant la dégradation au Yémen, nous avons dû procéder rapidement au même type coopération pour les Français présents au sud du pays. Dans les deux cas, des moyens très importants qui ont bien sûr nécessité le concours de notre dispositif militaire de l'outre-mer, ont été déployés. Ils nous ont permis d'assurer dans les meilleures conditions possibles de telles évacuations, dont ont d'ailleurs également profité de très nombreux ressortissants étrangers, qu'ils appartiennent à l'Union européenne ou à d'autres pays du monde. En chaque occasion, la cellule de crise du Quai d'Orsay a fonctionné. Je voudrais remercier les nombreux agents du Département qui, se relayant souvent jour et nuit, ont aidé le gouvernement à faire face à ses responsabilités ainsi que les élus qui nous ont appuyés dans le déroulement de ces opérations.

Je crois que l'on peut dire que nous avons quelques raisons d'être fiers que, dans de telles situations que nous souhaiterions évidemment ardemment ne pas voir se reproduire, nous ayons pu, tout en accomplissant notre devoir, donner à l'opinion l'image d'un ministère proche des hommes, d'une administration efficace et d'une politique étrangère qui ne reste pas abstraite.

Je tiens également à saluer l'élan de solidarité montré durant ces épreuves par l'ensemble des Français, en particulier par ceux qui, à Bujumbura, à Bangui ou à Djibouti, ont su manifester réconfort et assistance aux personnes qui étaient évacuées et qui transitaient provisoirement par ces villes.

Et puis, nous avons eu cette année encore notre part de péripéties, particulièrement éprouvantes pour les familles concernées lorsqu'ont été enlevés plusieurs de nos compatriotes. Je pense principalement aux jeunes Français qui étaient en mission humanitaire dans l'ex-Yougoslavie, qui ont été pris brutalement en otage, vous le savez. Fort heureusement, nos efforts ont pu aboutir à un dénouement favorable. Nous conduisons d'autres négociations de ce type en ce moment pour obtenir la libération de notre compatriote enlevé au Cambodge et nos services sont en liaison quotidienne avec sa famille. Je n'ai pas malheureusement, au moment où je vous parle d'indication positive à court terme en tout cas à vous donner. La sécurité des Français va rester, je peux vous l'assurer, une des priorités absolues de ce ministère. J'entends bien à cet effet que soit poursuivi l'effort entrepris depuis plusieurs années dans les pays à risques, pour doter plus largement nos postes de réseaux radio de sécurité, et moderniser, au fur et à mesure des besoins exprimés, fournir à leur demande des stocks de rations alimentaires et de médicaments, enfin pour développer la gestion informatisée des plans de sécurité, tenue régulièrement à jour par nos ambassades et nos consulats et dont nous avons pu constater, lors de chaque crise, combien ils étaient précieux.

Il y a pour ce ministère un autre domaine de préoccupation, un peu différent car il ne s'agit plus d'impératif immédiat de sécurité physique des personnes mais qui est cependant voisin, puisqu'il touche à la sécurité matérielle de ceux qui sont les plus démunis. C'est celui de la protection et de l'assistance des Français se trouvant à l'étranger. Les tâches multiples accomplies à ce titre en permanence par nos postes, par la Direction des Français à l'étranger et des étrangers en France – je tiens une fois encore à rendre hommage à l'action de Mme Renouard – sont essentielles, même si leur ampleur n'est pas toujours celle que nous souhaiterions. Nos compatriotes en difficulté lors d'un déplacement à l'étranger – ils sont de plus en plus nombreux – ont ainsi largement bénéficié cette année, lorsqu'ils en avaient besoin, des aides exceptionnelles consenties par le Département. Les visites aux Français incarcérés, les recherches faites dans l'intérêt des familles, les rapatriements sanitaires se sont poursuivis. Toute l'attention normale que nous devons apporter à nos ressortissants n'a pas fléchi malgré les crises. En ce qui concerne l'aide sociale et la solidarité, j'entends bien, malgré une contrainte budgétaire stricte, compréhensible compte tenu de la situation de nos comptes publics ne pas négliger les actions en faveur des Français de l'étranger les plus démunis, notamment les personnes âgées et les personnes handicapées. Celles-ci continueront à bénéficier des allocations et des prestations que nous leur versons. Je m'étais engagé l'an dernier, devant vous à ce que soit augmenté en 1994 de façon significative les crédits d'assistance aux Français de l'étranger et cela a été fait. Je peux vous assurer aujourd'hui que l'effort sera maintenu en 1995 de façon à poursuivre l'action engagée en faveur de l'amélioration de la protection sociale des Français résidant à l'étranger.

Dans le domaine de l'emploi et de la réinsertion professionnelle, nous nous efforçons d'étendre le réseau des comités consulaires, là où les besoins se font le plus sentir. Les bons résultats enregistrés en ce qui concerne la formation de nos ressortissants pour leur permettre ensuite de trouver un emploi à l'étranger méritent d'être signalés. 15 000 placements ont eu lieu cette année. L'action de la mission « Femmes françaises à l'étranger » nous aide également à mieux cerner les problèmes que rencontrent les Françaises pour vivre à l'étranger et pour y faire vivre leur famille dont elles sont souvent le seul soutien. Nous pouvons aussi leur apporter une meilleure connaissance de leur droit La mission de l'adoption internationale aide les familles concernées à accomplir les démarches nécessaires en vue de ces adoptions toujours plus nombreuses et toujours plus attendues.

Autre sujet qui, je le sais, vous tient particulièrement à cœur, autant qu'il préoccupe nos compatriotes et auquel j'attache personnellement la plus haute importance, je veux parler de l'enseignement bien entendu.

Où en sommes-nous ? Depuis notre dernière rencontre, il y a un an, les résultats de réflexions sur l'amélioration du fonctionnement de l'Agence ont été mis en œuvre. Les textes de nouvelles conventions à géométrie variable dont je vous avais parlé ont été approuvés par le conseil d'administration, deux mois après notre réunion de 1993, comme la plupart d'entre vous le souhaitaient. Cette nouvelle formule instaure des liens plus souples entre l'agence et les divers établissements. Elle est désormais systématiquement proposée lors des renouvellements de conventions ou lors de l'établissement de nouvelles conventions avec de nouveaux établissements scolaires. Parallèlement a été menée à bien la refonte du décret relatif à l'administration de l'Agence. Je suis heureux de vous annoncer qu'il a été approuvé par le ministère du budget et pourra donc être publié dès que le Conseil d'État se sera prononcé. Je vous rappelle que ce texte prévoit une représentation plus large des parents d'élèves et des entreprises françaises implantées à l'étranger. C'était une idée que nous avions évoquée l'an dernier.

Comme je m'y étais engagé devant vous, un groupe de travail a étudié l'assouplissement des modalités de recrutement des enseignants par les établissements français à l'étranger. Ces réunions ont permis d'amender le décret relatif à la situation administrative des personnels afin d'épargner aux enseignants recrutés directement par les établissements une mise en disponibilité qui les privait d'une couverture sociale et provoquait une interruption de leur carrière. Ce projet, qui tient à cœur à beaucoup d'entre vous, sera bientôt soumis à l'approbation des autres ministères et est donc également sur le point d'aboutir. En 1994, les différents services de l'Agence ont été mobilisés vers l'objectif essentiel d'amélioration de la gestion. Cela a permis trois résultats au moins. Le premier, qui va se concrétiser dès la prochaine rentrée scolaire, 150 enseignants, ce n'est pas peu, ont pu être nommés sur des emplois disponibles de l'Agence et ces professeurs vont se retrouver dans quelques jours avec leurs élèves. Deuxième résultat : les nouveaux enseignants, titulaires d'un contrat de résidence recevront leur rémunération complète de l'Agence dans la plupart des cas dès le mois de septembre, pour les autres cas au plus tard en octobre. Il s'agit là d'une amélioration réelle par rapport à l'an dernier où certains avaient attendu plusieurs mois, vous le savez, avant d'être rétribués.

Enfin, le chapitre des bourses scolaires. Sur ce point encore, l'amélioration des méthodes de gestion a permis d'atteindre les objectifs qui avaient été fixés lors de la mise en place, il y a quelques mois, de la réforme du système d'attribution. À cet égard, les spécificités locales ont été mieux prises en compte, les paramètres du barème d'allocation ont été ajustés en fonction du coût de la vie dans les différents pays. Une répartition équitable des crédits a été, je le pense, scrupuleusement effectuée. L'Agence va prendre en charge les frais scolaires des familles dont les revenus sont insuffisants, le seuil minimum variant naturellement selon les pays.

L'utilisation des crédits se fera, grâce à l'intervention permanente de l'Agence, de façon harmonieuse en fonction du calendrier et, surtout, les familles seront informées plus rapidement que par le passé des décisions prises pour leurs enfants. Pour accroître le niveau de notre aide aux familles aux revenus moyens et satisfaire notre principale préoccupation, à savoir qu'aucun élève français ne soit exclu de nos établissements pour des raisons d'argent, je suis heureux de vous annoncer que le projet de loi de finances pour 1995 va nous permettre de poursuivre et même d'amplifier le mouvement que j'avais amorcé dès 1994. Vous savez qu'une première majoration substantielle avait été réalisée dès 1994, de l'ordre de 20 % si je me souviens bien. Grâce à l'aide extrêmement efficace que nous ont apporté vos sénateurs ici présents et tout particulièrement le Président de Villepin, nous serons en mesure l'année prochaine de bénéficier d'une augmentation de 50 millions de francs du crédit de bourses, soit une majoration de 37 % faisant suite à une majoration de l'ordre de 20 % cette année. On va passer de 135 millions en 1994 à 185 millions l'année prochaine et, en nombre de bourses, nous passerons d'un peu plus de 14000 bourses en 1994 à 18000 bourses en 1995. C'est donc là un effort, je crois, tout à fait spectaculaire. Je vous remercie de la réaction que vous venez d'avoir, qui exprime votre satisfaction.

Par ailleurs, des mesures spécifiques ont été prises comme vous le savez, en avril dernier par le gouvernement pour permettre à l'Agence d'apporter une aide supplémentaire, adaptée aux besoins de chaque établissement de la zone franc CFA, afin que tous puissent équilibrer leur budget en 1994 et en 1995. Enfin et conformément aux souhaits de la communauté que vous représentez, le dispositif du schéma d'adaptation des réseaux diplomatiques, dont je vous avais parlé et qui est partie intégrante de la réforme du ministère, sera étendu en 1995 à l'Agence. Une mesure de transformation de 67 emplois d'enseignants expatriés en 67 emplois d'enseignants résidents est retenue au projet de budget. Vous me permettrez, puisque je viens de mentionner le franc CFA, de vous dire rapidement où nous en sommes, un peu plus de six mois après la dévaluation. Je ne reviendrai pas sur les aspects économiques de cette décision et sur le caractère absolument indispensable de cet ajustement monétaire, qui devait donner aux économies africaines sinistrées une chance de redécoller. C'était, certes, une décision difficile, mais elle a été assumée avec beaucoup de courage par les autorités des pays concernés, qui ont tous bien mesuré pourtant le risque politique et social qu'ils prenaient. La France a d'emblée pris des mesures nécessaires pour accompagner cet ajustement en mettant en place un programme d'aides d'une ampleur, considérable dont vous connaissez le détail remise de dettes aide-balance, aide-projet, création du Fonds social de développement. On nous avait promis une catastrophe épouvantable dans les mois qui suivraient la dévaluation. Je crois que l'on peut dire je m'en suis rendu compte moi-même en allant en Afrique, le Premier ministre l'a également vérifié lors de son voyage les premiers résultats de la dévaluation apparaissent encourageants. Il est évidement trop tôt pour parler de réussite, mais on est sur la voie de la réussite les signes de croissance se multiplient, les exportations des pays africains reprennent. Il est vrai que la conjoncture, en plus, aide, notamment un pays comme la cote d'Ivoire. Je sais que votre Conseil, se faisant en cela le porte-parole de la communauté française en Afrique, beaucoup travaillé sur le dossier – et je l'en remercie – avec deux séries de préoccupations d'abord, assurer le maintien des entreprises française : en Afrique, et ensuite minimiser les conséquences de la dévaluation dans le domaine social pour nos compatriotes les plus modestes ou les plus démunis.

Sur le premier point, les entreprises, nous restons évidemment très attentifs à ce que nous disent les opérateurs économiques installés en Afrique. À l'occasion de son voyage en juillet dernier, le Premier ministre a annoncé les mesures prises en faveur des entreprises pour aider aux règlements des problèmes en suspens, parmi lesquels la possibilité qui leur est offerte d'obtenir des prêts en francs CFA.

Sur le deuxième point, c'est-à-dire la situation sociale de nos ressortissants, nous nous sommes efforcés de mettre en place un dispositif de secours pour les situations les plus préoccupantes, qui affectent, c'est vrai plusieurs milliers de nos concitoyens. Je n'entrerai pas dans le détail. Vous connaissez plusieurs de ces mesures, par exemple la possibilité pour les familles de bénéficier des dispositions de la loi sur le surendettement des ménages pour des dettes contractées en France. La Caisse des Français de l'étranger – j'en rends hommage au sénateur Cantegrit – a, de son côté, apporté promptement son aide à ses assurés du continent Africain en réduisant de moitié les cotisations des plus démunis. J'ai conscience – et si je n'en avais pas conscience, on ne manquerait pas de me le dire – que tout ceci peut apparaître insuffisant, mais nous avons, là encore, essayer de compléter le dispositif et, vous le savez, une aide forfaitaire aux retraités français qui ont cotisé localement a été décidée. Cette allocation exceptionnelle sera versée avant le 31 décembre 1994. Il faut avoir confiance : l'opération dans laquelle nous nous sommes engagés avec le soutien de nos partenaires africains est en train de réussir, je l'ai dit. En permettant à l'Afrique de redémarrer, elle permettra en même temps à nos compatriotes de tirer profit de ce redressement.

Je ne voudrais pas clore ce chapitre sans évoquer plus généralement les liens qui unissent la France à l'Afrique. J'ai entendu beaucoup dire que la France abandonnait l'Afrique, qu'elle ne s'intéressait plus à l'Afrique. Je tiens à vous dire et à vous redire, si besoin est, que nos relations avec l'Afrique, où vivent plus de 100 000 de nos ressortissants, conservent aux yeux du gouvernement français, aux miens en particulier, un caractère tout à fait particulier. Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître que seule la France poursuit avec une telle ampleur et un tel degré un effort d'assistance, de solidarité, de présence aux côtés des pays africains. Qui peut en dire autant parmi les grandes puissances ? Qu'il me soit permis enfin de rappeler le caractère exemplaire des opérations que nous venons de mener cet été pour porter secours aux populations rwandaises. Les manifestations de soutien que nous avons reçues à cette occasion de la part de très nombreux Français nous montrent que notre pays, au plus profond de lui-même, demeure aux côtés du continent africain dans les bons comme dans les pires moments.

Un dernier mot enfin, pour ne pas lasser votre attention. Je vous avais présenté l'an dernier les grandes lignes de la réforme qu'il me paraissait nécessaire d'engager pour moderniser le ministère des Affaires étrangères. Un an après, cette réforme a été mise en place. De nouvelles structures ont été créées un décret fixant l'organigramme détaillé du ministère des Affaires étrangères qui n'existait pas, aussi curieux que cela puisse paraître, a été pris le Premier ministre a confirmé, par une circulaire, la responsabilité de coordination de nos ambassadeurs dans leurs pays de résidence ; la DGRCST a été elle-même réorganisée et j'ai eu l'occasion de recevoir, à la fin du mois de juillet, l'ensemble de nos conseillers culturels pour le leur dire. Le comité interministériel sur les moyens de l'État à l'étranger, qui dans l'esprit de la réforme doit être le lieu permettant d'assurer la meilleure synergie possible entre toutes les administrations qui sont associées à notre action extérieure, est créé. Il s'est réuni, une première fois sous la présidence du Premier ministre, à plusieurs reprises au niveau administratif et M. Balladur a annoncé ici même, devant les ambassadeurs vendredi dernier, qu'il le réunirait de nouveau d'ici quelques semaines.

Tous nos ambassadeurs, je viens de vous le dire, sont de nouveau réunis cette semaine à Paris pour la deuxième année consécutive. Ils y analysent ensemble les résultats de la réforme et travaillent, secteur par secteur, zone géographique par zone géographique, à dégager les priorités de notre travail de l'année qui vient.

En un mot, je crois pouvoir dire que ce ministère travaille, vit, continue à se moderniser. Certes, les contraintes budgétaires, je l'ai dit, sont fortes. Si cette année l'essentiel des moyens peut être préservé, il nous faudra certainement une nouvelle fois rationaliser la carte consulaire et donc envisager sous peu quelques fermetures de postes. Je sais la sensibilité des Français de l'étranger à ce genre de décision. Nous essaierons de les concerter autant que faire se peut, avec les représentants compétents du Conseil supérieur.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire, d'abord sur les trois grands sujets qui vous préoccupent à juste titre la sécurité, la situation sociale de nos ressortissants, les problèmes de scolarité et puis ensuite, sur l'évolution du ministère et la marche de notre réforme. Vous me pardonnerez d'avoir été un peu long et d'avoir été peut-être au-delà de vos préoccupations les plus concrètes et les plus immédiates, mais sachez que nous ne les perdons pas de vue. Les moyens dévolus au Conseil supérieur des Français de l'étranger seront cette année augmentés, afin de répondre à une demande qui a été exprimée par beaucoup d'entre vous s'agissant de vos indemnités semestrielles de celles qui vous sont versées pour assister à Paris aux travaux du Conseil.

Je souhaite que cela vous permette de poursuivre les tâches que vous accomplissez avec dévouement en faveur de nos compatriotes éloignés de France. En défendant avec acharnement la cause qui nous est commune, vous participez ainsi au développement de notre présence économique, culturelle, politique, grâce aux communautés établies hors de France et vous relayez l'image dynamique que nous essayons de donner de la France dans le monde. C'est la raison pour laquelle je souhaite de tout cœur ainsi que Mme Michaux-Chevry et M. Lamassoure plein succès à vos travaux et déclare ouverte la 47ème assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger.


Interview du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, à l'issue de l'ouverture solennelle de la 47ème session de l'assemblée plénière du CSFE (Paris, le 5 septembre 1994)

Q. : Monsieur le ministre, vous venez d'annoncer une série de mesures très intéressantes pour les Français de l'étranger, de bonnes nouvelles, en particulier l'augmentation des bourses scolaires et le recrutement de professeurs. Mais quelles certitudes avez-vous quant au budget du ministère des Affaires étrangères pour l'année 1995 ?

R. : Ce que j'ai annoncé, j'en suis sûr, bien entendu, et je voudrais souligner, comme vous venez de le faire, l'importance de l'effort réalisé en 1994 et qui va être poursuivi en 1995 pour les bourses attribuées aux jeunes Français expatriés qui suivent les cours de nos établissements scolaires à l'étranger. C'est pratiquement un effort de 40 pour cent supplémentaires qui a été décidé par le gouvernement au titre de 1995. C'est donc un point extrêmement important. Sur l'ensemble du budget, je ne suis pas encore en mesure de vous donner des informations définitives, puisque la loi de finances ne passera au Conseil des ministres que le 21 septembre. Cela dit, dans un contexte de rigueur budgétaire que je comprends et que j'approuve parce qu'il faut remettre de l'ordre dans les finances publiques, que nous avons trouvé fort déséquilibrées en 1993, je pense que le ministère des Affaires étrangères pourra maintenir ses moyens et que, même dans le domaine de l'action culturelle, scientifique à l'étranger (promotion de la langue française, développement de l'audiovisuel extérieur), nous aurons des moyens nouveaux en 1995.

Q. : M. Balladur vous a donné des assurances ou en tout cas le ministre du Budget ?

R. : La loi de finances et le budget de mon ministère ont été discutés selon les procédures normales et j'en rendrai compte aux deux commissions compétentes, commissions des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat, d'ici quelques semaines.

Q. : Vous avez des charges importantes, qui coûtent cher : le rapatriement des Français d'Algérie, qui pose quand même un certain nombre de problèmes, la dévaluation du Franc CFA…

R. : Oui, mais enfin toutes ces dépenses ne sont pas imputées sur le budget du ministère des Affaires étrangères. Quand on écoute nos compatriotes expatriés – il y en a plus d'un million sept cent mille qui jouent un rôle tout à fait capital pour le rayonnement de notre pays – quelles sont leurs préoccupations essentielles ?

La sécurité. Tout n'est pas aussi dramatique évidemment qu'en Algérie, mais il y a beaucoup de zones du monde qui sont dangereuses et notre responsabilité est de faire tout ce que nous pouvons pour assurer la sécurité de nos Français.

Q. : À ce sujet, qu'en est-il du Français retenu, en otage au Cambodge ?

R. : Nous ne cessons, notre ambassadeur ne cesse, jour après jour, d'être en contact avec les autorités cambodgiennes pour obtenir sa libération comme celle de l'otage australien, l'otage britannique.

La deuxième préoccupation – on ne le sait pas toujours en France – c'est la situation sociale ; de nos compatriotes expatriés. Tous ne sont pas cadres supérieurs d'entreprise ou fonctionnaires importants. Il y a souvent des personnes modestes et démunies et nous les aidons.

Enfin, la troisième préoccupation, on a en déjà parlé, c'est la scolarisation. Il faut faire en sorte qu'aucun jeune Français à l'étranger ne soit exclu du système scolaire pour des raisons financières. C'est l'un des objectifs que je me suis assigné.

Q. : Vous avez incité hier les Français à voter pour les Présidentielles. Les Français de l'étranger, eux aussi, votent…

R. : Ce qui est important, c'est de les mobiliser car on sait que traditionnellement, le taux d'abstention parmi les Français de l'étranger est extrêmement élevé : il est de l'ordre de 60 à 70 %. Ils ont voté davantage au mois de juin dernier lorsqu'ils ont élu leurs représentants au Conseil supérieur des Français de l'étranger. Je crois que la participation a été en progression de plusieurs points. Alors, il faut continuer dans cette direction pour toutes les élections qui sont à venir.