Interview de M. Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, dans "Al Ahram-hebdo" du 14 septembre 1994, sur les relations économiques et culturelles entre la France et l'Egypte, l'aide au Rwanda, la situation en Bosnie et en Algérie et le resserrement des liens au sein du monde méditerranéen.

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Média : AL-AHRAM HEBDO - Presse étrangère

Texte intégral

Q : Monsieur le ministre, au-delà des relations amicales existant entre la France et l'Egypte, quelle est la place effective de l'Egypte dans la politique extérieure française ?

R : Nous avons avec l'Egypte des relations intenses, diversifiées et confiantes entretenues par les rencontres régulières particulièrement amicales des deux chefs d'État, ainsi qu'au niveau des ministres des Affaires étrangères. Je me suis d'ailleurs déjà rendu à deux reprises au Caire depuis le début de cette année. Ces entretiens politiques fréquents s'expliquent par l'importance que les dirigeants français attachent aux analyses et aux points de vue du Président Moubarak et des responsables égyptiens. A cet égard, plusieurs points doivent être particulièrement soulignés :

- Notre convergence avec l'Egypte sur les grands sujets de politique internationale, sur les thèmes essentiels du processus de paix au Proche-Orient, de la situation en Afrique, de la coopération en Méditerranée. La proximité de nos vues sur ces questions nous permet une très bonne coordination de nos diplomaties. S'agissant du processus de paix, nous reconnaissons le rôle déterminant de l'Egypte dans les progrès réalisés sur la voie de la paix, et les efforts accomplis avec succès par ses dirigeants pour faire aboutir la négociation israélo-palestinienne sur l'accord de Gaza-Jericho, d'ailleurs signé au Caire en mai dernier, alors que s'y poursuivent actuellement une partie des négociations.

- Le rôle de l'Egypte, qui ne cesse de s'affirmer sur la scène régionale et internationale, est également pris en compte par la France qui sait pouvoir compter sur les relations amicales de l'Egypte sur les terrains arabe, africain et méditerranéen pour faire avancer la cause de la paix et du développement. L'Egypte affiche son engagement constant en Afrique, où elle possède comme nous de nombreux intérêts. Membre fondateur de l'OUA, elle vient d'ailleurs d'en assurer la présidence avec efficacité. Par ailleurs, nous nous sommes associés, dès le départ, à l'initiative égyptienne de forum méditerranéen, lancée par le Président Moubarak pour rapprocher les pays riverains de la Méditerranée.

- D'une manière générale, nous désirons tenir compte du rôle international de l'Egypte et de l' « expertise » de sa diplomatie sur toutes les questions internationales. Après le sommet de l'OUA et la conférence des non-alignés, l'Egypte vient d'accueillir la conférence internationale sur la population et le développement, confirmant ainsi sa volonté de jouer un rôle éminent sur la scène mondiale.

Q : L'Egypte, depuis Bonaparte, est un partenaire culturel pour la France. Pourquoi le partenariat économique est-il si faible ?

R : Il est vrai que nous cherchons constamment à resserrer avec l'Egypte nos liens dans les domaines culturels, linguistique et de la francophonie, mais la France, quatrième partenaire économique de l'Egypte, n'est pas absente sur ce terrain où nous développons de manière favorable, d'année en année, nos relations économiques et commerciales.

Nos entreprises implantées en Egypte, au nombre d'une centaine, ont permis à la France d'augmenter ses exportations de 31 % en 1993. La constitution au Caire, il y a deux ans, d'un club d'hommes d'affaires franco-égyptien témoigne de notre volonté commune d'accroître nos échanges économiques.

Il me semble d'ailleurs que la visibilité de la présence économique française en Egypte est très forte, ainsi que l'attestent les nombreux chantiers de nos entreprises ou l'installation d'usines, comme tout récemment Peugeot et Renault.

Cette coopération économique est rendue possible par l'effort financier fourni par la France en faveur de l'Egypte, et qui comprend des protocoles financiers annuels de l'ordre de 500 millions de francs, le maintien à un niveau élevé de notre aide alimentaire, ainsi que notre participation au fonds social de développement égyptien financé par des conversions de créances françaises de l'ordre de 60 millions de francs.

Q : La France vient de retirer ses troupes du Rwanda. Le succès affiché par l'opération Turquoise ne peut effacer le soutien unilatéral accordé à l'ancien gouvernement rwandais. La France ne préfère-t-elle pas jouer en Afrique le rôle de gendarme plutôt que celui de partenaire du développement ?

R : La France a toujours considéré qu'il ne pouvait y avoir de solution militaire durable aux problèmes du Rwanda. C'est la raison pour laquelle elle a usé de son influence, après l'offensive lancée par le Front patriotique rwandais en octobre 1990, pour qu'une négociation soit engagée ; c'est à Paris qu'a eu lieu, entre les parties, le premier contact qui devait aboutir aux accords d'Arusha. Faut-il rappeler que la présence française au Rwanda a, dans le même temps, encouragé le Président Habyarimana à adopter un certain nombre de mesures allant dans le sens de la démocratisation, notamment l'instauration du multipartisme et la mise en place d'un gouvernement dirigé par un Premier ministre issu de l'opposition intérieure.

L'ensemble de la communauté internationale a appuyé ce processus et soutenu ce gouvernement. Si bien que je ne comprends pas ce que vous voulez dire par « soutien unilatéral » de la France.

Conformément aux accords d'Arusha, la France avait, dès la fin 1993, retiré ses troupes du Rwanda. Membre du Conseil de sécurité, elle n'a pas ménagé ses efforts pour que la communauté internationale aide à la mise en oeuvre des textes et que les Nations unies déploient à cette fin une force internationale.

L'opération Turquoise a été dictée par les événements. A vocation strictement humanitaire, elle a rempli ses objectifs : sauver des dizaines de milliers de vies ; faire cesser les massacres ; sécuriser les populations ; mobiliser la communauté internationale pour qu'elle apporte son aide. Ainsi, la France, comme elle le fait depuis le début des affrontements qui ensanglantent le Rwanda, ne s'est-elle pas dérobée devant la tâche qu'elle poursuit en Afrique : soulager les populations et créer les conditions du développement auquel sa coopération apporte un soutien très significatif. Elle est intervenue avec des pays africains comme le Sénégal, le Tchad, le Congo, et nous avons apprécié que votre pays ait décidé d'envoyer des observateurs militaires au sein de l'opération Turquoise pour participer ainsi à cette force humanitaire.

Q : Pour les Européens, les Serbes ont très vite été désignés comme des agresseurs en Bosnie. Pourquoi la diplomatie européenne et française, timide dans le soutien aux Bosniaques en général, a-t-elle été inexistante aux côtés des musulmans ?

R : Vingt-deux jeunes soldats français sont morts et 400 ont été blessés sous le casque bleu des Nations unies en accomplissant leur mission de protection des populations bosniaques. Beaucoup de gouvernements bavardent sur la Bosnie. La France, elle, a agi.

Les reproches d'une inaction européenne face au drame bosniaque me paraissent largement infondés, même si je comprends parfaitement les réactions que peuvent engendrer plus de deux ans d'une guerre aussi cruelle.

Je vous rappellerai que, pour sa part, la France n'a cessé de mobiliser ses partenaires européens et la communauté internationale pour faire cesser les combats, étendre le mandat de la FORPRONU à l'acheminement d'une aide humanitaire vitale, puis à la protection des populations civiles, et enfin unir les efforts des principales puissances engagées dans la recherche d'un règlement négocié. A cet égard, il faut souligner que ce sont les Douze qui ont fourni jusqu'à présent l'essentiel de l'effort, qu'il s'agisse de leur contribution aux opérations humanitaires – les deux tiers de l'ensemble –, de leur participation à la FORPRONU – les contingents européens y sont encore majoritaires – ou de leurs initiatives diplomatiques, le plan d'action européen de novembre 1993 constituant toujours la base des efforts actuels.

Sur cette base, des progrès réels ont été effectués au cours des derniers mois. Tandis que la situation sur le terrain connaît une accalmie fragile mais réelle depuis l'ultimatum lancé à l'initiative de la France pour desserrer l'étreinte serbe autour de Sarajevo, les éléments d'un règlement négocié se mettent peu à peu en place : l'approche commune des grandes puissances est désormais une réalité, le principe d'une union souple assurant la cohabitation des trois communautés bosniaques a été admis, un projet de répartition territoriale a été élaboré, accepté par les autorités de Sarajevo et dernièrement approuvé à Belgrade. Seuls les serbes de Bosnie, désormais isolés, persistent dans leur refus de cette carte. C'est la raison pour laquelle il est essentiel que la communauté internationale accentue encore ses pressions sur les Serbes de Bosnie, notamment en renforçant les sanctions établies à leur encontre, afin de les conduire à accepter enfin le règlement de paix qui a été élaboré.

Nous sommes donc à nouveau à la croisée des chemins : les progrès réalisés mettent la conclusion d'un accord de paix à portée de la main, mais l'intransigeance des Serbes de Bosnie pourrait déboucher rapidement sur une reprise de la guerre. Je reste convaincu que, tant que les chances de paix subsistent, nous ne devons pas céder à la politique du pire que constituerait la levée de l'embargo sur les armes, dont les musulmans de Bosnie seraient d'ailleurs les premières victimes. Bien au contraire, nous devons accentuer nos pressions pour obtenir un revirement des Serbes de Pale et relancer la dynamique des discussions.

Q : La France a toujours eu une histoire mouvementée avec l'Algérie. Aujourd'hui, après avoir soutenu à bout de bras un gouvernement à la légitimité contestée, elle se retrouve coincée entre cette alliance encombrante et la pression des islamistes. Que peut faire la France ?

R : Si les liens qui unissent les deux pays sont très étroits, la France, contrairement à vos affirmations, n'a jamais cessé d'avoir une politique équilibrée à l'égard de l'Algérie. J'ai ainsi personnellement souligné publiquement la nécessité de sortir du statu quo dès août 1993. Les autorités françaises ont à plusieurs reprises manifesté leur souhait qu'un dialogue politique large et ouvert s'engage à Alger avec tous ceux qui renoncent au terrorisme ou le récusent. J'ai rappelé dernièrement le besoin d'organiser à terme des élections libres et d'offrir une perspective politique aux Algériens.

Pour autant, nous devons rester fermes sur nos valeurs : nous condamnons vigoureusement le terrorisme et toutes les formes d'extrémisme qui cherchent à déstabiliser le pays.

La crise algérienne est politique, mais aussi économique. C'est pourquoi la France a choisi d'accorder une aide substantielle à l'économie algérienne. Cette aide, relayée par celles du FMI et de l'Union européenne, créera, je l'espère, si les réformes en cours sont maintenues, les conditions propices au redressement dans ce pays.

Q : La politique récente de la France à l'égard de l'Algérie ne vous a-t-elle pas été dictée par le ministre de l'Intérieur Charles Pasqua ?

R : Chacun agit dans son domaine de responsabilité. Au ministère de l'Intérieur revient la mission d'assurer le maintien de l'ordre public et de la sécurité sur le territoire national. A ce titre, il a procédé à des arrestations et des expulsions de ressortissants algériens résidant en France et soutenant des réseaux terroristes. J'approuve totalement ces mesures. Quant à la politique française à l'égard de l'Algérie, elle est de ma responsabilité, sous l'autorité, naturellement, du président de la République et du Premier ministre.

Q : Dans le processus de paix au Proche-Orient entamé avec la conférence de Madrid en 1991, le rôle de la France a été négligeable. Pourquoi la France a-t-elle perdu sa place dans la région ?

R : Les pays de l'Union européenne, au premier rang desquels la France, n'occupent pas, à l'évidence, la place que leur proximité géographique, leur engagement dans la région et leur contribution à la recherche d'un règlement de paix auraient justifiée.

Mais nous restons présents dans le processus de paix que nous n'avons cessé d'encourager en entretenant de très nombreux contacts bilatéraux. Depuis 1967, nous avons appelé Israël à reconnaître l'existence de la question palestinienne et à entamer un dialogue direct avec l'OLP. D'autre part, nos relations de confiance avec l'OLP, qui ne se sont jamais démenties, nous ont permis d'encourager les Palestiniens à faire preuve de réalisme. Je vous rappelle également les liens privilégiés qui existent depuis longtemps entre Yasser Arafat et la France, où le responsable palestinien s'est souvent rendu en raison de l'accueil qui lui était réservé par les autorités françaises.

Les progrès actuels dus à l'ouverture de négociations directes entre Israël et l'OLP prouvent la justesse des positions que la France défendait avec opiniâtreté depuis des années, et qui ont préparé les esprits aux progrès des volets de paix palestinien et jordanien.

La France a contribué au processus de paix en accueillant plusieurs sessions des pourparlers de paix entre Israël et les Palestiniens et l'ensemble des négociations économiques ayant abouti à l'accord signé le 29 avril dernier à Paris, et inclus dans l'accord Gaza-Jericho.

De plus, nous sommes l'un des pays les plus actifs au sein des négociations multilatérales dont l'objectif, comme vous le savez, est de favoriser un dialogue constant entre les différentes parties et de jeter les bases du Proche-Orient futur.

Enfin, nous avons pris de nombreuses initiatives pour soutenir financièrement l'autonomie palestinienne.

Nous poursuivrons nos efforts pour consolider la paix en nous employant en particulier à convaincre nos partenaires de l'Union européenne d'élargir le programme d'aide initialement destiné à l'autonomie palestinienne à l'ensemble des parties régionales.

Mais nous entendons aussi réaffirmer notre rôle politique, comme celui de nos partenaires européens, pour participer au règlement de paix global : nous nous fondons pour cela sur la qualité des relations que nous entretenons avec l'ensemble des Etats de la région.

Q : Depuis quelques années, la francophonie est à la mode en France. Pourtant, le français perd du terrain partout dans le monde, spécialement au Proche-Orient. La gestion de son passé culturel prestigieux est-elle une politique suffisamment offensive ?

R : En Egypte, 60 000 élèves sont scolarisés dans des écoles où le français est langue d'enseignement et deux millions et demi l'apprennent comme langue étrangère : ces chiffres sont en progression et, dans quelques jours, deux nouvelles écoles pilotes de langue française seront ouvertes, à Alexandrie et à Assouan. Des filières francophones existent aussi dans l'enseignement supérieur, en droit international des affaires et en communication à l'université du Caire, en commerce international et gestion d'entreprise à l'université d'Ain Shams. Une nouvelle filière sera ouverte cette année à l'université du Caire dans le domaine des sciences politiques.

Dans le monde, les organisations francophones accueillent déjà plus de quarante pays appartenant à tous les continents et d'autres ont posé leur candidature. Votre pays est un membre actif des instances de la francophonie et cette solidarité culturelle nous rapproche encore. Les conférences de chefs d'Etat et de gouvernement qui les rassemblent tous les deux ans trouvent des relais dans des réunions à niveau ministériel comme celle des ministres de la justice que l'Egypte accueillera au printemps prochain. Ces rencontres permettent d'adopter des programmes de coopération qui sont ensuite mis en oeuvre par des organisations spécialisées, parmi lesquelles figure l'université Senghor située à Alexandrie.

Je voudrais aussi citer votre compatriote Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général des Nations unies, dont l'attachement au français est connu et qui a récemment déclaré qu'une langue est universelle lorsqu'elle véhicule des valeurs dans lesquelles peuvent se reconnaître tous les peuples de la planète.

Quel meilleur signe, enfin, de vitalité de la francophonie, notamment au Proche-Orient et en Egypte, que la création par le groupe « Al Ahram » d'un supplément hebdomadaire en français ? Permettez-moi de saluer cette décision qui montre bien la permanence d'un public francophone dans votre pays, qui compte déjà plusieurs autres publications en langue française.

Q : Algérie, Proche-Orient, francophonie : autant de points sur lesquels la France semble affaiblir ses positions. A-t-elle encore les moyens de jouer un rôle diplomatique dans le monde arabe ?

R : Plus que jamais, comme l'actualité le fait aisément comprendre, au Maghreb et au Proche-Orient, la France ressent la nécessité d'intensifier son rôle diplomatique dans le monde arabe, du fait de la géographie et des liens tissés par l'histoire.

Elle le fait en développant ses relations avec chacun des pays de cette région – qui est aussi la frontière sud de l'Europe, comme le rappelait récemment M. Oussama El-Baz, conseiller diplomatique du président Moubarak – sur les plans économique et culturel, dans le respect de nos valeurs réciproques et de nos civilisations comme de nos religions.

Les évolutions récentes du monde méditerranéen arabe conduisent la France à développer sa coopération culturelle, scientifique et technique avec des pays où la francophonie, comme vous le faites remarquer, est souvent présente. De ce point de vue, notre politique est marquée par un dynamisme qu'atteste bien le volume des moyens mis à la disposition de cette région.

Au-delà de ces relations culturelles, nous prenons en compte également la très large interdépendance de nos économies, dont témoigne l'intensité de nos échanges commerciaux.

Chacun reconnaît depuis longtemps le rôle joué par la France pour faire respecter et progresser les droits de l'homme et la démocratie partout dans le monde. Nous entendons donc que les évolutions actuelles vers la paix s'accompagnent de semblables progrès dans le respect des droits fondamentaux.

C'est dans le domaine politique que la France entend affirmer le mieux sa volonté pour qu'au Maghreb ou au Moyen-Orient, la légalité internationale soit scrupuleusement respectée et que la paix puisse s'établir sur cette rive de la Méditerranée.

Nous nous efforcerons à cet égard de renforcer toutes les formes de coopération régionale en Méditerranée qui pourraient contribuer à la stabilité et à la paix de la région.

Q : Au début du mois de juillet, vous participerez au forum de la Méditerranée à Alexandrie. Ne pensez-vous pas qu'au vu du passé et des intérêts communs, les pays du bassin méditerranéen devraient resserrer leur lien en allant jusqu'à la création d'une entité politique et/ou économique ?

R : Le forum méditerranéen, qui, comme je viens de le rappeler, est au départ une initiative égyptienne reprise et soutenue par la France, s'est réuni pour la première fois à Alexandrie les 3 et 4 juillet derniers. Cet exercice, auquel participaient 10 pays riverains de la Méditerranée (Portugal, Espagne, France, Italie, Grèce, Turquie, Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte), a reçu un accueil très favorable et a suscité de nombreuses candidatures, dont celle de Malte, qui a été retenue.

Le forum répond incontestablement à la nécessité de combler un certain « déficit de communication » et – comme son nom l'indique – d'instaurer un véritable dialogue entre les deux rives. La Méditerranée est déjà une entité géopolitique et une réalité historique. Il s'agit aujourd'hui de désamorcer les crises et de privilégier une solidarité de fait, de « resserrer les liens » comme vous dites, par l'amélioration et le renforcement des structures et cadres de coopération et de partenariat déjà existants. Sur le plan économique, la négociation d'accords avec l'Union européenne est certainement l'une des voies les plus prometteuses. Dans les domaines politique et culturel, seule une volonté commune de dialogue sincère peut montrer que la Méditerranée n'est pas une arène vers laquelle convergeraient des mondes contraires, ou le champ de fuite de communautés en mal d'identité au Nord comme au Sud, mais répond bien à sa vocation historique d'être un carrefour de continents et un trait d'union entre cultures.

Dans cet esprit, je crois que le caractère informel du forum est un gage d'efficacité et de progrès pour l'avenir. Ses travaux vont se poursuivre avec la constitution de groupes de travail sur les trois volets politique, économique et culturel. Ceci permettra de réfléchir ensemble sur des sujets de préoccupation commune, qu'il s'agisse de la stabilité de la région, de l'islamisme, du respect des droits de l'homme, de l'accès aux marchés, des transferts de technologie, de la protection de l'environnement, de la coopération interuniversitaire ou des échanges culturels. Une réunion des hauts fonctionnaires se tiendra à la fin de l'année au Portugal, qui sera vraisemblablement amenée à faire des suggestions concrètes. La France accueillera ensuite, au deuxième trimestre 1995, la deuxième réunion ministérielle du forum, dans une ville méditerranéenne.