Texte intégral
Monsieur le Président,
Messieurs les Préfets,
Monsieur le Député-Maire de Lyon,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Consuls,
Monsieur le Gouverneur Militaire,
Monsieur le Général commandant la région de gendarmerie Méditerranée,
Messieurs les Hauts Magistrats,
Mesdames et Messieurs les Élus,
Monsieur le Secrétaire Général d'Interpol,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un grand honneur d'inaugurer, en présence de M. le Professeur Zanghi, Président d'Intercenter, ce 16ème Cours International de Haute Spécialisation pour les Forces de Police.
Je voudrais d'abord saluer les membres des délégations de tous les pays qui ont répondu à mon invitation à participer à cette manifestation. Vous êtes venus nombreux et souvent de très loin, marquant ainsi votre confiance en la France et en ses capacités d'accueil et d'organisation d'un séjour que vous souhaitez enrichissant au plan professionnel. Au nom du Gouvernement je tiens à vous souhaiter la bienvenue sur le sol français et à vous exprimer mes remerciements chaleureux pour votre présence à ce congrès. Vous êtes ici en quelque sorte les ambassadeurs de vos pays respectifs ; c'est pourquoi je vous demande d'être mon interprète auprès des autorités dont vous dépendez pour leur transmettre mon message de sympathie.
La France a une vocation historique à accueillir les débats et les échanges sur la sécurité car elle est la patrie des droits de l'homme. "Les droits imprescriptibles de l'homme sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression" dit l'article 2 de la déclaration de 1789. Contrairement à ce que voudraient nous faire croire ceux qui ont perdu le sens républicain, il n'est pas de droits de l'homme sans sécurité et il n'est pas de liberté sans sécurité.
Où est la liberté quand on ne peut aller et venir sereinement dans son quartier ? Où est la liberté quand on est inquiet pour ses enfants victimes des trafiquants de drogue ou des racketteurs ? Où est la liberté quand on est agressé parce qu'on est une personne sans défense ? Non, il n'est pas de liberté dans une société laissée à la loi des voyous, et dans une telle société où le respect d'autrui est remplacé par l'intimidation brutale, il n'y a plus de dignité.
Je le dis avec gravité : ceux qui au nom des droits de l'homme attaquent l'action de la police, défendent l'impunité des casseurs, des braqueurs et des dealers mesurent-ils leur reniement du vrai sens de ces droits de l'homme, sont-ils conscients d'être les fossoyeurs de la République ? En ce qui me concerne, il m'appartient de défendre cette République, de défendre ces droits, de protéger les droits des honnêtes gens. L'enjeu est formidable. Veut-on faire croire que la République est un régime d'impuissance ou veut-on lui garantir les moyens de défendre les citoyens ? Pour moi la réponse est claire et je ne laisserai pas bafouer ce fondement de la démocratie.
Je tiens en second lieu à dire au Président Zanghi tout le plaisir que j'ai de retrouver aujourd'hui à mes côtés les responsables d'Intercenter qui ont créé, il y a 17 ans, ce cours international destiné à la formation des fonctionnaires supérieurs de police. Ils ont ainsi fait œuvre de pionniers car il n'existait à travers le monde aucune structure de ce type réunissant chaque année des responsables policiers invités à réfléchir aux aspects les plus importants de leur métier et aux difficultés de leurs missions.
Parce qu'Intercenter était une organisation non gouvernementale, elle a pu fonder une communauté policière internationale en réunissant autour de la même table, des représentants de pays au-delà des divergences diplomatiques entre nations.
Je tiens également à saluer amicalement MM. Barletta, Janssens et Cucchiara qui sont les pères fondateurs de ce Cours et avec lesquels nous avions déjà organisé, en 1987 à Paris, un congrès ouvert aux pays européens et africains qui avait connu un grand succès.
Est-il besoin de préciser, en présence des personnalités politiques et administratives de la Région Rhône-Alpes qui connaissent ses atouts, que ce n'est pas par hasard que j'ai choisi l'agglomération lyonnaise pour que s'y déroule cette manifestation policière.
Vous êtes ici à l'École Nationale Supérieure de Police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or qui depuis un demi-siècle forme les commissaires de police français chargés de concevoir l'action opérationnelle des forces de police et de commander celles-ci. C'est déjà un symbole.
Vous êtes aussi dans l'agglomération où se situe le siège d'Interpol qui, comme vous le savez, est l'organisation internationale de police criminelle fondée en 1923 et qui regroupe actuellement 174 États membres qui ont accepté de coopérer à la lutte contre la criminalité. C'est un autre symbole.
Vous êtes enfin dans la seconde agglomération française où sont implantées d'importantes forces de police et de gendarmerie et où je compte transférer prochainement le siège de la Police Technique et Scientifique pour en faire un outil moderne et efficace au service des enquêteurs et des magistrats.
Pour toutes ces raisons Lyon est appelé à devenir un pôle national et international de référence pour tout ce qui touche à la sécurité. Je suis convaincu que ce congrès, par son rayonnement, va aussi y contribuer.
J'en viens alors au Congrès lui-même et au thème qui va être soumis à votre réflexion sous l'intitulé : "stratégie globale de la sécurité publique : gestion des crises".
Mon ministère l'a proposé en parfaite concertation avec Intercenter car il me paraît être au cœur des préoccupations des responsables de la sécurité de tous les pays. Jamais, en effet, les États n'ont disposé de moyens aussi sophistiqués pour assurer leur sécurité intérieure et jamais pourtant ils n'ont été aussi vulnérables devant certains événements. La difficulté s'est accrue avec l'exigence de plus en plus forte des citoyens d'être protégés contre tous les risques de la vie sociale et de disposer d'un véritable droit à la sécurité. Qui plus est, les mêmes citoyens exigent la transparence dans les méthodes et les moyens employés pour assurer leur sécurité et revendiquent le droit d'être informés.
Dans une société complexe, technologiquement sophistiquée et socialement fragmentée, la gestion des crises est périlleuse. Elle est également difficile car elle mobilise fréquemment de multiples services de l'État, ainsi que ceux des collectivités locales et des associations. Or, chaque service se dote d'une technique pointue, d'une culture spécialisée pour répondre à la complexité des situations qu'il affronte quotidiennement. Il faut donc que ces spécialistes aux domaines d'excellence différents aient des cultures communes pour la bonne gestion des crises et cela n'a rien d'évident.
J'ai demandé au ministère de l'Intérieur et aux Préfets d'accentuer cette préparation à la gestion des crises afin que nous disposions d'outils pratiques, de guides du comportement des responsables en de telles situations. Je résumerai ainsi les lignes de force qui s'imposent à eux en cas de crises conflictuelles comme le sont celles de la sécurité publique.
1. Vous devez vous préparer à la crise, comme les militaires se préparent à la guerre, sans pour autant la souhaiter, et pour ce faire il vous appartient de développer une véritable culture de crise :
- en évaluant au mieux toutes les menaces latentes qui peuvent surgir brusquement dans le champ de vos attributions et en cultivant à cette fin le sens de la recherche du renseignement ;
- en vous donnant les moyens matériels et humains pour y faire face et en les planifiant méthodiquement ;
- en formant rigoureusement vos personnels pour les préparer à affronter le temps de crise et développer chez eux l'état de veille permanent.
Cette culture doit être compatible, comme on le dit en matière informatique, avec celle des autres services appelés à intervenir.
2. Lorsque survient la crise vous devez impérativement réagir, ne pas subir, savoir vous organiser. C'est tout l'art de la mise sur pied et du pilotage des cellules de crise.
À cette occasion on attendra de vous le sang-froid, la clairvoyance, l'esprit de décision, le sens de la négociation, et aussi le goût de la communication pour exposer aux médias et à la population le sens de votre action et dissiper d'éventuels malentendus. La crise contemporaine a toujours deux fronts : le front opérationnel et le front médiatique. La crise n'est surmontée que si les deux fronts sont tenus conjointement.
3. Lorsque les événements auront pris fin, vous devrez savoir gérer l'après-crise avec toutes les conséquences qui ont pu en résulter pour votre personnel, pour la population, pour les victimes proprement dites, sans oublier l'adversaire qui dans une crise de sécurité publique, aussi intense qu'elle ait pu être, reste un citoyen qu'il faut réintégrer dans le corps social.
En ce qui concerne les victimes, je dirai qu'elles ont évidemment droit à notre plus grande sollicitude, tant durant le déroulement de la crise qu'après son achèvement. Si je me réfère aux victimes d'attentat notamment, il est aisé de se représenter le degré de souffrance, le sentiment d'injustice et la sensation d'absurdité qu'elles peuvent éprouver devant le sort qui vient de les atteindre. Un État responsable, un État qui se respecte, se doit d'être solidaire avec elles et cette solidarité ne doit pas s'exprimer uniquement au plan matériel mais aussi dans le domaine de la réparation morale des violences subies. La dignité d'une nation c'est, en effet, de ne jamais oublier les agressions odieuses qui ont été commises contre ses ressortissants. Elle doit avoir une très longue mémoire. C'est dans cet esprit d'ailleurs que je me suis donné récemment les moyens de livrer à la justice française un individu qui pensait avoir semé la terreur sur notre sol, en toute impunité, en s'en prenant à d'innocentes victimes. Les terroristes apatrides n'insultent pas impunément la mémoire d'une nation millénaire.
En ce qui concerne les délinquants auxquels nous avons généralement à faire face dans les crises de sécurité publique, ils ne sauraient le plus souvent disparaître du champ de nos préoccupations, au prétexte que la crise serait maîtrisée.
Ces crises urbaines sont le fait d'une minorité d'individus qui viennent accroître les difficultés de vie de populations pauvres car l'insécurité c'est une inégalité de plus.
Je pense à ce sujet à toutes les violences sporadiques qui viennent troubler périodiquement certaines de nos banlieues. Il existe aussi à leur égard une véritable gestion humaine de l'après-crise, où parallèlement à un impérieux devoir de fermeté, notre sens du dialogue, notre humanité doivent s'exercer à travers ce que nous appelons une "politique de la ville" à laquelle nous devons nécessairement contribuer pour maintenir la paix publique et rétablir l'harmonie sociale. Je pense que l'analyse des événements survenus à Los Angeles en 1992, qui est inscrite à votre programme, sera très éclairante en ce qui concerne le comportement qui est attendu des forces de sécurité.
Cette exceptionnelle rencontre qui rassemble ici des représentants de tant de pays différents par leur situation géographique, leurs traditions, leur économie, leurs mœurs politiques, leurs institutions, me donne cependant l'occasion de faire appel à la solidarité internationale.
Je sais bien que contrairement aux crises de sécurité civile qui permettent de développer une large coopération au plan humanitaire, les événements liés à la sécurité publique sont du domaine exclusif de la souveraineté nationale. Chaque État doit donc compter sur lui-même pour y faire face, selon son ordre juridique interne et selon les moyens propres dont il dispose.
Il n'empêche qu'une organisation internationale comme I'OIPC-Interpol a déjà ouvert la voie à la traque des criminels de droit commun où qu'ils se trouvent pourvu que ce soit dans un État adhérent à sa charte.
Plus récemment, des accords régionaux ou bilatéraux ont été signés entre la France et des pays d'Europe ou d'autres continents, en matière de lutte contre la drogue et de lutte contre le terrorisme notamment et des officiers de liaison ont été échangés avec ces pays pour favoriser la coopération et les échanges de renseignements opérationnels.
En outre, depuis le 1er janvier 1995, Europol a pris son envol en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, en attendant de s'étendre à d'autres spécialités criminelles.
Il me paraît donc capital que cette coopération internationale se développe, notamment dans la lutte contre la menace terroriste, entre tous les pays qui partagent les mêmes valeurs et ont en fin de compte les mêmes intérêts. Je souhaite ardemment une convergence de nos analyses sur la gravité des menaces qui pèsent également, malgré nos différences nationales, sur notre civilisation.
De cette ville de Lyon, symbole de la coopération la plus avancée avec ce phare mondial que constitue Interpol, de cette École Nationale de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or qui a formé de nombreuses générations de commissaires français mais également de commissaires de pays amis avec lesquels la France entretient d'étroites relations l'entremise de son Service de Coopération International de Police implanté dans 45 pays, je dis ouvertement que tous les pays de bonne volonté qui adhèrent aux normes reconnues de la civilisation universelle, collaborent loyalement pour faire reculer le crime et les actes qui portent atteinte à la dignité et à l'intégrité des personnes.
Vous êtes des techniciens supérieurs de la sécurité, mettez à profit ce congrès qui vous réunit pour une réflexion sur un thème essentiel, afin de mieux vous connaître et de mieux vous apprécier. Ce ne serait pas la première fois que l'approche technique d'un problème commun à tous, ouvrirait la voie à un approfondissement sur le plan politique et viendrait élargir l'horizon de la coopération.
En remerciant les conférenciers qui ont accepté de faire partager leur savoir ou leur expérience aux auditeurs de ce cours, je souhaite à tous un Congrès animé, et riche d'enseignements. Je sais aussi que leur séjour sera agréable dans cette belle région lyonnaise qui constitue l'un des fleurons de notre patrimoine historique et de notre vitalité économique.