Interview de M. Bernard Stasi, premier vice-président du CDS, dans "Le Monde" du 12 septembre 1994, sur la coopération décentralisée dans le cadre de l'action humanitaire et l'action de la Fédération mondiale des citées unies.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Monde

Texte intégral

"La coopération décentralisée doit permettre de ne pas avoir recours à l'action humanitaire"

Bernard Stasi, ancien député (UDF-CDS) de la Marne, mairie d'Épernay, vice-président de la commission de développement et coopération du Parlement européen, préside le comité français de la Fédération mondiale des cités unies. Il explique, dans l'entretien qu'il nous a accordé, sa conception de la contribution des collectivités locales à l'aide humanitaire.

Q. : La coopération décentralisée entre-t-elle, selon vous, dans le champ de l'action humanitaire ?

R. : Le rôle de la coopération décentralisée est justement d'éviter d'avoir recours, un jour, à des opérations humanitaires, mais devant certaines situations de détresse qui sensibilisent l'opinion, les élus peuvent plus facilement expliquer qu'il ne suffit pas d'envoyer des couvertures ou des boites de conserve. Il faut, avant tout, aider les collectivités locales étrangères avec lesquelles nous sommes en contact, à se développer et, d'abord, à se prendre en charge. C'est un travail de fond, qui repose sur des contacts directs entre citoyens, sur des projets durables et qui respecte le rythme particulier des administrations territoriales. Telle est la mission de la Fédération mondiale des cités unies.

Q. : Ce souci d'ouverture n'est-il pas difficile à accepter de la part d'une population française frappée par la crise économique ?

R. : Il faut prendre le temps d'expliquer. Bien sûr, les électeurs peuvent faire payer dans les urnes, à leur maire ou à leur président de région de s'occuper des Africains et des immigrés ! J'en sais quelque chose, mais, après tout, il a fallu aussi le courage en 1947, pour initier des jumelages avec des cités d'outre-Rhin, afin de préparer la réconciliation franco-allemande !
Nous estimons que trois à quatre cents projets vivent réellement. Les élus impliqués forment un monde petit, mais enthousiaste.

Q. : Pensez-vous que les initiatives des collectivités locales peuvent compléter la politique étrangère de l'État ?

R. : Je constate en tout cas que les villes jumelées avec le Togo ont joué un rôle non négligeable dans la reprise de la coopération française avec ce pays. Par ailleurs, j'ai conduit une mission d'élus locaux en Palestine, en juillet dernier. Je suis fier de dire que nous sommes parmi les premiers français à avoir rencontré les responsables municipaux de Gaza et de Jéricho. Plusieurs maires se sont déclarés prêt à agir, en liaison, bien sûr, avec le ministre des Affaires étrangères. Le 10 septembre, Chartres signe un accord de jumelage avec Bethléem. Le gouvernement a pris conscience que l'autonomie des collectivités locales dans leurs initiatives internationales faisait partie de la logique des lois de décentralisation. Et puis, dans le domaine de la coopération, on a besoin de tout le monde.