Interview de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, dans "National Hebdo" du 5 octobre 1994, sur le port du foulard islamique et la politique de l'immigration.

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Média : National Hebdo

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NH - Quelle est la portée de ce que l'on nomme les « incidents de banlieue ? » Croyez-vous que les médias les minimisent ?

Jean-Marie Le Pen - Il est tout à fait certain que les médias les minimisent. Ils suivent en cela une consigne générale qui porte à la fois sur l'énumération des faits, l'appréciation qu'on en fait, leur signification. Je vous en rappelle un seul exemple : le mot « jeunes » tant à masquer que, dans l'immense majorité des cas, les « incidents » sont le fait d'immigrés, jeunes ou autres. Tant et si bien que l'on apprend parfois qu'un « jeune » a 48 ans et qu'il est clandestin. Il y a une volonté très nette de l'Etablissement de cacher aux Français la vraie nature des « incidents de banlieue ».

NH - Alors qu'on leur donnait naguère pour cause des présumées « bavures policières », plusieurs sociologue parlent maintenant « d'une guerre de clan à l'américaine », que vous redoutiez dès 1987. Peut-elle s'étendre ? Craignez-vous un embrasement général ? De quelle force dispose l'Etat pour s'y opposer ?

- La présence d'étrangers inassimilés parce que non assimilables, compte tenu de leur nombre, constitue un danger mortel pour l'Etat et les citoyens. La sécurité, première des libertés pour les citoyens, n'est plus assurée, d'où un stress permanent pour les plus faibles qui ne sont pas capable de se défendre, qu'on dissuade de se défendre, et qu'on sanctionne s'il leur prend la fantaisie de se défendre. Hélas cette tendance s'accentue, et je ne pense pas que l'on puisse faire face demain à une situation à la libanaise qui pourrait en résulter. Je ne dis pas c'est forcé, mais c'est possible. Et je crois qu'il est du devoir de l'Etat de se donner, dans cette hypothèse, les moyens politiques, policiers et même militaires d'y répondre - ce dont il est incapable aujourd'hui.
J'ajoute que la présence chez nous d'immigrés ouvre aux pays dont ils sont originaires une sorte de « droit d'ingérence » qui affaiblit considérablement notre indépendance.

NH - Y a-t-il « quatre cents quartiers chauds » comme le prétendent les médias, ou bien n'importe quelle banlieue d'immigration peut-elle demain basculer ?

- N'importe quelle banlieue d'immigration peut basculer à propos de n'importe quel évènement susceptible d'une répercussion médiatique provocatrice. Cela est aggravée par deux facteur techniques particulièrement sensible en région parisienne : 1°) Comme en 68 déjà, l'extrême stupidité des informations, radios ou télévisées. 2°) L'extrême mobilité des « jeunes » grâce aux moyens de transport.

NH - Libération parle du « Plan secret du gouvernement » pour accueillir les « réfugiés d'Algérie ». Cela aussi vous l'annonciez depuis longtemps. Croyez-vous que l'afflux massif de réfugiés influera sur la situation déjà existante ?

- Elle peut agir ou renforcer le volume d'étrangers et constitué un élément supplémentaire de conflits entre les communautés algériennes ; et entre les communautés musulmanes. Les bruits se multiplient à tous les niveaux, sur une vaste opération de réception de masse par Charles Pasqua.

NH - Comment apprécier alors ces déclarations de guerre à l'islamisme ?

- Cette contradiction est claire comme le jour. La lutte proclamée de fier-à-bras contre le prétendu islamisme sert à justifier l'appui donné au FLN, dont les gaullistes sont les amis - et les obligés - de toujours. Cela risque bien évidement de déboucher sur une double guerre civile algéro-algérienne en France et en Algérie. Et cela n'a rien de nouveau. On a connu cela pendant la guerre d'Algérie entre le MNA et le FLN. J'ai vu personnellement, à l'époque, des patrouilles du FLN avec leurs brassards dans les rues du XVe arrondissement de Paris. On leur avait concédé le pouvoir de faire la loi permis leur communauté.  Nihil novi sub sole.

NH - Quelles mesures d'urgence préconise le FNL ?

1) Inverser le courant de l'immigration
2) Refuser tout réfugié. Même si leur situation est tragique, elle est de leur fait, elle procède de leur dictature. Ils sont victimes de procédés dont ils ont usé contre les Français et les musulmans fidèles à la France. D'ailleurs, s'ils veulent fuir, pourquoi ne choisissent ils pas des pays limitrophes, ou bien les parangons des droits de l'Homme que sont les Etats-Unis, le Canada ou l'Australie ?

NH - Si le FIS prend le pouvoir, comment peut-on l'aider à rapatrier ses nationaux ?

- A partir du moment où l'on aura à faire à un gouvernement démocratiquement désigné, il deviendra plus facile de parler qu'avec une dictature militaire FNL. Le FIS professe sa volonté de respecter ses concitoyens. S'il devait revenir sur ses engagements, étant donné que l'Algérie vie sur les accords économiques qu'elle a passé avec la France, nous ne manquons pas de moyens de coercition pacifiques et légitimes. Mais je préfère envisager d'abord la négociation et la bonne entente entre gouvernements légitimes.
Il faut comprendre que, si nous ne voulons pas d'islamisme en France, nous n'avons rien contre l'islam dans son aire de civilisation.

NH - Précisément : quid la grande mosquée de Lyon ?

- La question qu'elle pose n'est pas la pratique d'une religion minoritaire et récente en France, mais celle de l'implantation d'une influence étrangère, grâce aux moyens financiers de l'Arabie Saoudite, et des islamistes. Je me résumerai d'une phrase : oui à la liberté de conscience. Non à la conquête religieuse et culturelle.

NH - Conquête ? Une des querelles qui vous sont faites tient au nombre des immigrés : y a-t-il un moyen de quantifier l'invasion en cours ?

- M. Barreau a évalué à 10 millions le nombre d'étrangers entrés en France en 30 ans. Et ce n'est pas moi qui ai dit que avant la fin du siècle l'Ile-de-France sera majoritairement étrangère, c'est un haut fonctionnaire socialiste.
J'observe qu'on dégonfle chaque année le nombre d'étrangers de ceux qui acquièrent, de façon purement formelle, la nationalité française. Alors, qui empêche un véritable dénombrement des étrangers ?

NH - Que pensez-vous de l'évolution du mot « intégration » depuis la guerre d'Algérie ?

- C'est assez gag. L'objectif des partisans de l'Algérie française était l'intégration, celle de l'Algérie à la France, et celle des populations à la communauté française. C'était un objectif noble et légitime dans la mesure où les départements d'Algérie étaient français, et où les musulmans étaient victimes d'une discrimination raciste depuis le décret Crémeux qui avait accordé la nationalité aux seuls autochtones israélites.
Mais aujourd'hui l'intégration ne peut être qu'un geste de volonté individuelle : il faut que l'impétrant souhaite devenir français, en fasse la demande, et soit accepté par la communauté nationale. Ces choses-là ressemblent au mariage, et il est clair, qu'elles qu'en fussent les circonstances, que les référendums de séparation ont été massifs en 1962. Les peuples algériens et français n'ont pas voulu vivre ensemble. Aujourd'hui, je souhaite qu'ils entretiennent les meilleurs rapports possibles, mais dans le cadre d'une relation ordinaire d'Etat à Etat.

NH - Quelle est l'importance des « foulards » ? En particulier, comment jugez-vous les tribunaux administratifs qui déjugent l'Education nationale ? Les corps constitués ne se liguent-ils pas avec le pouvoir politique pour désintégrer la République ?

- Nous sommes effectivement en période de désintégration plutôt que d'intégration. L'autorité n'est plus respectée, les tribunaux se prononcent à l'encontre des lois. Cela constitue un épisode de la grande guerre entre mondialises et nationalistes, entre patriotes et cosmopolites.

NH - Croyez-vous qu'un appel solennel au pays arabes et aux activistes musulmans, pourrait hâter le retour dans l'ordre d'une bonne part d'immigrés dans leurs pays ?

- Si j'étais au pouvoir, oui. Ce genre d'initiative est d'ailleurs à notre programme. Dans le respect de la justice, et la dignité de tous. Nous n'avons rien contre l'islam, mais on ne peut intégrer quelqu'un, même individuellement, si notre pays, notre civilisation, n'exerce pas sur lui une attraction forte. Etre citoyen suppose des droits et des devoirs, qui signifient que l'on peut vivre ensemble, alors aujourd'hui beaucoup d'immigrés ne viennent chez nous que pour profiter de certains avantages.
Par aveuglement ou idéologie nous accumulons tranquillement les conditions du désordre et de l'affrontement. C'est une sottise mortelle.