Interview de M. Valéry Giscard d'Estaing, président de l'UDF, à France 3 le 28 septembre 1994, sur ses propositions pour réduire la zone d'exclusion d'emplois autour des bas salaires par la réduction des charges sociales.

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Média : France 3

Texte intégral

E. Cachart : Vous aviez souhaité que le ministre de, l'Industrie démissionne de ses fonctions s'il était mis en examen. Avez-vous le sentiment que le gouvernement ait choisi la bonne solution, ou non, dans cette affaire ?

V. GISCARD D'ESTAING : Je suis venu vous parler de l'emploi, et non pas de ces sujets. Il y a une Procédure judiciaire qui est en cours. Tant que ses conclusions ne seront pas connues, je n'ai rien à dire.

J.-M. Lefèvre : Vous estimez que la justice s'exerce de manière sereine ?

V. GISCARD D'ESTAING : Je ne porterai pas de jugement.

E. Cachart : Y-t-il un scénario possible qui pourrait exclure la présence d'un candidat de l'UDF ?

V. GISCARD D'ESTAING : Une élection présidentielle pour un pays c'est : quel va être notre avenir ? La France a un grand bateau. Quelle direction va-t-on prendre ? Une fois choisie la direction qui va-t-on mettre à la tête de l'équipage ? Mais d'abord, il faut choisir la direction : vous avez des sujets sur l'emploi, l'Europe, les institutions et la corruption, le fonctionnement des institutions politiques, l'identité française et sa protection. Quelle direction va-t-on prendre ? L'UDF – qui va réunir à Vittel vendredi et samedi – va surtout discuter de la direction qu'elle propose pour la France.

E. Cachart : Je répète ma question y a-t-il un scénario possible qui exclut la présence d'un candidat de l'UDF ?

V. GISCARD D'ESTAING : Je n'en sais rien, mais je serai prêt à vous répondre au début de l'année prochaine.

E. Cachart : Vous avez livré, dans le Figaro, les points dominants de votre réflexion sur l'emploi. Avez-vous le sentiment que chacun ait bien perçu l'ensemble des propositions que vous avez formulées ? Beaucoup ont jugé que vos propositions restaient un peu théoriques.

V. GISCARD D'ESTAING : C'est le fruit d'une analyse, d'un raisonnement. Alors, on dit qu'un raisonnement aboutit à des conclusions théoriques… Je crois, au contraire, que j'ai mis le doigt sur quelque chose de tout à fait simple que tout le monde, sans être un spécialiste, peut comprendre : il y a une zone d'exclusion d'emplois en France. Cette zone va du SMIC – 6 010 francs mensuel – au fait que l'entreprise qui doit payer le SMIC doit payer 8 413 francs. Vous ne pouvez pas employer quelqu'un qui ait une valeur de travail comprise entre ces deux chiffres. Cette zone d'exclusion représente 2 500 francs de salaire mensuel. Dans cette zone, vous retrouvez beaucoup des demandeurs d'emploi actuels. C'est-à-dire les travailleurs peu qualifiés, beaucoup de femmes, les jeunes à la recherche de leur premier emploi, Il faut supprimer cette zone d'exclusion lorsque quelqu'un est embauché au SMIC, il doit coûter le voisinage du SMIC à l'entreprise, et non pas le SMIC+ 2 500 francs.

J.-M. Lefèvre : Dans l'allégement des charges, ce sont déjà des recettes qui uni été employées. Cela n'a pas eu de résultats majeurs sur la courbe du chômage.

V. GISCARD D'ESTAING : Parce que c'était trop compliqué. Regardez, les textes qui viennent de sortir, et qui ont été votés il y a quelques mois. Il y a une mesure : le contrat indéterminé à temps partiel annualisé. Comment voulez-vous qu'un petit chef d'entreprise qui a un travail sur le dos toute la journée, qui doit faire face à des taxes commerciales, comptables, bureaucratiques, étudie des mesures pareilles ? Il faut des mesures simples qui s'applique à tout le monde. Pas seulement à ceux qu'on embauche, mais aussi à ceux qui travaillent. On ne va pas avoir deux catégories de travailleurs, au point de vue des charges : ceux qu'on embauche et ceux qui sont au travail. Les grandes mesures paraissent toujours un peu théoriques. Mais c'est par les grandes mesures que l'on règle les problèmes. Quand il a fallu changer la valeur du franc, du temps du général DE GAULLE et de PINAY, c'était une mesure simple qui a remis l'économie sur ses pieds. Quand il a fallu supprimer le contrôle des prix, c'était une mesure simple…

J.-M. Lefèvre : Espérez-vous que, dans la future discussion budgétaire, qu'une ou plusieurs mesures soient prises en ce sens ?

V. GISCARD D'ESTAING : Il y a beaucoup d'hommes politiques qui s'intéressent au sujet. Tous disent maintenant, quelle que soit leur tendance, qu'il va falloir alléger les charges sociales sur les bas salaires. Déjà le problème est posé. Je souhaite qu'on prenne la mesure. Si on prend une mesure massive, on ouvre une zone de création d'emplois qui est de l'ordre de 1 million à 1,5 million de personnes. Cela ne veut pas dire que l'on crée des emplois tout de suite. Mais cela veut dire qu'on peut employer dans cette zone. Puisqu'on va avoir une reprise économique, elle peut devenir créatrice d'emplois. Si on ne prend pas cette mesure, on peut très bien avoir une reprise économique sans beaucoup de création d'emplois, mais plutôt des investissements. Il y a un certain nombre de députés et de sénateurs qui se préoccupent de traduire en propositions de loi ce que l'on propose pour l'emploi. Je vais travailler avec eux, et j'espère que nous pourrons déposer un texte devant le parlement.