Texte intégral
Jean-Loup Reverier : L’accord de Nouméa du 21 avril sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie peut être diversement interprété. Le FLNKS y voit un pas décisif vers « l’accession progressive et irréversible à la pleine souveraineté ». Cela vous inquiète-t-il ?
Jean-Jack Queyranne : Cet accord prévoit pour la Nouvelle Calédonie vingt années de développement et de paix. À leur terme, les Calédoniens décideront. Vingt ans, c’est le temps d’une génération. Celle-ci aura à construire le pays. La vision du FLNKS reste l’indépendance et celle du RPCR le maintien dans la République française. Personne ne leur a demandé de se renier. L’important est qu’ils aient choisi de continuer à cheminer ensemble.
Jean-Loup Reverier : Des personnalités tel le général Franceschi (1) et le Front national dénoncent cet accord, car, pour eux aussi, il débouchera sur l’indépendance.
Jean-Jack Queyranne : Il y a toujours des nostalgiques de l’empire français. Mais le FN est aujourd’hui quasiment le seul opposant à cette évolution : à l’Assemblée nationale, le texte a été voté à une écrasante majorité (490 voix pour, 13 voix contre) ; ce qui montre bien l’isolement de cette vision totalement passéiste.
Jean-Loup Reverier : L’accord agite les esprits, outre-mer. Jacques Chirac lui-même a demandé pour la Polynésie la même évolution institutionnelle…
Jean-Jack Queyranne : On ne peut pas dupliquer cet accord à toutes les situations outre-mer. Pour la Polynésie, qui bénéficie depuis 1996 d’un statut d’autonomie, les dispositions de l’accord qui ne s’y appliquent pas aujourd’hui pourront faire l’objet d’une révision constitutionnelle. Pour les départements d’outre-mer, la Constitution – dans son article 73 – prévoit des possibilités d’adaptation. Une évolution peut être envisagée en tenant compte de la situation de chaque département. Il faut s’engager dans cette voie, qui marque une nouvelle étape. 1848, c’était l’abolition de l’esclavage. 1946, le principe d’égalité entre les départements d’outre-mer et ceux de métropole. Les prochaines années doivent être celles de l’identité et de la responsabilité.
Jean-Loup Reverier : Allez-vous satisfaire la revendication de certains départements qui réclament une Assemblée unique ?
Jean-Jack Queyranne : Cette revendication n’est pas générale. Dans un premier temps, on peut envisager que se tiennent des réunions communes entre l’Assemblée régionale et le conseil général. En 1982, le Conseil constitutionnel avait refusé l’Assemblée unique. Mais il est vrai que, dans ces régions-départements, la superposition sur le même territoire de deux Assemblées se traduit par des conflits de compétences et une certaine incompréhension. Il faut aller vers une simplification sans privilégier un modèle unique.
(1) « La démocratie massacrée », de Michel Franceschi (Pygmalion, 436 p)