Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Mes chers compatriotes,
Pour cette première visite officielle à Lisbonne, mon épouse et moi-même avons souhaité vous rencontrer et je voudrais, sans attendre, vous remercier, de vous être libérés de bon matin et d'avoir répondu à notre invitation dans ce palais, qui est l'une des plus belles ambassades de France dans le monde.
Si j'ai tenu à commencer ma journée de travail par cette rencontre, c'est pour vous témoigner toute l'importance que la France attache à votre présence au Portugal. J'ajouterai bien sûr le plaisir de faire la connaissance, tout à l'heure autour d'un café, d'une des plus anciennes communautés expatriées qui perpétue – à travers des institutions bien vivantes comme l'Église Saint-Louis des Français et la Société de bienfaisance – les traditions d'entraide et de solidarité de nos premiers compatriotes, venus s'établir sur les rives du Tage, où ils ont constitué dès le début du XVe siècle ce que l'on a appelé la "nation française de Lisbonne".
Vous savez tous qu'il y a entre le Portugal et la France, entre nos deux peuples, entre nos deux pays, un tissu très remarquable de liens historiques, culturels, humains et économiques. Aujourd'hui, nos rapports sont excellents, tant sur le plan bilatéral qu'au sein de l'Union européenne, et nous attachons bien sûr, à Paris, un très grand prix à cette amitié.
D'abord, dans les domaines économiques et commerciaux, que beaucoup d'entre vous connaissent très directement. L'entrée du Portugal il y a presque dix ans dans la Communauté européenne a donné un véritable coup de fouet à nos échanges qui ont plus que doublé depuis 1986. Partenariats industriels, grands contrats, courants réguliers d'affaires, nous ont placés aux tout premiers rangs des clients, des fournisseurs, des investisseurs. Avec l'accroissement des fonds communautaires, des perspectives nouvelles s'offrent encore. C'est une puissante incitation pour les entreprises qui sont déjà présentes ici à développer leurs implantations et pour d'autres à suivre leur exemple, même si la compétition internationale, comme partout, est désormais plus rude.
Le tableau culturel et linguistique, auquel j'attache une particulière importance, est en revanche un peu plus contrasté. L'attrait pour notre culture demeure ici très réel, comme le soulignent notre présence très active dans les manifestations de "Lisbonne 94, capitale européenne de la culture", ou encore, et je le constate dans tous mes entretiens, notamment avec mon homologue, José Barroso, la francophonie de très nombreuses élites portugaises.
Mais depuis vingt ans, les choses se sont un peu détériorées. Il ne faut pas baisser les bras et l'un des axes de notre politique est d'essayer de redonner ici à notre langue toute sa place et tout son dynamisme. C'est précisément le sens de l'importante restructuration de notre dispositif culturel, que j'ai engagé depuis quelques semaines et ici, au Portugal, depuis le 1er septembre. L'ensemble des services – culturel, scientifique, linguistique et éducatif – et la direction de l'Alliance française sont désormais regroupés dans les locaux de l'Institut franco-portugais et animés par notre conseiller culturel. L'Institut se consacrera désormais à l'action culturelle tandis que l'Alliance française, qui dispose en ce pays du premier réseau européen, est chargée de l'enseignement du français, y compris dans les entreprises. Enfin, un véritable centre de documentation sur la France va fusionner les ressources jusque-là dispersées dans diverses institutions. Je sais que toute réforme provoque inquiétude et réticence, mais d'après les quelques entretiens que j'ai pu avoir sur ce sujet depuis hier soir, je crois que nos intentions sont bien comprises. Je fonde en tout cas, en ce qui me concerne, beaucoup d'espoirs sur cette réforme, qui n'a que peu d'équivalent par son ampleur, pour redresser la situation de notre langue et de notre culture.
Je ne voudrais pas omettre la dimension politique des relations franco-portugaises. Dans de nombreux domaines, je le constate depuis un an et demi et notamment autour de la table à Bruxelles, les intérêts de la France et les intérêts du Portugal se rejoignent. Nous avons apprécié dans cet esprit la solidarité du Portugal lors des négociations du GATT – où nous nous sommes retrouvés côte à côte ; et, tout récemment encore, lorsque nous avons lancé l'opération Turquoise, le Portugal a immédiatement et dans un climat de solidarité et d'amitié, apporté sa contribution à cette intervention. Mais, c'est bien entendu dans la nouvelle étape de la construction de l'Europe de demain, qui va s'engager d'ici la fin du siècle que le Portugal est un partenaire très proche de notre pays, sans oublier bien sûr nos préoccupations méditerranéennes et africaines communes. Ce seront d'ailleurs les thèmes de l'entretien que j'aurai tout à l'heure avec mon collègue des Affaires étrangères et, en fin de matinée, avec le Premier ministre Cavaco Silva.
Pour développer davantage encore ces relations, cette coopération, cette amitié, qui sont fortes et étroites entre la France et le Portugal, nous avons évidemment besoin de vous, de vous tous.
Je pense à ceux qui sont installés ici depuis des générations et qui, bien que complètement intégrés dans ce pays, conservent avec la mère-patrie des liens de fidélité exemplaires. Il y a aussi ceux qui sont venus dans le sillage de l'ouverture du Portugal à l'Europe et de la modernisation de son économie, plus nombreux encore. Il y a ceux, que l'on ne compte plus, double-nationaux franco-portugais issus du vaste mouvement d'émigration portugaise vers la France et qui préfigurent en quelque sorte déjà le citoyen européen de demain. Bref, il n'y a pas aujourd'hui de secteurs de la vie sociale et économique où l'on ne trouve des Français. Je sais que vous êtes à l'aise au Portugal et on me dit même que beaucoup d'entre vous ont choisi d'y prendre leur retraite, ce qui est bon signe.
Des problèmes subsistent, ici comme ailleurs, j'en ai bien conscience : celui de la scolarisation et des bourses notamment, problèmes qui ne sont pas spécifiques au Portugal, mais qu'on retrouve ici. À cet égard, j'ai annoncé la semaine dernière au Conseil supérieur des Français de l'étranger qu'après la majoration très substantielle des crédits de bourse en 1994 – plus 20 %, un effort très significatif –pratiquement une majoration de 40 % – figurera dans le budget de l'année prochaine afin de mieux prendre en compte les difficultés économiques rencontrées par les expatriés et l'augmentation des frais de scolarité. Grâce à cet effort budgétaire, nous pourrons porter le nombre de bourses attribuées aux familles françaises dans nos établissements à l'étranger, de 14 000 à 18 000 l'année prochaine, ce qui, je le répète, est un effort tout à fait significatif Il en va de même des crédits sociaux dont l'augmentation a permis de revaloriser l'allocation de solidarité, dont ont besoin beaucoup de nos compatriotes car, contrairement à une image trop souvent répandue en France, tous nos expatriés ne bénéficient pas d'une situation matérielle florissante.
Vous voyez donc que nous pensons à vous et que le sort de nos compatriotes français reste au cœur des préoccupations de mon ministère. C'est sa responsabilité et il essaye de s'y consacrer avec ténacité.
Permettez-moi de conclure simplement, d'abord en remerciant notre ambassadeur et son épouse de nous accueillir ici dans ce superbe jardin, et de vous exprimer à toutes et à tous la reconnaissance du gouvernement français pour ce que vous faites, que vous soyez chefs ou cadres d'entreprises, que vous exerciez des professions libérales ou indépendantes, que vous soyez fonctionnaires de l'ambassade ou des deux consulats généraux, enseignants, que vous soyez engagés dans la vie associative et communautaire. Quel que soient votre place et votre rôle, vous êtes ici la France au Portugal. Et c'est donc à vous plus qu'à quiconque que je peux dire, sous ce beau soleil de septembre : vive l'amitié franco-portugaise ! Vive le Portugal ! Vive la France !