Texte intégral
Le Parisien : Lors de votre intervention, vous avez paru particulièrement préoccupé par le problème des paradis fiscaux. Pourquoi ?
Pierre Méhaignerie : Le problème des paradis fiscaux n'est pas la seule question qui se pose. lors de celle conférence, mais c'est un problème central. Si l'on veut atteindre au cœur la criminalité organisée à l'échelle internationale, c'est contre ce problème que nous devons lutter en priorité. C'est d'abord une question d'efficacité. Comment, en effet, combattre les mafias qui multiplient les trafics, la drogue, les voitures volées, les armes et maintenant les matières radioactives ou les organes humains sans se poser le problème du recyclage de l'argent sale engendré par ces différentes activités.
Le Parisien : Quelle efficacité peut-on attendre de l'ONU sur cette question précise ?
Pierre Méhaignerie : L'ONU peut être efficace à plusieurs niveaux. D'abord, cette organisation peut servir d'aiguillon politique. Nous l'avons bien vu quand il s'agissait de lutter contre les pays suspectés de soutenir des organisations terroristes. L'ONU peut faire pression, peut permettre d'identifier précisément le pays concernés et peut éventuellement, à terme, mettre en place les conditions de leur isolement. Par l'ONU peut faciliter l'échange d'informations entre les différents pays et peser de tout son poids pour accélérer l'harmonisation des différentes législations.
Le Parisien : On ne peut pourtant pas tout attendre de l'ONU ?
Pierre Méhaignerie : C'est exact. Et je, crois que les mesures les plus concrètes doivent d'abord être prises au niveau de chaque région du monde. Pour nous, au niveau européen, il nous faut déjà développer notre système de coopération comme nous avons commencé à le faire. Ainsi, la France a multiplié l'implantation de magistrats de liaison qui facilitent la collaboration contre le crime. Un juge est en poste en Italie, un autre aux Pays-Bas, en Espagne, en Allemagne et d'autres seront bientôt nommés, aux États-Unis par exemple.
Le Parisien : Ne craignez-vous pas que la démocratie naissante soit menacée dans les ex-pays du bloc soviétique par l'invasion de grattent sage ?
Pierre Méhaignerie : C'est un danger réel. Il nous faut donc les aider à mettre en place les outils juridiques nécessaires à la lutte contre les mafias Et puis, bien évidemment, les aider à passer les caps difficiles Cela peut se traduire par des aides financières qui éviteraient la tentation de recourir aux fonds internationaux provenant de différents trafics.
Le Parisien : Les vieilles démocraties européennes peuvent-elles être menacées par l'extension des activités des différentes mafias ?
Pierre Méhaignerie : Ce matin, dans un journal anglo-saxon, j’ai découvert quatre publicités pour des placements offshores et des investissements dans des paradis fiscaux. L'existence de tels systèmes peut déjà entraîner une perte de confiance de nos citoyens dans nus institutions, Une perte de confiance dans l'égalité face aux lois et dans un développement du sentiment d'insécurité. C'est un problème grave. Et tous les gouvernements européens en ont conscience. Ils ont d'ailleurs fait de ce combat une priorité au même titre que la lutte contre le chômage. Notre résolution dans ce domaine est donc essentielle. Je note, à ce sujet, que la présence de plus de cent quarante pays à cette conférence sur le crime organisé est un facteur positif qui démontre une prise de conscience généralisée et un engagement à se donner les moyens du combat.