Texte intégral
Je viens d'arriver comme vous le savez. J'ai tenu sans plus tarder à vous saluer, à saluer vos délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger, M. Alemany et Wacziarg, ici présents, et à vous dire quelques mots sur le sens de la visite que je vais faire ici jusqu'à la fin de la semaine. Si je ne me trompe, c'est la première visite bilatérale d'un ministre des Affaires étrangères depuis 1987. J'étais moi-même venu ici à Tokyo l'année dernière à l'occasion de la réunion ministérielle du G7, puis à l'occasion du Sommet du G7 mais c'était dans un cadre multilatéral, et je souhaitais ainsi que les autorités japonaises avoir l'occasion d'une rencontre proprement bilatérale. Pourquoi ? Je ne pense pas qu'il est utile de souligner devant vous le rôle que le Japon tient dans cette région et d'une façon plus générale sur la scène mondiale, sur le plan politique. De même qu'en Europe, on s'en est rendu compte l'an dernier il l'occasion de la négociation du GATT, rien ne peut vraiment se faire sans la France, on peut dire que toutes proportions gardées, dans cette région rien ne peut vraiment se faire non plus sans le Japon qui a l'ambition, on le voit chaque jour davantage, de jouer un rôle politique que ce soit dans le cadre du G7, ou maintenant au Conseil de sécurité des Nations unies où il a posé sa candidature. Ce que je suis venu dire ici, c'est que la France comprend parfaitement cette ambition du Japon qui lui paraît légitime.
Je suis venu aussi rappeler que nos intérêts en Asie sont de plus en plus importants qu'ils soient économiques, puisque de 6 % en 1983, la part de nos exportations globales venant dans cette région… est passée à près de 12 % en 1993. C'est un quasi-doublement. Nous avons aussi des intérêts culturels et j'attacherai au cours de mon voyage à cet aspect de nos relations une importance toute particulière et également des intérêts stratégiques ; la stabilité et la sécurité de cette région nous intéressent au premier chef parce que nous y avons des intérêts et parce que, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et puissance mondiale, nous avons intérêt à tout ce qui touche à la sécurité internationale. Il faut que nous renforcions notre présence globale dans cette région et outre le voyage que je fais ici, comme vous le savez je tiendrai demain une réunion d'ambassadeurs de l'ensemble de la région qui pendant deux jours échangeront leurs points de vue et essaieront de définir les moyens de renforcer nos relations avec le Japon et l'ensemble des puissances de la région. Cette année 1994 sera pour ce qui est des contacts bilatéraux une année faste puisque Gérard Longuet était ici il y a quelques jours. Nous recevrons à Paris M. Hosokawa au début du mois de mai et sa majesté l'empereur Akihito viendra à l'automne en France.
Cette présence française au Japon dont vous trouvez ici l'incarnation vivante est importante, je pourrais vous le rappeler en citant quelques chiffres, elle n'est pas encore suffisante, bien entendu. Notre part de marché se situe aux alentours de 2 %, c'est-à-dire moitié moins que celle de l'Allemagne. Notre déficit commercial a été stabilisé, il s'est même légèrement amélioré au cours des dernières années, plutôt d'ailleurs du fait de la réduction de nos importations en fait liée à la situation économique intérieure, que grâce au dynamisme de nos exportations qui est malgré tout réel. Le Japon est un marché que vous connaissez mieux que moi où nous pouvons encore progresser et c'est le sens de cette campagne lancée en 1992 et que nous allons prolonger pendant deux ans encore "le Japon, c'est possible". Je pense qu'elle a permis de marquer des points et elle est venue relayer l'action de la Chambre de commerce, des conseillers du commerce extérieur, ou les relations que les grandes entreprises françaises implantées ici ont de leur côté. Les évolutions de la société japonaise et les signes d'ouverture qui sont en train de se manifester de tout temps, depuis quelques jours plus spécialement sont une chance bien sûr pour nos entreprises et pour la France et nous y sommes particulièrement attentifs comme vous l'êtes vous-même.
J'évoquais tout à l'heure notre présence culturelle, nous ne la négligeons pas, car il faut considérer qu'on ne pouvait pas établir une séparation étanche entre le culturel et l'économie, que ceci participe du même rayonnement de notre pays, et notre intention est de valoriser dans cette présence culturelle, à la fois la tradition bien sûr, à laquelle les Japonais comme nous-mêmes sont attachés, mais aussi les aspects novateurs de la culture française, pas simplement un patrimoine et la conservation d'un patrimoine, mais une création et la France doit être plus que jamais, et apparaître comme telle aux yeux des Japonais, comme !e centre de la création contemporaine, ou un des centres de la création contemporaine. C'est dans cet esprit que je visiterai l'institut franco-japonais de Tokyo cet après-midi, et la villa Fukujuyama à Kyoto samedi.
N'ayons garde d'oublier la présence scientifique et technologique, nous connaissons tous la force et l'innovation de ce pays, j'aimerais qu'ils connaissent la nôtre, mais cela est en train de se faire. Il y a de grands succès remportés dans cette région, je pense notamment au projet de TGV coréen, qui peuvent servir de fondement à notre action dans ce domaine. Nous devons aussi accroître notre connaissance du monde scientifique japonais par la veille technologique dont est responsable l'ambassade en liaison avec les entreprises et le développement d'une coopération qui permette d'intégrer plus de scientifiques français aux activités de recherche menées ici. Les efforts des grands groupes et de certaines PME au Japon, avec l'établissement de partenariats franco-japonais notamment centrés sur la recherche doivent à cet égard être salués.
Enfin, je voudrais vous dire combien mon administration et mon ministère sont, évidemment, c'est une de leur tâche, dans le monde, sensibles aux problèmes de la communauté française qui représente ici 5 000 personnes au total je crois, au Japon, l'essentiel dans cette région de Tokyo. Cette communauté est jeune, dynamique, unie, de très grande qualité je crois, d'après ce que je sais d'elle et ce que me disait à l'instant notre ambassadeur. Les associations sont actives, vous êtes bien intégrés dans cette société japonaise qu'on a parfois un peu de mal, vu de Paris, à bien cerner ; à Tokyo, dans le Kansai ou ailleurs, cadres et chers d'entreprise, enseignants, chercheurs, artistes, religieux, étudiants, vous représentez la France, ses intérêts, sa culture, son mode de vie, bref sa présence au Japon, et je voudrais vous en exprimer toute la reconnaissance des autorités françaises.
Vous avez comme toujours, toute communauté à l'étranger a ses problèmes, parfois quelques difficultés dans la vie quotidienne, l'ambassade et le consulat sont à votre disposition pour vous aider à les régler. Je suis particulièrement attentif, je tiens à vous le dire, aux conditions de scolarisation des enfants à Tokyo, là encore, je connais les difficultés. Nous avons cette spécificité en France d'être le pays à avoir vraisemblablement le plus vaste réseau d'enseignement français à l'étranger, d'enseignants à l'étranger, et celui qui bien sûr suscite encore le plus d'insatisfactions, justifiées ou moins justifiées. Nous avons fait ici des efforts, un programme de 15 millions de francs a été engagé pour améliorer les conditions de scolarisation, sans doute y a-t-il encore des progrès. Je suis sûr, par les quelques conversations que j'ai pu avoir tout à l'heure sur cette question, que le sujet sera évoqué. Dans le Kansai l'initiative de votre communauté de créer une structure offrant une formation de qualité en français mérite d'être saluée. Permettez-moi, pour tenir l'engagement que j'ai pris, de former un vœu pour que votre communauté favorise autant que possible l'accueil des jeunes Français qui souhaitent venir ici, en particulier dans le cadre du stage en entreprise. Ces jeunes Français sont le futur pilier de la communauté, de la future communauté française du Japon. Je tiens à terminer en vous disant toute la gratitude de votre pays, la France, pour l'action que vous faites ici pour son rayonnement, pour son développement, pour sa culture, pour l'image que vous donnez d'elle à travers le monde. Vive la République et vive la France !
Inauguration de L'espace images de l'institut franco-japonais
Mesdames et Messieurs, et si vous me le permettez, chers amis, je voudrais tout d'abord saluer la présence dans cette salle de M. Takeshita, ancien Premier ministre, avec lequel je viens d'avoir l'honneur et le plaisir de m'entretenir quelques instants. Je sais le rôle extrêmement actif qu'il joue pour développer les relations entre nos deux pays, notamment sur le plan parlementaire et également sur le plan culturel, et je le remercie d'être ici aujourd'hui parmi nous.
Je me réjouis de ce que l'un des premiers gestes, l'une des premières rencontres, à l'occasion de la visite officielle que j'entreprends aujourd'hui même au Japon, soit une rencontre avec des personnalités du monde japonais de la création qui par leur action, notamment par leur action de mécénat, contribuent au développement des liens culturels entre nos deux pays.
Comme vous le savez tous, cet institut culturel franco-japonais a été fondé en 1952 sur les plans de l'architecte Junzo Sakakura, premier disciple japonais de l'architecte français bien connu Le Corbusier. Pour la France, il est à la fois un lieu de diffusion culturelle et linguistique, et aussi, peut-être surtout, un lieu de contacts entre nos deux cultures et nos deux civilisations.
C'est ici qu'André Malraux s'adressa en 1958 à la jeunesse japonaise. Des personnalités aussi illustres que Roland Barthes, Sartre, Michel Foucaud, Michel Serres, Pierre Bourdieu, et bien d'autres encore s'y sont exprimées, ce qui me donne d'ailleurs quelques complexes de parler devant vous.
Et je sais que s'y retrouvent aujourd'hui au fil des manifestations et des rencontres diverses, des créateurs français et japonais de toutes disciplines l'architecture, la mode, la littérature, la musique, le cinéma.
Nos deux pays, le Japon et la France, ont tous les deux une culture forte, profondément enracinée dans des traditions historiques auxquelles nous tenons, parce que c'est notre être et notre âme même. Mais, ils sont en même temps des lieux de création. De créations contemporaines, riches, novatrices et originales et nous tenons vous et nous, à ce double aspect de nos relations culturelles.
Ce lien entre culture et histoire, qui est la marque de deux grandes nations aux identités nationales puissantes, cette expression créatrice de nos peuples contribuent, d'une certaine manière, même si cela peut paraître peut-être ambitieux ou prétentieux de le dire, au progrès de l'humanité tout entière. Et c'est ainsi que, fidèle à notre vocation universelle, nous les concevons.
Réalité forte à laquelle nous tenons, mais aussi réalité fragile. C'est parce que nous avons conscience de cette fragilité que mon pays a mené récemment, pendant les négociations du cycle de l'Uruguay, un combat, qui n'a pas toujours été compris partout, mais je suis sûr qu'il a été compris ici au Japon, pour la reconnaissance de ce que nous avons appelé l'"exception culturelle" dans le secteur essentiel qu'est aujourd'hui la création audiovisuelle.
L'histoire en porte témoignage ; quelles que soient les vertus de l'économie libérale, de l'économie de marché, à laquelle nous sommes, vous et nous, très sincèrement attachés, l'appui des États, le mécénat des grandes entreprises ont été dans nos civilisations, à toute époque, indispensables à la naissance de grandes œuvres qui font partie de notre patrimoine et du patrimoine universel.
Entendons-nous bien ! Il ne s'agit en aucun cas de se fermer aux influences extérieures. Il n'y a pas de culture vivante qui ne soit une culture ouverte. Et la culture française et la culture japonaise ont depuis des siècles un dialogue fécond. Nos intellectuels, nos écrivains, nos artistes se fréquentent très régulièrement. Les vôtres se sont de plus en plus tournés vers les nôtres depuis l'ère Meiji. De même, le Japon est une référence et une source constante d'inspiration pour la France. On a même appelé cela, à la fin du siècle dernier, le "japonisme", qui irrigua la création française, de Pierre Loti jusqu'aux Impressionnistes. Aujourd'hui, pour ne prendre qu'un exemple qui n'est pas anecdotique mais très révélateur, la mode japonaise est une référence de premier plan pour les créateurs français.
L'histoire, c'est bien. L'avenir, c'est encore mieux. Notre volonté commune est de donner à ces affinités qui existent entre nous des perspectives d'avenir. Et il y a tout lieu d'être optimiste sur ce plan-là, si l'on en juge par le nombre et le succès des manifestations françaises : plus de 400 cette année dans les seuls domaines de la musique, de la danse et des arts plastiques. La France souhaite appuyer le mouvement qui se dessine actuellement, qui est un mouvement d'intérêt pour la création française la plus contemporaine. C'est le sens de l'action que mène ici notre ambassade et je rends ici hommage à notre ambassadeur ici présent.
Mais la réciproque est vraie. L'intérêt en France pour la culture japonaise ne se dément pas. Elle n'est plus l'apanage des seuls milieux académiques quel que soit le niveau de leurs travaux et de leurs recherches. Les livres sur le Japon, les traductions, sans parler de la mode, le cinéma, l'architecture en témoignent. Et la France est prête à aider à élargir encore cet accès à un public français que je souhaite de plus en plus large. Elle souhaite ainsi que s'accroisse le nombre de jeunes Japonais qui apprennent le français : ils sont déjà 250 000 dans nos lycées et nos universités et la qualité de cet enseignement ne cesse de s'améliorer. La France est le pays d'Europe qui compte le plus grand nombre d'élèves japonais, les plus prestigieuses de nos écoles et universités ont ouvert des options de japonais qui ont un succès croissant.
Et puisque nous allons dans quelques instants inaugurer cette nouvelle salle de cinéma de l'Institut franco-japonais, je voudrais terminer en disant un mot de la création audiovisuelle. Vous connaissez le succès du cinéma japonais en France. Il n'y a pratiquement pas de jours à Paris sans projection de films japonais. Le Japon est parmi les premiers acheteurs de films français à l'étranger. On me disait même tout à l'heure, le premier acheteur de films français, bien que leur diffusion soit peut-être encore trop limitée. Le lancement, en 1993 du Festival annuel du film français à Yokohama va nous aider à faire connaître et à diffuser les créations françaises dans ce domaine si sensible notamment aux jeunes générations. C'est l'ambition de cette nouvelle salle de l'institut dans laquelle vous siégiez. Et pour l'inauguration de laquelle nous allons bientôt couper, j'imagine, ce ruban bleu-blanc-rouge, ce doit être la raison de sa présence. Je terminerai en remerciant toutes les personnalités ici présentes et en vous disant que je suis heureux que ce voyage au Japon ne soit pas exclusivement consacré à ce qui vient tout de suite à l'esprit quand on parle du Japon et de la France, c'est-à-dire du commerce, mais aussi à la culture. Car au fond des choses, c'est ce qui prépare le mieux l'avenir.