Interviews de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, dans "National hebdo" du 12 mai et à France-Inter le 13 mai 1994, sur l'Europe et les enjeux des élections européennes pour le Front national.

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Média : National Hebdo - France Inter

Texte intégral

Le Pen : "Ma vérité sur l'Europe"

Après le coup d'envoi D'Oignies, Jean-Marie Le Pen a poursuivi son tour de France des européennes par une visite en Lorraine, à Metz. Après les marchés du Nord, les marchés de l'Est, terres de courage qui ont tant de fois manifesté la volonté du pays de ne pas disparaître. Berceau de Jeanne d'Arc, des Guise, de Barrès, la Lorraine, qui tient son nom de Lothaire, sait qu'elle est un lieu de passage et de rencontre, mais aussi une frontière : elle est à la fois le cœur de l'Europe et l'armure de la France. La Moselle, en particulier, sans nulle xénophobie (qui ne connaît la Moselle, ignore ce qu'est la douceur de vivre, malgré les difficultés sociales et les rigueurs du climat), la Moselle sait ce qu'elle doit à ses voisins sarrois, belges ou luxembourgeois, mais elle connaît aussi les deux menaces qui pèsent sur elle : l'immigration et le libre-échangisme maastrichtien, deux pinces tiers-mondistes qui prennent la nation en tenaille. La Moselle ne veut pas devenir un cimetière de hauts fourneaux sillonné de drôles de Schtroumpfs venus d'outre-Méditerranée. C'est ce décor que Jean-Marie Le Pen, dont "l'Heure de vérité" vient d'être supprimée sur instruction politique au mépris de toute équité, a choisi pour dire sa vérité sur l'Europe, à un mois de l'élection.

National Hebdo : Vous dénoncez à juste titre les rodomontades de "Nanardin de Tarascon" ; comment voyez-vous la liste Tapie ?

Jean-Marie Le Pen : La liste Tapie est à la gauche ce que la liste de Villiers est à la majorité parlementaire. Des listes "voiture-balai", destinées à ramasser les voix qui délaissent l'UPF ou le PS, afin d'éviter qu'elles ne se fixent sur la liste du Front national. Ce sont aussi des listes d'aventuriers. Enfin, elles ont pour fonction de maintenir l'agitation médiatique, de fixer l'attention des Français.

National Hebdo : Et la liste Baudis, avec la personnalité troublante d'Hélène Carrière d'Encausse ?

Jean-Marie Le Pen : J'avoue ne pas bien comprendre que le RPR fasse d'elle son premier représentant ; cela montre à mon avis sa volonté de se défausser en la matière ; cela d'autant plus que la majorité de l'électorat du RPR, de notoriété publique, reste anti-maastrichtienne, mais peut-être ne restera-t-il pas RPR ad vitam aeternam. J'ajoute que pour bien comprendre la composition des listes, il faut envisager les idées et les intérêts sous-jacents, tous orientés vers la présidentielle. On assiste à des manœuvres et à des placements dans cette perspective.

National Hebdo : Le FN est, au fond, avec Chevènement, le seul mouvement qui fait sa campagne sur le fond, c'est-à-dire ce que doit être l'Europe, et quelle doit y être la place de la France ?

Jean-Marie Le Pen : Toutes les autres listes en effet entretiennent le flou sur le processus qui pousse la France hors d'elle-même vers l'européisme et le mondialisme. On endort le patient sans être sûr qu'il se réveillera. C'est un assassinat subreptice, une euthanasie de la Nation sans consultation préalable, car il est certain aujourd'hui que si l'on consultait réellement les peuples européens sur l'Europe de Maastricht où on les mène sous anesthésie, la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne voteraient non.

National Hebdo : En dix ans de Parlement européen, à Strasbourg et Bruxelles, qu'avez-vous appris de concret sur la pratique de la CEE ?

Jean-Marie Le Pen : Sous couleur de respecter le traité de Rome, puis ouvertement depuis l'Acte unique, la Communauté européenne a démantelé les quelques politiques qui pouvaient présenter des avantages pour les nations qui la composent, a renié son principe fondateur, qui est la préférence communautaire, et glissé, sous le drapeau du fédéralisme, vers un "machin" ouvert à tous les vents mondialistes, et donc à toutes les agressions économiques, démographiques, sociales et culturelles qui menacent son identité et sa prospérité. Conséquence : la France subit plus douloureusement que d'autres le choc du chômage, et cela va s'aggraver en 1996 quand il faudra supporter la concurrence d'une Allemagne de l'Est que notre propre argent aura contribué à rendre compétitive. Regardons l'avenir en face : dans ce contexte, il nous reste le choix entre l'Europe allemande ou le mondialisme. Je refuse cette alternative. Je préfère que la France conserve son indépendance nationale dans le cadre d'une confédération où l'Allemagne aura sa place en tant qu'amie et alliée.

National Hebdo : Les "Européens" que vous avez côtoyés à Bruxelles ou Strasbourg ne sont-ils pas divisés entre partisans de la Communauté fidèle au traité de Rome et les mondialistes férus de libre-échangisme ?

Jean-Marie Le Pen : Hélas non. Tous ont renié leur idéal. À l'exception du groupe des Droites européennes, tous les partis politiques acceptent la dérive mondialiste. Les conservateurs anglais, anti-thatchériens dans l'ensemble, et les gaullistes ont accepté de se fondre dans l'immense conglomérat démocrate-chrétien, le PPE. Certaines personnalités isolées nourrissent peut-être des regrets dans le secret de leur cœur mais nous ne pouvons compter sur l'appui d'aucune force organisée.

National Hebdo : Cette reddition se manifeste-t-elle dans le ton ou l'action du Parlement de Strasbourg ?

Jean-Marie Le Pen : Bien sûr. Vous avez noté les exclusives jetées par Michel Rocard, Laurent Fabius et d'autres contre la participation éventuelle de ministres MSI au gouvernement italien. Cette ingérence caractérisée, surprenante de la part des socialistes qui ont travaillé avec les communistes, préfigure de l'exclusion des nationaux du débat ultérieur à l'union européenne. Pour paraphraser Annie Kriegel, on peut voir là l'embryon d'une interpole de la pensée.

D'ores et déjà, le Parlement européen, pourri par l'idéologie mondialiste totalitaire, se situe plus à gauche que les opinions et les parlements nationaux. Et il exerce déjà une tyrannie intellectuelle qui se manifeste dans le traitement qu'il nous inflige au mépris de son propre règlement. Les libertés des députés sont réduites progressivement à la merci des deux grands blocs qui tiennent le Parlement européen : les sociaux-démocrates et les démocrates-chrétiens.

Cela s'est illustré dans les débats sur la levée de mon immunité parlementaire : au mépris du droit, de grands juristes ont tranché différemment pour des incriminations identiques suivant qu'ils avaient affaire à des politiquement correct ou des rebelles. Notre droit à ne pas être européiste a été sanctionné, sans égard pour le principe de libre expression. Progressivement, le règlement va vous interdire de déposer des amendements. Cet étouffement doit être mis en parallèle avec l'attitude des médias : la désinformation et le silence deviennent des procédés de gouvernement admis. Pas de droits de l'homme pour les ennemis du mondialisme.

National Hebdo : Certains affirment que l'Europe fédérale sera plus puissante, plus efficace, plus indépendante dans sa politique étrangère.

Jean-Marie Le Pen : Dans tous les domaines, nos prévisions pessimistes se sont vérifiées, contre les éternelles promesses d'Eldorado européiste. Nous avions dit : "Maastricht, c'est plus d'impôts, plus d'immigration, plus d'insécurité, plus de chômage". Nous avons eu raison. Les maastrichtiens incorrigibles nous invitent à ne pas en tenir compte, ils nous disent : oublions le passé. C'est-à-dire qu'ils nous invitent à courir au précipice non pas guidés par la raison mais par la passion idéologique, ou les intérêts des ennemis de l'Europe. Nous nous battons contre cet aveuglement d'amnésiques non pas seulement pour la France mais aussi pour la survie des patries européennes et ce qu'elles représentent pour la civilisation du monde.

National Hebdo : Il y a cinq ans, la mode était pourtant à dire que l'Histoire était finie, et le rôle des nations terminé.

Jean-Marie Le Pen : Les événements se sont chargés de remettre à leur place ces divagations de plumitifs. Le puissant courant national qui se manifeste dans tous les pays montre bien qu'il s'agissait de billevesées. La notion est aujourd'hui la plus moderne et la plus utile des conceptions. Utile parce que la structure nationale est la plus grande des structures capables d'assurer l'indépendance, la sécurité, la prospérité, la liberté des peuples. Vous avez noté au passage que les deux puissances les plus performantes de cette fin de XXe siècle sont deux nations moyennes et homogènes, le Japon et l'Allemagne.

National Hebdo : Et moderne ?

Jean-Marie Le Pen : La modernité consiste à s'adapter aux conditions du monde tel qu'il est ou va être et non à trancher à partir d'une idéologie préconçue. Cela demande le sens des réalités et la connaissance de l'Histoire. Cela ne signifie pas qu'on accepte n'importe quoi : le chômage, le délitement de notre culture, l'effritement des familles et de la démographie, l'immigration avec son cortège de malheurs sont des données de notre monde contemporain, ils ne constituent pas une modernité féconde, ils manifestent un abandon ringard à la facilité. La modernité doit permettre à notre société de survivre et de se renouveler, elle doit donc prendre en compte les enseignements du passé : il faut avoir le courage d'être classique pour être moderne. John Kennedy s'est rendu célèbre en proposant, comme défi au peuple d'Amérique, dans la tradition américaine, le concept de "nouvelle frontière". Il s'agissait alors de la conquête de l'Espace. Pour nous, européens, et Français, confrontés aux menaces du mondialisme et de l'immigration, notre "nouvelle frontière", ce sont nos frontières. Nous avons la chance, très rare, exceptionnelle aujourd'hui (et nous l'avons conquise par des siècles de luttes) de ne pas avoir de conflits de frontières.

Jouissons de ce patrimoine au lieu d'ouvrir la boîte de Pandore aux rêves et aux utopies les plus stupides, et finalement les plus meurtrières. La politique consiste à répondre aux besoins matériels, moraux et spirituels des peuples. On ne soit pas faire l'Europe pour faire l'Europe mais dans la stricte mesure où c'est indispensable aux nations qui l'ont constituée. Les "machins" supranationaux ne sont pas une panacée. Il existe d'autres moyens d'atteindre des résultats meilleurs à un prix moindre. L'Alliance atlantique, avec tous ses défauts, a été plus utile que l'UEO à la paix.

National Hebdo : Face à Maastricht et Bruxelles, face à cette Europe institutionnelle que vous dénoncez, quelle est l'Europe réelle que vous reconnaissez, et que souhaitez-vous pour elle ?

Jean-Marie Le Pen : Le ciment de l'Europe, c'est une conception du monde et de la liberté héritée de 2 000 ans de civilisation helléno-chrétienne. Une certaine conception de la justice, du bonheur, du bien-être. De la finalité supérieure de l'Humanité. Cela, nous devons le défendre contre les utopies matérialistes qui l'agressent. Dans le fond, le matérialisme mondialiste n'a fait que se substituer au communisme. Il utilise seulement des voies financières pour atteindre son objectif au lieu de la révolution et de la violence acérée. Que devons-nous faire ? Ne compter que sur nous-mêmes ! L'échec de l'Europe ne doit pas nos masquer la décadence de la France. Il ne suffit pas d'interrompre un processus mortel pour se réveiller ipso facto pétant de santé.

Beaucoup se sont laissé entraîner dans le rêve européiste parce que ça les dispensait des efforts nécessaires à assurer la pérennité de la France. Tout le travail reste à faire. Nous possédons encore le patrimoine et le ressort nécessaires au redressement. Mais ici l'esprit prime la matière. Nous devons procéder à une profonde réforme, intellectuelle et morale, en nous appuyant sur l'expérience trimillénaire de la civilisation qui nous a produits.

 

Vendredi 13 mai 1994
France Inter

M. Denoyan : Bonsoir.

Faut-il ou non s'inquiéter, comme le fait la presse et la classe politique, de l'arrivée de cinq ministres néo-fascistes dans le Gouvernement italien ? La France peut-elle à son tour redouter l'avènement du populisme dans le débat politique ?

Si ces questions sont posées aujourd'hui, il faudra sans doute attendre pour y répondre, tant il apparaît déjà difficile d'y voir clair dans les discours des uns et des autres, dans cette campagne européenne qui commence Campagne qui ressemble pour le moment davantage à un affrontement entre maastrichtiens et anti-maastrichtiens, or, ce débat a déjà eu lieu en septembre 1992.

Comment discerner, alors, les enjeux de ces élections européennes pour la Communauté mais aussi pour la France ? Distinguer ce qui ressort du débat intérieur ou de la volonté de la construction européenne ?

Invité d'Objections, ce soir, Monsieur Jean-Marie Le Pen, Président du Front national.

Jean-Marie Le Pen, bonsoir.

M. Le Pen : Bonsoir.

M. Denoyan : Nous allons vous interroger, bien sûr, sur cette campagne européenne et sur bien d'autres choses avec Annette Ardisson et Pierre Le Marc de France Inter, Fabien Roland-Lévy et Jean-Michel Aphatie du Parisien-Aujourd'hui.

Le monde bouge, on le voit bien en ce moment, Jean-Marie Le Pen, avec des problèmes qui trouvent des conclusions heureuses comme en Afrique du Sud ou au Moyen-Orient et ailleurs où le danger s'accroît, comme la Bosnie et l'Algérie, d'où la nécessité peut-être, Monsieur Le Pen, de voir un continent européen se renforcer, s'installer. Pensez-vous que ces élections européennes vont y contribuer ?

M. Le Pen : Je pense qu'elles vont révéler la réalité, c'est-à-dire que l'Europe sous sa forme et avec sa finalité actuelle, l'Europe de Maastricht est en train de ruiner, en tous les cas, notre pays, d'aggraver la débâcle économique et les phénomènes sociaux qui en sont conséquents, à savoir l'immigration, la sécurité, le chômage. Par conséquent, je crois que les gens qui ont voté à une très faible majorité, due seulement à une espèce de pirouette médico-médiatique du Président de la République, sont aujourd'hui majoritairement hostiles à Maastricht, comme c'est d'ailleurs le cas en Angleterre et en Allemagne, vont pouvoir juger les deux ans qui se sont déroulés et qui ont considérablement aggravé les phénomènes dont je vous ai parlé tout à l'heure.

M. Le Marc : Quelles sont les causes de cette situation et quelles sont les propositions concrètes que vous faites pour arriver à une Europe plus démocratique, plus efficace et répondant mieux aux intérêts nationaux, comme le souhaitent les Français ?

M. Le Pen : Je crois qu'il y a une question qu'on ne s'est pas posé véritablement : qu'attend-on de l'Europe ? Qu'en attend-on ? Fait-on l'Europe uniquement pour des raisons esthétiques ou idéologiques ? Ou bien je poserai la question comme on la pose bien souvent, est-ce bon pour nous ça ?

M. Le Marc : On a l'impression que vous voulez simplement la défaire ?

M. Le Pen : Non, non, pas du tout ! Nous avons bien fait un choix clair entre l'Europe des patries, l'Europe des nations, celle que préconisait le Général de Gaulle et l'Europe fédéralisto-mondialiste qui est en train de se mettre en place, sournoisement jusqu'au Traité de Maastricht et à peu près ouvertement maintenant, encore que les fédéralistes estiment que cela ne va pas assez vite. Or, les résultats de la politique européenne pour notre pays, – c'est de ce point de vue que je me place principalement, ce qui est normal pour quelqu'un qui préside le Front national –, sont catastrophiques.

M. Aphatie : L'Europe a notamment permis la réconciliation avec les Allemands, la sécurité sur cette partie du continent qui s'est déchiré pendant des siècles, pendant des années…

M. Le Pen : … Pourquoi ne l'aurait-elle pas fait ? Cela était la finalité, je dirais, la plus noble. Je dois dire que j'ai partagé, après la deuxième guerre mondiale, j'étais un jeune homme, ce sentiment-là : l'Europe va-t-elle contribuer à faire la paix ? Je pense que ce n'est pas l'Europe qui est responsable du fait qu'il n'y ait pas eu de conflit majeur dans cette partie du Monde dans les cinquante dernières années, c'est l'équilibre de la terreur entre les deux grandes super-puissances. Je pense que, avec moins d'Europe, cela n'aurait pas été sensiblement différent.

M. Le Marc : Il y a eu tout de même un autre dialogue entre les pays, entre les nations, ce n'est pas simplement l'équilibre de la terreur ?

M. Le Pen : Oui, et ce dialogue se fait où ? Je peux vous dire, en tout cas, que ce n'est pas au Parlement européen qu'il se fait et ce ne sont pas les Institutions démocratiques qui pèsent lourdement sur les rapports, ni sur la construction européenne.

M. Le Marc : Le couple franco-allemand n'existe pas pour vous ?

M. Le Pen : Si, mais il pourrait parfaitement exister en dehors de l'Europe.

M. Le Marc : Mais il fonctionne bien ?

M. Le Pen : Quand Monsieur Baudis dit : "Je vais vous donner un exemple de ce que réalise l'Europe, je le vis dans ma ville de Toulouse, c'est Ariane et c'est Airbus", c'est un mensonge, ni Ariane, ni Airbus n'ont rien à devoir à l'Europe. Tous ces projets, d'ailleurs grandioses comme les centrales nucléaires etc. datent en fait de la IVe République et marchent sur son inertie depuis 20 ans. Il n'y a pas eu un seul projet original, européen, dans les 20 dernières années, c'est un fait.

M. Roland-Levy : Si l'Europe était aussi négative et un enfer, telle que vous semblez la décrire, pourquoi quatre pays, la Norvège, la Finlande, l'Autriche, la Suède, veulent-ils rejoindre l'Union européenne ?

M. Denoyan : Et à plus long terme d'autres.

M. Roland-Levy : Et à plus long terme d'autres, des pays de l'ex-bloc soviétique. Tous les gouvernements sont-ils fous ? Que se passe-t-il ?

M. Le Pen : Je vais vous dire pourquoi, c'est parce qu'ils viennent à la mamelle, ils viennent téter le bon lait. Tous les pays, en effet, l'Irlande, la Grèce, le Portugal, sont tout à fait pour l'Europe.

M. Le Marc : Ce n'est pas le cas des quatre nouveaux.

M. Le Pen : Pour la bonne raison, c'est que nous finançons ces petits pays.

M. Roland-Levy : Pas la Suède…

M. Le Pen : … Ce n'est pas le cas pour l'instant, mais attendez la suède n'a pas encore dit qu'elle rentrerait dans l'Europe. Je peux vous dire que j'ai assisté à la campagne électorale en Irlande et, là, le gouvernement irlandais ne se cachait pas derrière son doigt, les affiches étaient : "Si vous votez "non", l'Irlande perd tant de milliards", voilà…

M. Denoyan : … C'est vrai que l'Irlande est un pays pauvre, Monsieur Le Pen. L'Europe, c'est aussi une capacité pour les pays à se développer.

M. Le Pen : Je juge à l'ombre de mon clocher.

Je constate que, l'année prochaine, nous allons verser à l'Europe, 91 milliards de que, sur ces 91 milliards, il y en a 70 qui reviendront vers la France et 20 milliards qui iront ailleurs. Sommes-nous dans une situation économique et sociale où nous pouvons nous permettre d'ajouter à la longue liste des générosités que nous faisons dans le Monde, celle-là ?

Je regarde l'économie française, il est vrai que, dès le début, le premier traité, c'est le traité du charbon et de l'acier parce que c'était fait justement pour la paix. Outre que, dans les matériels de guerre, il n'entre plus ni acier, ni charbon, à partir du moment où l'Europe s'en est occupée, il n'y a plus eu non plus d'industrie du charbon, il n'y a plus eu non plus d'industrie de l'acier. Si on prend la liste de toutes les activités économiques en France qui se sont écroulées par pans entiers, je pourrais les citer, cela va du charbon, de l'acier, la métallurgie…

M. Aphatie : … Elles se seraient écroulées de toute façon.

M. Le Pen : … Cela comprend l'informatique.

M. Denoyan : Nous avons développé d'autres activités, Monsieur le Pen.

M. Le Pen : Cela comprend le textile, cela comprend la pêche, l'agriculture…

M. Denoyan : … On ne va pas se plaindre que les métiers à tisser aient disparu. Le monde change, bouge et évolue.

M. Le Pen : Oui, oui, le monde change, bouge et il passe de 500 000 chômeurs à 6 millions, c'est en effet le résultat auquel nous pouvons juger l'Europe.

M. Denoyan : Nous ne sommes pas le seul pays à l'intérieur de la Communauté à avoir du chômage et nous ne sommes pas celui qui en a le plus.

M. Le Pen : En effet, tous les pays européens souffrent comme nous, mais moins que nous parce que, nous, nous sommes dans l'Europe pour des raisons idéologiques…

M. Denoyan : … Ce n'est pas vrai pour l'Italie, ce n'est pas vrai pour l'Espagne qui ont plus de chômage que nous.

M. Le Pen : Oui, ils ont plus de chômeurs que nous mais ils en avaient déjà avant, n'est-ce pas ! et ils sont aussi touchés que nous. L'Europe est touchée, je crois proprio motu, si vous me permettez cette expression, c'est-à-dire dans son propre mouvement, de l'intérieur. Je crois que l'Europe, et en particulier l'Europe de Maastricht, – je vais vous expliquer pourquoi si vous voulez bien –, est en train de ruiner l'économie, nous n'en sommes qu'au début.

En 1978, nous écrivions : la crise qui commence, c'était la crise pétrolière déclenchée par nos amis de l'Arabie Saoudite du Koweït, ces deux ayant augmenté les prix dans une proportion considérable, nous avions dit : "ce n'est pas conjoncturel, c'est structurel". Cela tient en une phrase, "la perte du monopole industriel de l'Europe et cela va durer".

Nous expliquions, nous disions : "les pays qui nous étaient en quelque sorte subordonnés dans le commerce international savent maintenant faire aussi bien que nous ; demain, mieux que nous et, en tout cas, moins cher que nous". Nous étions protégés relativement avec Maastricht par des frontières douanières, une fois que ces frontières ont été mises là-bas, non seulement l'immigration, la drogue s'en donnent à cœur de joie, mais surtout les produits français ne sont plus concurrentiels pratiquement dans aucun domaine. Cela veut dire que la ruine économique va continuer, cela veut dire que les délocalisations vont continuer, que le nombre des chômeurs va augmenter. Voilà le résultat de l'Europe et du Traité de Maastricht.

M. Roland-Levy : On croirait entendre Philippe de Villiers ou Jimmy Goldsmith…

M. Le Pen : … Ah oui, Philippe de Villiers nous imite, il est évident que vous entendez le même discours. Nous disons cela depuis 10 ans…

M. Roland-Levy : … Quelle est la différence ?

M. Le Pen : Philippe de Villiers vote pour le gouvernement qui est pour Maastricht, il le soutient de ses votes et il se démarque un peu, à l'instigation des manœuvres plus ou moins sournoises de Monsieur Pasqua, c'est la lutte interne à la Majorité, mais cela n'a rien à voir avec ce que nous disons. En tous les cas, j'espère que les électeurs préfèreront toujours l'original à la copie.

M. Denoyan : Quelle est la différence fondamentale entre vous et de Villiers, à part, hélas, ce petit croquis ?

M. Le Pen : La différence fondamentale c'est que, moi, je suis dans l'opposition d'une façon non ambiguë, très claire…

M. Denoyan : … Sur l'Europe ?

M. Le Pen : Alors que Monsieur de Villiers à un pied dans la majorité et un pied à l'intérieur, il danse l'un sur l'autre pour essayer une concurrence qui ne semble pas, pour l'instant, être très redoutable, en tout cas pour les électeurs du Front national.

M. Aphatie : Vous dites, et c'est sûrement sur ce point que vous insistez le plus, que l'Europe ruine notre pays et entraîne une débâcle économique. Tous les chefs d'entreprise disent le contraire puisqu'eux souhaitent, au contraire, accroître les échanges en Europe et expliquent que l'accroissement de ces échanges est la seule solution pour résoudre le chômage ?

M. Le Pen : Tous les chefs d'entreprise, en tous les cas pas les 70 000 qui ont été en faillite l'année dernière. Quels sont les interlocuteurs en l'occurrence ?

M. Aphatie : Quels chefs d'entreprise représentatifs ?

M. Le Pen : Le grand patronat, les grandes sociétés multinationales, celles-là, en effet, sont tout à fait d'accord, comme d'ailleurs les élites françaises sorties de Polytechnique ou de Centrale qui ont cessé d'avoir un point de vue national et ont un point de vue, en effet, international. Ils sont d'ailleurs généralement les employés des grandes multinationales, par conséquent je ne m'étonne pas que le patronat ait dans ce domaine les yeux bouchés.

M. Aphatie : Aucun chef d'entreprise représentatif, en tout cas, ne soutient votre liste, ne soutient votre démarche, ne soutient votre analyse ?

M. Le Pen : Ah non, mais ça, c'est parce que nous sommes diabolisés. Ils ne le soutiennent ni politiquement, ni non plus financièrement, nous avons pu le voir d'ailleurs par la publication des versements qui ont été faits pour les différents députés, les campagnes des députés, le Front national n'a pratiquement pas obtenu une seule subvention de quelque patronat que ce soit, alors que celui-ci a généreusement arrosé les partis de l'établissement.

M. Le Marc : Je voulais signaler que les quatre nouveaux pays qui veulent entrer dans la Communauté sont des contributeurs nets, c'est-à-dire qu'ils sont séduits par l'Europe, ils viennent dans l'Europe parce qu'ils y sont séduits.

M. Le Pen : Mais ils entreront à des conditions particulières. Ils ont posé des conditions qui ne sont pas celles auxquelles nous avons souscrites…

M. Le Marc : … Mais ils apportent de l'argent…

M. Le Pen : … Il en est ainsi d'ailleurs de l'Espagne et du Portugal.

M. Le Marc : Ils apportent de l'argent à la Communauté, mais ce n'est pas la question que je voulais vous poser.

M. Le Pen : Vous savez pourquoi ils sont désirés ? Ils sont désirés parce qu'ils ont des gouvernements socialistes et parce que, grâce à eux et, ensuite, grâce à la Hongrie, grâce à la Pologne, ce seront des paquets de députés socialistes et communistes qui rentreront à l'Assemblée européenne et assureront ainsi la majorité à la Gauche.

M. Le Marc : On entend un réquisitoire très fort, très violent…

M. Le Pen : … Absolument.

M. Le Marc : Mais pas de propositions, Monsieur le Pen ?

M. Le Pen : Proposition, si…

M. Le Marc : … Quelles sont vos propositions ?

M Le Pen : Propositions, si : revenons balayer devant notre porte…

M. Le Marc : … Ce ne sont pas des propositions, cela ne veut rien dire.

M. Le Pen : Défendons notre souveraineté nationale. Les Français savent-ils, cela a été avoué cyniquement par Monsieur Delors, que 70 à 75 % des lois qui leur sont appliquées et surtout qui vont leur être appliquées seront conçues et décidées à Strasbourg et pas du tout dans le cadre de la souveraineté nationale que reconnaît notre Constitution. Par conséquent, l'Europe de Maastricht est contraire non seulement à nos traditions nationales mais au texte de la Constitution.

M. Denoyan : Monsieur Le Pen, de toute manière, le traité est adopté, la France l'a signé et les Douze ont signé le Traité de Maastricht, donc il se met en route…

M. Le Pen : … Les Français ne savent même pas d'ailleurs qu'ils ont signé un traité théoriquement irréversible alors que même la Constitution soviétique permettait de sortir de l'Union.

M. Denoyan : Vous n'allez pas la défendre, tout de même, ce serait un paradoxe !

M. Le Pen : Serons-nous acculés à subir l'offensive des Yankees si nous désirerions un jour, pour des raisons d'intérêt national, exceptionnelles, sortir de l'Europe ? Est-ce que ce sont les divisions de la Wehrmacht et les divisions anglaises qui viendraient nous bouter hors de chez nous pour imposer l'Union, comme les Nordistes l'on fait au cours de la guerre de Sécession ?

M. Denoyan : Monsieur Le Pen, en attendant ce jour funeste, pourrait-on essayer de…

M. Le Pen : … Je voudrais bien le prévenir, moi, qu'il n'y ait pas ce jour funeste.

M. Denoyan : Pourrait-on essayer de reprendre la question que vous posait Pierre Le Marc à l'instant ? Vous êtes très critique, on le sait, vous avez tout à fait le droit de l'être, mais on aimerait bien comprendre également : comment dessinez-vous l'Europe ?

On a bien compris que vous étiez anti-maastrichtien, donc ce traité, vous le dénoncez, d'accord. Vous dénoncez les effets de la politique européenne suivie depuis un certain nombre d'années, très bien mais l'Europe se fait tout de même.

Vous êtes inscrit dans une bataille politique et vous êtes tête de liste d'une liste qui s'adresse à l'opinion publique française…

M. Le Pen : … Et qui s'appelle "contre Maastricht, allez la France". C'est la seule liste d'ailleurs qui emploie le mot "France" dans son titre.

M. Denoyan : Que proposez-vous dans l'organisation que vous souhaitez pour l'Europe au niveau des Institutions ? Puisque vous dites : "Le Parlement ne peut pas faire des choses comme vous le souhaitez", "qu'il n'y a pas de véritable démocratie à l'intérieur de l'Europe". Premièrement les Institutions.

Deuxièmement, vous dites que cela crée du chômage, très bien. Que propose Jean-Marie Le Pen pour que, effectivement, cette Europe soit un peu moins remplie de chômeurs qu'elle n'est aujourd'hui ?

M. Le Pen : Jean-Marie Le Pen voudrait rappeler que, contrairement à ce que disent les novateurs, ceux qui trouvent que c'est beau puisque c'est nouveau, c'est beau puisque c'est ailleurs, c'est beau puisque c'est autrement, moi, je rappelle que la nation est, encore à la fin du XXe siècle et probablement pour longtemps, la structure de grande taille qui est seule capable d'assurer à son peuple la liberté, la prospérité, la sécurité. Je dis donc qu'on ne peut rien faire, on ne peut entrer dans aucune combinaison quelle qu'elle soit…

M. Denoyan : … Une Europe reposant sur les nations.

M. Le Pen : … Qui maintienne l'essentiel de la nation. Alors, je propose, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, que nous constituions avec les pays frères européens ou les nations sœurs, pour ne pas être taxé de machisme…

M. Denoyan : … Avec nos partenaires, comme cela, tout le monde sera d'accord.

M. Le Pen : Avec nos partenaires, une Europe des nations, une Europe des patries, telle que l'a préconisée le Général de Gaulle dont le cadavre doit se retourner, torturé par les trahisons du RPR et de Monsieur Chirac…

M. Aphatie : … C'est bien la première fois que vous vous targuez de de Gaulle.

M. Le Pen : Car parler de l'Europe au nom du Général de Gaulle pour faire l'inverse de la politique, qu'il condamnait… non, moi, j'ai été en désaccord avec le Général de Gaulle…

M. Aphatie : … Tout le temps, sauf aujourd'hui.

M. Le Pen : Non, non, pas du tout, d'une façon absolument claire sur l'Algérie, il n'en reste pas moins que j'ai été d'accord sur la politique de l'arme nucléaire qu'on est en train d'abandonner, sur la politique de grandeur de la France et sur la politique européenne. Moi, je ne suis pas manichéen, si Monsieur Marchais ou Monsieur Hue disait : "Il fait jour à midi, je ne dirais pas le contraire".

M. Le Marc : Vous voulez une sorte d'ONU européenne ?

M. Le Pen : Non, pas une sorte d'ONU parce que, déjà, je critique ce machin comme le Général…

M. Aphatie : … Ah, décidément ! …

M. Le Marc : Ce serait aussi un machin.

M. Le Pen : Vous allez croire que je tire le képi à moi, ce qui n'est pas le cas du tout. Je laisse à tous les partis politiques français au moins la seule chose qu'ils ont en commun, avec la corruption politique, c'est de se réclamer de l'esprit du Général de Gaulle. Je le leur laisse, mais j'emprunte de temps en temps tout de même, je mets un certain nombre de gens…

M. Denoyan : … Vous picorez un peu, là.

M. Le Pen : … Qui ont trahi leurs idées en face de leurs responsabilités.

Mme Ardisson : Vous dites que le Parlement européen ne sert quasiment à rien, pourtant vous en venez puisque vous êtes député sortant et vous vous apprêtez à y retourner…

M. Le Pen : … Et je m'y bats, chère Madame. Le groupe parlementaire des droites qui comportait 14 députés est intervenu 4 500 fois en séance publique, alors je connais beaucoup de gens illustres qui figurent sur des listes européennes, qui sont députés européens sortants et qui n'y ont jamais mis les pieds, pas plus d'ailleurs que Monsieur Tapie ne les mettait au Conseil régional ou à l'Assemblée nationale.

Mme Ardisson : À quoi ont servi ces 4 500 interventions, Jean-Marie Le Pen ? Je veux dire que, pour quelqu'un qui est proche de vos idées, s'il vote pour vous, c'est pour que vous puissiez faire, quelque chose sinon il n'y a pas de raison d'envoyer des députés européens Front national au Parlement ?

M. Le Pen : Mais bien sûr que si, Madame. Vous ne connaissez pas le rôle que joue, dans une démocratie, l'opposition ? Mais même quand elle est minoritaire, elle joue un rôle capital et s'il n'y a pas des gens pour aller exprimer l'opposition dans les assemblées, nous sommes dans un système totalitaire. Ce qui est d'ailleurs presque le cas chez nous, nous sommes dans une forme de totalitarisme mou et c'est vrai que la démocratie est, dans notre pays, beaucoup plus une apparence qu'une réalité.

M. Roland-Levy : Peut-on parler de l'Italie ? Vos amis de l'extrême droite italienne viennent de remporter un succès important, j'aimerais savoir si leur succès ne met pas paradoxalement en relief vos limites ?

M. Le Pen : Je ne vois pas du tout, d'abord, parce que, sur le plan des résultats politiques, nous avons obtenu des résultats meilleurs…

M. Roland-Levy : … Certes !

M. Le Pen : Et plus importants que ce qui était le MSI et ce qui est maintenant l'Alliance nationale, et ce sont les modes de scrutin qui soit, dans la cadre de la Majorité ou du majoritaire, ont permis en Italie des alliances, soit à la proportionnelle dans notre pays.

Je voudrais d'abord vous faire une petite clarification sémantique : pourquoi les médias français emploient-ils le terme de néo-fasciste qui n'est pas employé en Italie ?

M. Aphatie : Parce que Monsieur Fini s'est défini comme ça, "je suis néo-fasciste".

M. Roland-Levy : "Post-fasciste".

M. Le Pen : Ah, c'est tout à fait différent, un néo-fasciste n'est pas un post fasciste…

Mme Ardisson : … Que ce soit néo ou post, cela ne change pas grand-chose, tout de même, c'est le mot "fascisme" qui compte.

M. Le Pen : Parlons de choses concrètes.

M. Roland-Levy : Monsieur Fini explique tout de même que Mussolini a été le plus grand homme d'État de ce siècle…

M. Le Pen : … Mais il fait cela par galanterie pour la petite-fille du Duce.

M. Roland-Levy : D'accord, mais le rapprochement nous paraît évident.

M. Le Pen : Écoutez, moi, je ne suis pas Monsieur Fini, je ne suis pas chargé de justifier Monsieur Fini, je crois qu'il peut le faire.

Je dois vous dire que j'ai été en Italie qui est le pays, sur le plan politique, le plus courtois du monde, j'ai été présenté à la présidente communiste de l'Assemblée par Monsieur Almirante et j'ai été présenté au Président de la République par les députés qui, je vous le rappelle, ont un groupe parlementaire au Sénat et à l'Assemblée depuis 45 ans. Ce ne sont pas des nouveaux dans la vie politique italienne… si, ils n'ont pas participé au système corrompu et mafieux, c'est cela qui fait leur originalité.

En effet la Ligue et l'Alliance nationale ont été, avec Monsieur Berlusconi et grâce à cette alliance, propulsées sur le devant de la scène politique italienne par le rejet de l'opinion italienne de la mafia et de ses complices de la démocratie chrétienne.

M. Roland-Levy : N'empêche qu'ils ont su trouver des alliances, vous expliquez que la loi électorale, en France, vous l'interdit. En 1986, on était sous le régime de la proportionnelle, vous n'avez pas réussi à obtenir des alliances, vous êtes isolés, eux ne le sont pas, n'y a-t-il pas un problème Front national ?

M. Le Pen : C'est vrai qu'il y a un terrorisme contre le Front national, il y a une exclusion systématique dont personne n'a jamais d'ailleurs donné la raison publiquement, jamais ! Il n'existe pas en Italie où il y a eu un mouvement de renouveau populaire… je ne comprends pas bien parce que vous avez fait tout à l'heure une analogie entre néo-fasciste et populiste, cela ne me parait pas tout à fait convaincant sur le plan de la science politique proprement dite où la sémantique a une grande importance, il faut savoir ce que les mots veulent dire.

Nous disons, ici, néo-fasciste en feignant de croire que l'Alliance nationale veut rétablir le système des chemises noires, le totalitarisme socialiste de Benito Mussolini. Il ne faut pas oublier que Benito Mussolini qui a fondé le fascisme était un député socialiste…

M. Aphatie : … Et qu'il a fait assassiner les dirigeants socialistes italiens.

M. Le Pen : Oui, après, dans la rivalité.

M. Denoyan : Puis après il s'est associé avec Hitler.

M. Le Pen : C'est vrai aussi dans notre pays où les deux partis collaborationnistes français étaient dirigés l'un par l'ancien secrétaire du Parti communiste, l'autre par l'ancien secrétaire du Parti socialiste…

M. Denoyan : … Ce n'est pas pour cela que c'était bien ?

M. Le Pen : Je ne dis pas que c'était bien, je dis qu'il en était ainsi, que le fascisme sort du socialisme et de nulle part ailleurs, et le national-socialisme aussi sort du socialisme.

M. Le Marc : Cela veut dire qu'on peut passer de la Gauche à l'Extrême-Droite ?

M. Le Pen : Ça, c'est ce que vous dites, vous baptisez "Extrême-Droite". Quand Staline applique sa règle de fer, il devient fasciste, c'est évident ! Puisque vous partez de l'idée que le fascisme, c'est le mal, tous ceux qui agissent mal sont donc fascistes.

Je voudrais qu'on m'explique, ce que n'ont pas expliqué ni Monsieur Fabius, ni Monsieur Rocard, ni Monsieur Mitterrand qui ont jeté l'opprobre et menacé, c'est très inquiétant dans le cadre de l'Europe, de ne pas parler avec des gens qui seraient élus librement et démocratiquement par les peuples, de les mettre en quelque sorte à l'index. Mais Monsieur Mitterrand n'a-t-il pas été l'allié de formation politiques qui se rattachaient à une idéologie criminelle ayant causé plus de 100 millions de morts ? Et, au moment où il y avait des députés communistes dans le gouvernement de Monsieur Mitterrand, il y avait, me semble-t-il, toujours en Chine la dictature sanglante des communistes et pas seulement en Chine.

On fait la fine bouche devant des gens dont la plupart sont nés dix ans après la guerre et on collabore avec l'idéologie et l'internationale communiste.

Objections

M. Denoyan : Objections de Madame Béatrice Patrie, ancienne présidente du Syndicat de la Magistrature et candidate aux Européennes sur la liste conduite par Monsieur Jean-Pierre Chevènement, "L'autre politique".

Bonsoir, Madame.

Mme Patrie : Bonsoir.

M. Denoyan : Vous avez entendu Monsieur Jean-Marie Le Pen s'exprimer sur sa vision de l'Europe et ses insuffisances…

Mme Patrie : … Absolument.

M. Denoyan : Et vous venez de l'entendre, à l'instant, réagir à la situation italienne. Peut-être que sur ces deux points vous voulez objecter à Monsieur Le Pen ?

Mme Patrie : Jean-Marie Le Pen nous a servi comme d'habitude son discours kitsch, anti-européen habituel. Je crois que son principal problème maintenant, c'est que dans la catégorie populiste, il n'a plus vraiment le vent en poupe, il s'est fait doubler par ses camarades italiens, – on ne dit pas "camarades", je crois, dans son cas –, et que, contrairement à 84, il ne bénéficiera pas de l'appui du Président de la République Mitterrand auquel il devrait tout de même rendre hommage de l'avoir jeté, à l'époque, entre les pattes de la Droite mais il faut reconnaître que, cette année, cela a changé, c'est Tapie qu'on met entre les pattes de la Gauche, enfin ! …

On sait que Monsieur Le Pen est partisan de la ségrégation tous azimuts, il nous l'a rappelé, on sait qu'il craint la contamination par la drogue, par l'immigration, enfin le baratin habituel…

M. Le Pen : … Par le sida.

Mme Patrie : Et qu'à cet effet, tels quand même les vieux staliniens de naguère, il croit encore pouvoir ériger une espèce de rideau de fer aux frontières de l'Europe des nantis. Cela, on l'a bien compris.

Maintenant qu'il ne peut plus soutenir la politique ségrégationniste des ex-gouvernements d'Afrique du Sud…

M. Le Pen : … Qu'est-ce que c'est que cette histoire ! …

Mme Patrie : Peut-être compte-t-il se faire le chantre de l'apartheid entre les hommes et les femmes en politique ? Je constate que sa liste…

M. Denoyan : … Madame Patrie…

Mme Patrie : … Je voudrais terminer, poser la question d'Objections…

M. Denoyan : … Vous allez poser votre question mais j'aimerais bien, puisque le débat porte en grande partie sur les élections européennes…

Mme Patrie : … Absolument.

M. Denoyan : Et que vous êtes sur une liste qui n'est pas non plus très favorable à ce qu'a été le Traité de Maastricht, vous puissiez nous dire en une phrase ce qui vous différencie, vous, dans ce qu'est votre vision de l'Europe, de Monsieur Le Pen puisque, vous aussi, vous avez fait voter "non" au Traité de Maastricht ?

Mme Patrie : Ce qui nous différencie, c'est que, nous, nous voulons une Europe solidaire, une Europe des citoyens et des citoyennes et non pas cette espèce d'Europe frileuse avec, à ses frontières, une espèce de nouveau rideau de fer.

Monsieur Le Pen critique la politique ultra-libéralisme de Maastricht et, ça, j'en suis d'accord, mais il y a tout de même une ambivalence dans son discours puisque ses camarades italiens, eux, se sont alliés au chantre de l'ultra-libéralisme.

Ma question est : je constate que sa liste, contrairement à la liste à laquelle j'appartiens pour une autre politique menée par Jean-Pierre Chevènement, ne comporte que très peu de femmes puisque la première femme se trouve à la 9ème place et encore, pardonnez-moi, elle n'est pas là en tant que femme et encore moins en tant que femme politique mais en tant que veuve de Monsieur Stirbois. Les autres femmes qui sont tout de même extrêmement peu nombreuses sont situées en position non éligible…

M. Denoyan : … La question ? D'accord, Madame Patrie.

Mme Patrie : Monsieur Le Pen a dit que nous n'étions pas là pour bâtir une Europe esthétique, met-il au rang de l'esthétisme européen la représentation partiaire des femmes en politique ? Je voudrais qu'il me réponde très précisément là-dessus. Il me dira que s'il y a peu de femmes sur sa liste…

M. Denoyan : … Attendez, d'abord il va vous répondre…

Mme Patrie : … S'il y a peu de femmes sur sa liste, c'est la réalité de son Parti…

M. Denoyan : … Si vous faites les questions et les réponses, c'est difficile, Madame Patrie, s'il vous plaît.

Mme Patrie : Mais je crois, effectivement, que les femmes n'aiment pas beaucoup le Parti de Monsieur Le Pen qui défend des positions très passéistes, notamment sur les vrais problèmes de Société. Est-ce que la représentation paritaire des femmes en politique…

M. Denoyan : … Madame, vous faites un discours, s'il vous plaît, Monsieur Le Pen va vous répondre.

M. Le Pen : Je préfère vous rencontrer dans le cadre de l'émission Objections plutôt que dans celui de la Justice, je ne voudrais pas, compte tenu de l'objectivité dont vous témoignez, être un simple justiciable jugé par vous, je vous le dis tout de suite. D'ailleurs je dois vous dire qu'il me paraît y avoir une certaine incompatibilité entre l'appartenance au cadre judiciaire et l'action politique proprement dite. Vous serez bien évidemment et normalement soupçonnée, quand vous jugerez, de vous laisser entraîner par vos propres passions, car je souhaite que vous en ayez, c'est honorable d'avoir une passion politique.

Je voudrais dire aussi qu'il n'y a pas d'internationalisme des droites. Le Parti de Monsieur Fini n'était pas dans notre Groupe parlementaire, ses députés n'étaient pas dans notre Groupe parlementaire dans la dernière mandature. Je souhaite que, avec les Allemands et tous les autres, ils y soient parce que l'organisation du Parlement européen exige, pour peser et être efficace, de réunir un certain nombre de députés mais nous ne sommes pas liés par nos positions ni les uns ni les autres.

Enfin, vous n'êtes pas gentille avec Madame Stirbois dont vous dites qu'elle est là uniquement parce qu'elle est la veuve de son mari. Je vous rappelle qu'elle a écrasé l'ensemble des partis politiques et qu'elle a été élue député de Dreux avec 53 % des voix contre l'ensemble du Parti communiste au RPR et qu'elle vient d'être réélue récemment au Conseil général devant la même coalition avec 53 % des voix. S'il y a une femme politique qui mérite le respect de l'estime, c'est bien Madame Stirbois.

Il y a 23 femmes sur notre liste…

M. Aphatie : … Très peu en position éligible, une seule dans les dix premières.

M. Le Pen : Vous ne savez pas quelles sont les positions éligibles ? Peut-être que Madame Fatna qui est de la Martinique sera élue, vous n'en savez rien…

M. Aphatie : … Qui est en quelle position ?

M. Le Pen : Vous n'en savez rien, ne préjugez pas le jugement des électeurs. Il n'est pas certain que Monsieur Chevènement soit même tête de liste élu, lui, parce qu'il n'est pas sûr qu'il fera 5 % des voix.

Nous faisons une liste conformément à l'équilibre de notre propre Mouvement. Il y a beaucoup de femmes qui sont secrétaires départementales de notre Mouvement mais, encore une fois, nous n'essayons pas de bluffer le public avec des équilibres parfaitement fallacieux entre hommes et femmes. Je note d'ailleurs que personne n'a établi sur sa liste de façon officielle la troisième catégorie, c'est-à-dire ceux qui ne se reconnaissent ni comme homme, ni comme femme, il faudrait tenir compte de cela, surtout à Gauche.

M. Le Marc : Je voudrais revenir un instant à l'Italie. Vous dites qu'avec le MSI, avec l'Alliance nationale, vous avez des principes généraux communs, j'aimerais bien que vous expliquiez cela ?

M. Le Pen : Cela correspond au mot d'ordre que j'avais lancé, imitant en cela l'inoubliable Lénine à Paris, "nationalistes de tous les pays, unissez-vous", parce que je pense que, quand on reconnait la valeur de la nation comme élément fondateur de la pensée, il en découle l'amour du sol, la volonté de servir la communauté qui y vit, tout un ensemble de valeurs qui se rattachent à celle-là mais pas exclusivement à celle-là.

M. Le Marc : En Russie aussi avec Monsieur Jirinovski ?

M. Le Pen : Moi, je ne suis pas le défenseur des anciens communistes qui se trouvent, tout naturellement, être les seuls partenaires de la démocratie qui s'initie actuellement. Moi, j'ai simplement demandé à juger les gens sur leur programme et non sur l'interprétation qu'on faisait un certain nombre d'observateurs. Quand Monsieur Jirinovski exprime des vues expansionnistes et bellicistes, je condamne ces positions-là de façon très nette.

Ce qui m'importe, moi, c'est que l'élan national aux premières élections libres dans ce pays depuis 70 ans… – il y a des gens qui n'aiment pas le résultat des élections et il faudrait dissoudre le peuple quand elles ne sont pas d'accord avec elles –, on a aidé à provoquer la guerre civile en Algérie, on l'a fait en refusant le processus démocratique, en l'interrompant…

M. Denoyan : … Disons un mot sur l'Algérie, Monsieur Le Pen.

M. Le Pen : Nous allons y venir, mais Monsieur Jirinovski se défend tout seul, je ne suis pas le représentant de Jirinovski en France, mais je prends en considération le fait que l'appel, même excessif, au patriotisme a réuni 28 % des voix aux dernières élections législatives en Russie, c'est un fait politique.

M. Denoyan : Monsieur le Pen, je crois qu'il faudrait dire un mot sur l'Algérie, il y a tout de même eu deux ressortissants français qui ont été assassinés en Algérie. Vous avez entendu les déclarations des représentants de la République française, et Monsieur Juppé, qui sont extrêmement préoccupés par la situation en Algérie…

M. Le Pen : Ils auraient mieux fait de s'en préoccuper avant.

M. Denoyan : Donc, vous rejetez l'attitude du Gouvernement français devant les événements algériens actuels ?

M. Le Pen : L'Algérie est depuis 30 ans un pays indépendant, personnellement, je respect cette indépendance, j'étais de ceux qui défendaient la conception d'une union entre l'Algérie et la France, eh bien, ceci est passé, la page est tournée, nous avons divorcé. Mais néanmoins nous souhaitons avoir avec l'Algérie, la Tunisie, le Maroc les relations les moins mauvaises possibles et si possible les meilleures.

M. Denoyan : Compte tenu de la réalité d'aujourd'hui ?

M. Le Pen : Je constate que, après l'atroce tuerie d'Algérie quand la dictature FLN a massacré des centaines de jeunes gens au canon et à la mitrailleuse, ce pays s'était mis d'accord sur un processus démocratique aux élections, puis, entre les deux tours des élections, le parti au pouvoir se voyant vaincu a supprimé le deuxième tour. Ceci est compréhensible, les dictatures se conduisent toujours de la même manière partout. Mais ce qui est original, c'est que cette prise de position, cette décision qui entraîne la guerre civile en Algérie et l'arrivée massive de centaines de milliers de réfugiés du FLN chez nous, a été approuvée par les démocraties, elle a été soutenue par Monsieur François Mitterrand, par la Gauche et par la Droite française.

Mme Ardisson : En clair, cela veut dire que vous soutenez les fondamentalistes ?

M. Le Pen : Mais non, Madame, cela ne veut pas dire cela du tout. Il y a une pensée, croyez-le, beaucoup moins manichéenne que cela et beaucoup plus nuancée, je ne suis pas la brute que l'on souhaiterait que je sois. Simplement je dis que, dans un pays, quand on est démocrate, qu'on a organisé des élections, i faut laisser parler le peuple et il faut respecter son verdict.

Mme Ardisson : Quel qu'il soit ?

M. Denoyan : Que faut-il faire ?

M. Le Pen : Je suis convaincu que tous les gens qui avaient voté pour le FIS n'étaient pas des fondamentalistes.

M. Roland-Levy : Faut-il faire des élections ?

M. Le Pen : Ils votaient pour le FIS parce que c'était pour eux la seule manière de voter contre le FLN et si le FIS avait eu le pouvoir démocratique, il aurait probablement eu un certain nombre de soucis, y compris avec ses propres électeurs, mais c'est cela la démocratie.

M. Denoyan : Monsieur Le Pen, qu'est-ce que vous suggérez que la France puisse faire pour essayer d'aider l'Algérie à sortir de la guerre civile dans laquelle elle s'enlise ?

M. Le Pen : Je pense que vous n'avez pas bien compris le message que je porte, je voudrais que la France aide d'abord la France. Quand on est dans un pays où il y a six millions de chômeurs…

M. Denoyan : … Quand vous venez de dire, Monsieur Le Pen, il y a des centaines de milliers de gens du FLN qui viennent ici, vous allez leur reprocher dans quelque temps ?

M. Le Pen : … 2 millions de gens qui sont dans une misère noire, que le pays est menacé de ruine économique et d'un cataclysme social, on s'occupe d'abord des Français.

M. Denoyan : Faut-il laisser les Algériens venir par centaines…

M. Le Pen : … On ne s'occupe pas de ce dont on n'a pas la force de s'occuper.

M. Aphatie : Vous évoquiez, vous-même, tout à l'heure, la géopolitique…

M. Le Pen : … Oui.

M. Aphatie : Elle vous impose à vous, responsable politique, de parler d'autre chose que de la France, c'est-à-dire des problèmes qui se posent aux frontières de la France.

M. Le Pen : Ce que je voudrais reconstituer, c'est une force française parce qu'avec une faiblesse française, ce qui est le cas aujourd'hui, on ne fait que dans l'apparence et ont fini par se ridiculiser après s'être fait des ennemis de tout le monde. Car notre technique d'ingérence et d'interposition, vous l'avez tous essayée dans la vie privée, vous avez un jour, mais le dernier j'espère, où vous vous êtes mêlés de la querelle entre votre sœur et votre beau-frère, pour le mieux, en essayant d'arranger les choses, vous vous êtes fait deux ennemis mortels et ils ont divorcé tout de même…

M. Aphatie : … L'Algérie, Monsieur Le Pen.

M. Le Pen : Il en est de même dans la politique internationale…

M. Denoyan : … Donc, on ne s'occupe pas de l'Algérie ?

M. Le Pen : Il faut être prudent quand on donne des leçons et, pour grimper au palmier, il faut avoir le caleçon propre.

M. Denoyan : Donc, on ne s'occupe pas de l'Algérie, on a bien compris.

M. Le Pen : On s'occupe en tout cas de ne pas laisser les réfugiés du FLN déferler chez nous et je suis tout à fait hostile…

M. Denoyan : … Donc, on fait quelque chose ?

M. Le Pen : Je conseille au FLN d'aller dans les pays amis, d'abord, les pays musulmans, les pays arabes et puis ensuite dans les grandes démocraties socialistes, donneuses de leçons, les États-Unis d'Amérique, l'Australie et un certain nombre d'autres pays comme cela. Je dirais qu'on en a assez, assez !

M. Le Marc : Il y a eu des élections en Afrique du Sud, une victoire de l'ANC, la prise du pouvoir par Mandela. Pour vous, est-ce un progrès de la démocratie ? Est-ce un événement important pour le développement de l'Afrique ?

M. Le Pen : Je vais vous dire ce que diraient les Anglais : "dans ce cas-là, j'attendrai pour voir". Je me félicite que les élections, on ne peut pas dire vraiment régulières mais, enfin, il s'agit tout de même d'un immense pays qui était soumis à un autre système…

M. Denoyan : … Les observateurs des Nations Unies n'ont pas dénoncé cette élection.

M. Le Pen : Nous avons mis 200 ans à apprendre à faire semblant d'être démocrates…

M. Le Marc : … Mais c'est un progrès ?

M. Le Pen : Alors, on en peut laisser aux autres un certain temps aussi pour qu'ils apprennent.

M. Le Marc : Vous considérez l'abandon de l'apartheid comme un progrès ?

M. Le Pen : L'apartheid qui était un système de développement séparé s'est révélé un échec, eh bien, il faut trouver un autre système. L'autre système est celui de reconnaître la loi de la majorité, mais je vous rappelle que la démocratie, ce n'est pas seulement l'expression de la majorité, c'est aussi le respect des minorités.

Moi, je jugerai Monsieur Mandela et son Gouvernement à la capacité qu'ils auront de maintenir les droits des minorités qui ne sont pas l'ANC. Je dois vous dire que j'ai une certaine inquiétude quand je vois le rôle que joue l'envoyé du KGB auprès de Monsieur Mandela qui, je le rappelle, tout de même est un ancien communiste. Il y a un Parti communiste qui a toujours été l'allié de l'ANC ou qui est intégré à l'ANC et, par conséquent, je ne vous cache pas mes plus vives inquiétudes.

Si jamais, dans les cinq années qui viennent, l'Afrique du Sud n'est pas devenue le Rwanda, eh bien, je me féliciterai, ce sera vraiment quelque chose de remarquable.

Mme Ardisson : Jean-Marie Le Pen, un mot sur une question d'actualité, en ce vendredi 13 mai, compte tenu de la situation en Bosnie, quelles est votre position sur le maintien ou non des soldats français de l'ONU ?

M. Le Pen : Je dois vous dire que je suis adversaire de la stratégie présidentielle qui a consisté, en quelques années, à faire 25 interventions militaires dans le monde, en 10 ans, 25 interventions, nous en avons fait plus à nous seuls que tous les autres réunis. Je suis contre la présence de nos Casques bleus français.

Autrefois, je crois que c'était sage, c'était les petits pays neutres qui fournissaient les troupes de l'ONU, je trouve tout à fait déplorable que les grandes nations, forcément soupçonnées de vouloir y faire peser leurs intérêts politiques, interviennent dans ces cas-là et je regrette encore plus qu'un "Européen" comme Monsieur Mitterrand ait appelé les Américains à intervenir en plein cœur de l'Europe, quel aveu de faiblesse de la part des européistes !

Nous avons eu beaucoup de casse, nous risquons d'en avoir beaucoup plus et nous sommes amenés à combattre nos alliés traditionnels, comme nous l'avons fait pour l'Irak, comme nous l'avons fait en Somalie, chaque fois que l'ONU ou les Américains derrière l'ONU se mêle de politique étrangère, ce n'est jamais dans le sens de nos intérêts, ni français, ni européens.

M. Denoyan : Merci, Jean-Marie Le Pen.