Interview de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et secrétaire général du RPR, à France 2 le 2 septembre 1994, sur le candidat éventuel du RPR à l'élection présidentielle de 1995, la cohabitation et l'université des jeunes du RPR.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Université d'été des jeunes RPR à Bordeaux du 2 au 4 septembre 1994

Média : France 2

Texte intégral

M. Masure. : Entre Balladur et Chirac vous n'hésitez pas, vous choisissez Chirac !

A. Juppé. : Ma position personnelle est connue depuis longtemps. Je l'ai résumée dans une formule. J'ai d'abord dit que je garderai ma fidélité à J. Chirac. J'ai dit aussi que je resterai loyal au gouvernement, parce que ce gouvernement fait une bonne politique. J'essaye d'y apporter ma contribution. E. Balladur le conduit de façon tout à fait efficace. Je resterai sur cette ligne. Je ne ressens aucune espèce de contradiction ni de déchirement. La politique qui est menée, aujourd'hui, est bonne. Mais il va se passer quelque chose de différent l'année prochaine. La campagne présidentielle ne se fera pas sur un bilan gouvernemental, elle va se faire sur la façon dont les candidats vont convaincre les Français sur leur vision de la France, de l'Europe, du monde pour les sept ans qui viennent. C'est différent ! On peut tout à fait rester sur la position que j'ai réaffirmée sans aucune espèce d'états d'âme ni de difficultés.

Q. : Libération fait un gros titre : « Le doute s'installe dans l'entourage de Chirac » C'est du fantasme de journaliste ?

R. : Nous ne devons pas fréquenter les mêmes entourages. Au jour où nous sommes, les candidats ne sont pas déclarés. Ce n'est pas le RPR qui va désigner les candidats. Ce n'est pas son rôle. C'est aux candidats de se déclarer, ils le feront quand ils jugeront le moment venu. Ils présenteront au pays un projet, une vision. À ce moment, parce que nous sommes la première formation politique de France, nous entrerons dans le jeu. Nous regarderons ces projets, nous poserons des questions et nous exprimerons notre préférence.

Q. : Nous avons assisté à un premier réel accroc dans la cohabitation. Le président de la République a publiquement rappelé ses prérogatives constitutionnelles en matière d'affaire étrangères. En privé, il se dit extrêmement irrité. Il a le sentiment très net que le Premier ministre a mordu la ligne jaune.

R. : Je ne ressens pas choses ainsi. Le président de la République a ses responsabilités aux termes des institutions. Il les exerce. Le Premier ministre est le chef du gouvernement, il fixe le cap de la politique gouvernementale. Je travaille avec lui en parfaite confiance, et je crois pouvoir dire que depuis, un peu plus d'un an, cela n'a posé aucun problème dans toutes les grandes négociations, ou dans toutes les grandes crises internationales que nous avons eues à gérer, que ce soient les négociations du GATT, la crise de Bosnie, l'opération Turquoise au Rwanda. C'est là-dessus qu'il faut juger : sur les réalités et non pas sur tel ou tel commentaire. J'aimerai revenir sur l'université des jeunes du RPR : les universités d'été c'est pas les candidatures. C'est 2 000 jeunes qui réfléchissent sur leur avenir et sur les problèmes qu'ils vont se poser. Deux exemples : les problèmes de la ville. Qu'est-ce qu'il faut faire dans les banlieues ? Deuxièmement, le SIDA. Il y a eu un dialogue entre plusieurs centaines de jeunes et un professeur de médecine. J'ai été frappé par le caractère direct des questions et du sens des responsabilités. On n'élude pas les choses. Je regrette que ce qui fait la substance de ces deux ou trois journées soit éludée par l'aspect mécanique de la politique. Ce n'est pas l'essentiel, pour l'avenir, pour le rôle que le RPR peut jouer dans notre pays. L'essentiel est dans le débat des jeunes et dans leur vision d'avenir.