Texte intégral
RTL - 4 septembre 1998
Olivier Mazerolle : Avez-vous des nouvelles plus rassurantes de J-P. Chevènement, ce matin ?
Daniel Vaillant : Je n’en ai pas d’autres que celles que nous savons depuis hier soir. Espérons qu’il sorte progressivement de son état comateux, et qu’il se remette vite, et qu’il revienne à ses responsabilités, qu’il assume avec courage et foi et conviction depuis un an et demi dans le gouvernement de L. Jospin.
Olivier Mazerolle : Libération publie, ce matin, à la une, une photo prise de dos de J-P. Chevènement avec ce simple titre : l’absence. C’est ce que vous ressentez, l’absence ?
Daniel Vaillant : Évidemment, à partir du moment où J.-P. Chevènement est dans l’état où il est – on le sentait bien à la réunion des ministres, hier – il manque énormément, à la fois parce que c’est, encore une fois, un ministre de grande compétence et qui a montré beaucoup de maîtrise, une grande force de travail au ministère de l’Intérieur, et, en même temps, parce que c’est un des éléments de cette équipe soudée, mais en même temps plurielle, dans cette majorité de gauche, aux responsabilités depuis un an et demi.
Olivier Mazerolle : Dans les commentaires, on peut lire, ce matin, dans la presse : pièce maîtresse, cruciale. Quelle définition donneriez-vous de son rôle au sein de ce gouvernement ?
Daniel Vaillant : Je crois qu’il faut se méfier des qualificatifs. On a pu dire d’autres choses dans le passé. Aujourd’hui, on dit cela. Je crois que ce qui caractérise J.-P. Chevènement, c’est que c’est un homme de grande conviction – il l’a montré dans le passé, en refusant des responsabilités lorsqu’il n’était plus d’accord avec la politique suivie. Là, je crois qu’il est pleinement à la fois associé, influent politiquement dans sa responsabilité dans ce gouvernement. On sent que c’est un homme heureux d’être dans ces responsabilités, au service de l’intérêt général. Je crois que c’est un élément qui caractérise J.-P. Chevènement : il a ses convictions, il a sa formation, sa culture. Moi, je le connais depuis 28 ans, depuis 1970, quand nous nous sommes retrouvés dans le nouveau Parti socialiste. Et je pense qu’aujourd’hui, il a évidemment toute sa place. Et puis, quelle maîtrise des dossiers difficiles de l’Intérieur !
Olivier Mazerolle : Justement, dans tous ces dossiers très complexes, la Corse, où il s’agit de rétablir l’État de droit, la délinquance et particulièrement la délinquance juvénile, les sans-papiers… Quel est, à votre avis, le dossier dans lequel son rôle personnel est le plus important ?
Daniel Vaillant : Je crois que son rôle personnel est important dans tous les domaines de sa responsabilité, sachant, en même temps, que le Premier ministre, lui-même, évidemment, s’informe, travaille avec lui sur tous ces dossiers. Mais c’est vrai que vous prenez l’exemple de la Corse, il a montré beaucoup de détermination, de volonté, au service encore une fois de l’État, de la République. Vous connaissez l’attachement de J.-P. Chevènement à l’État et à la République. Et dans ses fonctions de ministre de l’Intérieur, il le montre chaque jour.
Olivier Mazerolle : Alors, il est important au sein du Gouvernement, mais il est aussi important pour la gauche, parce que par ses prises de position sur les sans-papiers, sur la délinquance, sur la sécurité, il attire aussi un électorat qui n’est pas forcément à gauche ?
Daniel Vaillant : Je crois que ce n’est pas un problème électoral. Je pense que J.-P. Chevènement, avec d’autres – parce que, moi, je me sens très proche des thèses de J.-P. Chevènement dans tous les domaines que vous venez de citer – il est un des éléments de cette gauche aux responsabilités, qui apporte de son analyse, de ses convictions et qui permet au Premier ministre notamment de faire cette synthèse gouvernementale, dont L. Jospin parlait récemment à La Rochelle.
Olivier Mazerolle : Alors, il a son franc-parler, il n’a pas la langue de bois. Quand il fait des sorties, par exemple, sur les associations de sans-papiers, en disant qu’elles favorisent la percée du Front national. L. Jospin se dit : « il va encore m’attirer des ennuis chez mes copains » ?
Daniel Vaillant : Non, je ne crois pas. J.-P. Chevènement est un homme qui réagit aussi quand lui-même est aiguillonné. Et certains ne manquent pas de le faire et il est bien normal, après tout, qu’il ne soit pas dans la langue de bois. L’essentiel est que, dans son action et dans ses responsabilités, il soit parfaitement maîtrisé et qu’il agit au sens de l’intérêt général. Il contribue à sécuriser les Français. C’est aussi, je crois, un des traits du gouvernement de L. Jospin et je crois qu’il y parvient très bien.
Olivier Mazerolle : Vous le rappeliez tout à l’heure : il a déjà démissionné deux fois de gouvernements dans les années 1980 et 1990 pour préserver ses convictions personnelles. Il n’y a pas toujours cette idée : « olà là ! il faut faire attention parce qu’on ne sait jamais avec lui » ?
Daniel Vaillant : Mais je pense qu’aujourd’hui, il fait lui-même cette synthèse entre ses convictions personnelles et puis l’action au service de l’intérêt général et je pense qu’il est bien à sa place dans le Gouvernement et je souhaite vraiment qu’il nous revienne très vite.
Olivier Mazerolle : Et quand il fait de l’humour, et qu’il dit, par exemple, que le Gouvernement est une ménagerie dans laquelle il n’y a pas seulement des mésanges. Cela vous fait rigoler ?
Daniel Vaillant : Oui. Après tout, c’est imagé et je pense qu’il y a aussi une part de vérité.