Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un très grand intérêt que je viens ici pour m'associer à vos réflexions car je connais et j'apprécie votre vaste expérience dans le champ des idées, et votre capacité à les mettre en œuvre.
Ainsi, je tiens à vous remercier vivement pour votre invitation, puisque le débat que vous tenez aujourd'hui est au centre des réflexions, des décisions et des actions du ministre de la Santé.
Certes, l'affirmation de la primauté de la personne humaine, la défense de son intégrité, de sa liberté, la juste appréciation des droits et des devoirs de chacun dans la société, n'est pas l'apanage du ministre de la Santé.
Mais il est clair que les questions touchant à la santé de l'homme viennent aujourd'hui au cœur des préoccupations de notre société.
La pratique de la médecine a longtemps été mêlée par l'homme à la pratique du sacré, c'est-à-dire à l'idée que l'homme s'est forgé du monde et de son au-delà, à l'idée qu'il se faisait de Dieu. Car il voyait, dans les maux qui accablent sa chair, et qui finissent, toujours, par avoir raison de lui, la marque d'un destin issu d'une volonté invincible, surnaturelle et qui le dépasse. Observons que son rationalisme ne l'a affranchi que récemment du surnaturel dans sa compréhension des maladies et de leur déterminisme.
Nous avons, certes, beaucoup ri des explications maladroites et embrouillées des médecins de Molière ; pourtant elles déjà une tentative de représentaient déjà rationalisation, qui favorisera la naissance de la clinique moderne, comme le remarquait Michel Foucault. Il fallut probablement la conjonction des acquis scientifiques sur la matière de Lavoisier et de ses pairs avec la transformation radicale de la société pour que l'homme puisse enfin décrire et classer ses maux avec le recul de l'observation rationnelle et objective.
La médecine fut aussi marquée par ses relations souvent intimes avec le pouvoir politique. En s'affranchissant du sacré, la pratique médicale s'affranchissait sans doute aussi de ces relations originellement ambiguës avec le pouvoir.
L'irruption brusque de la science et des techniques a fait du XXème siècle l'instant du miracle médical : l'homme peut enfin s'affranchir des maux qui l'accablent : la fée scientifique n'est que beauté et n'a que bontés pour la médecine : il reste au politique à organiser, sans dilemme, l'appareil de soins.
Cette béatitude n'aura, Mesdames et Messieurs, vous le savez, duré qu'un bref instant. Car aujourd'hui, à la veille du 3ème millénaire la médecine se trouve bel et bien confrontée à la morale.
L'homme, en conquérant le Graal, a en effet soulevé pour lui-même les plus grands espoirs et, du même mouvement, les plus grandes craintes.
Il a appris à remplacer un organe défaillant en surmontant le barrage de l'individualité biologique. Il a appris à féconder artificiellement, en fusionnant les gamètes hors de son corps et à produire et conserver des embryons.
Il a compris le message héréditaire et a appris à le modifier.
Les bénéfices sont considérables pour la santé et le bien-être de l'homme; et ils seront plus grands encore demain.