Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur le bilan de son action, sa méthode, la mise en oeuvre du programme de réformes pour la législature notamment en matière de lutte contre l'exclusion, Colmar le 23 septembre 1994.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Journées parlementaires du RPR, Colmar les 22 et 23 septembre 1994

Texte intégral

Heureux de me retrouver parmi vous. Nos convictions communes.

C'est une réunion importante : la dernière avant l'élection présidentielle, qui sera l'occasion de rendre compte au pays de l'œuvre accomplie, et de lui soumettre un projet qui tienne compte des résultats obtenus et prolonge les perspectives de notre action jusqu'à la fin du siècle.

Nous avons gagné en 1993.
  
Ensemble nous avons établi un programme de réformes pour la législature.

Nous l'avons mis en œuvre pendant deux ans. Déjà, la plupart des réformes sont accomplies.

Aujourd'hui, il faut faire le point :

– qu'avons-nous fait ?
– que reste-t-il à faire ?
– quelles nouvelles perspectives pour notre action ?

Quelle était la situation en 1993 ?

La pire depuis la guerre :

Déficit budgétaire de 340 milliards de francs, soit trois fois et demi celui que nous laissions en 1988.

Déficits sociaux explosifs :

– les retraites n'étaient plus garanties ;
– les contrats emplois solidarité n'étaient plus financés ;
– les dépenses de santé échappaient à tout contrôle.

La délinquance et l'insécurité se développaient rapidement.
  
L'immigration n'était pas réellement contrôlée.

Au-delà des chiffres, c'est le climat moral lui-même de notre pays qui s‘alourdissait.

Le chômage. Un jeune, arrivé aujourd'hui à l'âge adulte, a toujours entendu parler de la progression du chômage.

Enfin, notre pays voyait sa position dans le monde mal assurée et ses intérêts dans les négociations commerciales mal défendus.

Les électeurs ont fait confiance à la nouvelle majorité. Chacun d'entre vous, nouvel élu ou parlementaire plus ancien, savait dès son élection, que cette confiance n'était ni aveugle, ni éternelle. Le gouvernement, comme les parlementaires de la majorité devaient démontrer, concrètement, qu'une nouvelle politique pouvait, sans tarder, être mise en place et réussir. Depuis longtemps, trop de promesses, trop de catalogues avaient appris à nos concitoyens à se méfier de leurs élus ou de leurs dirigeants. Il nous fallait leur rendre confiance. Je crois pouvoir dire que c'est en bonne voie.

Certains d'entre vous ont pu regretter que nous n'ayons pas suffisamment mis l'accent sur cet héritage si lourd que nous recevions.

Ensemble, nous nous sommes mis au travail.

Fallait-il gouverner ?

Pouvait-on attendre deux ans ? Non.

Pas un gouvernement de transition, des réformes importantes devaient être entreprises. Les résultats sont là.

De cela d'abord, je veux vous rendre compte.

Vous avez bien voulu approuver la déclaration de politique générale que je prononçai devant l'Assemblée nationale.

Ensemble, nous sommes engagés, majorité et gouvernement, à travailler à un nouvel exemple français.

Mon discours de politique générale. Le cadre quinquennal.

Les réformes

Il s'agissait :

De relancer l'économie en stoppant la dérive des finances publiques, en consolidant la monnaie, en relançant la politique d'aménagement du territoire.

De sauver la protection sociale à la française à laquelle nous sommes tous, légitimement, attachés.

D'adopter un cadre législatif mieux adapté pour ce qu'il est convenu d'appeler les questions de société : la nationalité, l'immigration, la bioéthique, la sécurité, l'exercice de la justice.

De redéfinir la position de la France sur les grandes questions étrangères : le GATT, la Bosnie, la politique africaine par exemple, l'organisation de l'Europe.

Toutes ces réformes annoncées dans le discours de politique générale ont été engagées et la plupart menées à bien. Il nous faut aller plus loin dans un certain nombre de domaines :

– le financement de la dépendance ;
– les aides financières à l'apprentissage qu'il faut accroître par rapport à ce que nous avons déjà fait et qui feront l'objet d'une nouvelle loi ;
– la modernisation de l'agriculture dont le volet législatif se prépare.

Aujourd'hui nous pouvons, ensemble, après trois sessions parlementaires et bientôt dix-huit mois, commencer d'observer les résultats de notre action.

L'essentiel du discours sur notre action quinquennale a été accompli :

En matière économique le résultat principal c'est que la France est sortie de la crise, que la récession est derrière nous.

En matière d'emploi, nous avons obtenu un premier résultat. Le chômage a commencé de reculer et l'emploi se redresse, en particulier celui des jeunes. 120 000 emplois créés depuis le mois de janvier.

En matière sociale, grâce à des décisions difficiles et à l'adhésion des Français comme des professionnels, nous avons progressivement repris le contrôle d'une situation périlleuse. Les dépenses de santé sont aujourd'hui stabilisées.

La situation de notre pays commence à être meilleure.

Comment ce résultat a-t-il été atteint ?

Nous nous sommes inspirés de quelques principes.

Agir vite des lors que les décisions à prendre étaient bien connues, même si elles étaient difficiles et même si elles avaient été remises à plus tard, plusieurs fois :

– la question des retraites ;
– la réforme du Code de la nationalité.

Inscrire chaque fois que nécessaire l'action dans la durée, celle de la législature :

– la loi quinquennale sur l'emploi ;
– la loi de programmation militaire ;
– le nouveau contrat pour l'école ;
– l'aménagement du territoire ;
– loi sur la sécurité ;
– loi sur la justice.

Obtenir la plus large adhésion à l'élaboration des réformes.

C'est ce principe qui nous a guidés, à plusieurs reprises, et notamment dans le cas de l'ouverture du capital de Renault, ou la modernisation d'Air France.

Ne refuser aucune suggestion lorsqu'elle peut aider à la réforme de notre société. Nous avons ainsi pu faire adopter 10 % de textes d'origine parlementaire depuis mars 1993.

Savoir enfin remettre en chantier des réformes mal présentées ou mal comprises :

– Air France ;
– dialogue avec la jeunesse ;
– nouveau contrat pour l'École.
– refuser la démagogie, cf. budget 1995.

Ces premiers succès ont été possibles parce que le gouvernement a été constamment soutenu par sa majorité parlementaire.

Les Français ne s'y sont pas trompés, ils ont jusqu'à aujourd'hui soutenu ce gouvernement, aussi parce qu'ils s'appuyaient sur une majorité unie.

C'est une étape sur la voie du redressement de notre pays.

Aujourd'hui, c'est une autre société que nous devons inventer :

Jusqu'en 1974, progrès continu du pouvoir d'achat, de la couverture sociale, de la formation. La crise a cassé cet élan. Le consensus français traditionnel, fait d'esprit de justice et de fraternité, est lui-même menacé.

Comment concilier aujourd'hui nos valeurs sociales traditionnelles et la concurrence toujours plus vive du reste du monde ?

– pas la répétition des trente glorieuses ;
– pas la société d'aujourd'hui ;
– une autre.

Les problèmes à résoudre sont nombreux :

– l'État et la justice ;
– la croissance ;
– l'emploi et l'exclusion ;
– la protection sociale ;
– l'école et l'université ;
– l'Europe ;
– la défense ;
– le rôle de la France dans le monde.

Mobiliser pour bâtir une autre société, celle d'après la crise. Comment ?

D'abord une économie forte et dynamique et une monnaie solide. (Comme en 1959 avec le Général de Gaulle).

Le redressement économique fut donc l'une des priorités de ce gouvernement. La croissance permet de faire reculer peu à peu le chômage. 900 000 emplois ont été créés entre 1987 et 1989. Aujourd'hui tout doit être fait pour que le nombre de chômeurs en France diminue d'un million. C'est possible, nous serions alors au niveau de ceux de nos partenaires qui luttent avec le plus d'efficacité contre le chômage.

En 1995 et 1996, la croissance permettra de créer chaque année 250 000 emplois c'est-à-dire une diminution du chômage de 150 000.

Les mesures contenues dans le budget :

– abaissement des charges, nouvelle tranche ;
– développement de l'apprentissage ;
– développement du temps partiel ;
– aide aux emplois familiaux ;
– aide à l'embauche de chômeurs RMIstes.

Elles permettront une diminution en 1995 de 130 000 chômeurs. Pour 1995, la diminution devrait donc être de 250 000.

Mais le dynamisme de l'économie, la diminution du chômage ne suffisent pas, à eux seuls, à faire une politique complètement efficace contre l'exclusion.