Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur le Crédit agricole, son soutien au développement local et la modernisation des prêts bonifiés, à Paris le 27 septembre 1994.

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Circonstance : Célébration du centenaire du Crédit agricole, le 27 septembre 1994

Texte intégral

Messieurs les Présidents,
Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,

Le Crédit Agricole a cent ans. Je voudrais d'abord vous dire la satisfaction qui est la mienne de célébrer avec vous cet anniversaire prestigieux.

Comment devient-on en un siècle une des institutions bancaires les plus représentatives de l'histoire d'un pays, une des plus appréciées, au point de gagner la confiance d'un tiers de sa population ?

La qualité de ses ambitions et la valeur des hommes en sont assurément l'explication, mais aussi le lien qui unit originellement le Crédit Agricole à la terre, l'esprit républicain qui présida à la création des caisses régionales et la vocation mutualiste du Crédit Agricole qui ont donné à cette grande banque un visage humain, solidaire et responsable.

En entretenant un dialogue constant avec l'État, le Crédit Agricole a, tout au long de son histoire, étendu ses compétences et élargi ses activités.

Le Crédit Agricole a construit son développement sur un double fondement : d'une part les étroites relations qu'il entretient avec l'agriculture et le monde rural auxquels les Français sont très attachés ; d'autre part, les liens solides et souples qui l'ont uni à l'État.

Les premières caisses locales, nées d'initiatives privées d'agriculteurs, sont apparues dès 1885. En 1894, il y a tout juste cent ans, l'État a souhaité définir le cadre commun des statuts de ces caisses. En 1899, une autre loi créa les caisses régionales. Fondée en 1926, la Caisse Nationale du Crédit Agricole a associé, de manière originale pendant plus de soixante ans, les caisses régionales, organismes de droit privé, à un échelon central, régi par le droit public.

C'est en 1966 que le Crédit Agricole acquiert, après la réforme bancaire initiée par M. Debré, son autonomie financière. L'activité du Crédit Agricole était alors étendue à l'ensemble du monde rural. Dix ans plus tard, elle gagnait les villes. La mutualisation, que j'ai mise en œuvre en 1987, a permis aux caisses régionales et aux salariés de devenir propriétaires de la Caisse Nationale et d'adapter les statuts de votre réseau aux réalités de notre époque.

Le nombre et l'origine de vos sociétaires ont changé. Les formes que prend le mutualisme ont évolué, mais le Crédit Agricole reste fidèle à sa vocation première : il est d'abord la banque de l'agriculture et des agriculteurs. Vous l'avez rappelé, le rôle de la banque mutualiste des agriculteurs a dû évoluer pour répondre aux nouvelles missions qui sont les siennes.

La mutualisation de la Caisse Nationale et la banalisation de la distribution des prêts bonifiés par l'État ont permis au Crédit Agricole de montrer son attachement à servir ses clients agriculteurs. La part que vous représentez dans le financement de l'agriculture est restée prépondérante : soit 84 % des crédits attribués à ce secteur et plus de 90 % des prêts bonifiés par l'État.

Cette politique de bonification des prêts que mène l'État, est, pour notre agriculture, un grand atout. Le maintien de cette aide à l'investissement est nécessaire, parce que l'agriculture est une activité où le coût de l'investissement est extrêmement lourd. Cette aide est particulièrement nécessaire pour les jeunes qui s'installent. Ils sont l'avenir de leur profession et ils concourent, pour une part, à l'avenir de notre pays.

Ces dernières années ont été marquées par la crainte d'évolutions néfastes de l'environnement international. Les règles du jeu sont désormais claires : la réforme de la Politique Agricole Commune a été aménagée. L'accord obtenu dans le cadre du cycle d'Uruguay permet de préserver la capacité exportatrice de l'Europe. En définissant une clause de paix de neuf ans, il met fin à de nombreuses incertitudes.

L'État doit donc veiller à ce que l'appareil de production soit adapté aux besoins présents et futurs de notre économie. C'est l'objet du projet de loi de modernisation de l'agriculture, qui est en cours de préparation, et dont je m'entretiendrai très prochainement avec les représentants de la profession.

Pour les financements, j'ai décidé sur la proposition du ministre de l'Agriculture, d'importantes mesures de relance des prêts bonifiés. Les taux ont été abaissés, les plafonds relevés, la réglementation assouplie. Les efforts ont, notamment, porté sur l'aide à l'installation des jeunes et sur la mise en place d'un dispositif efficace de consolidation financière des dettes des agriculteurs.

Le Crédit Agricole s'est associé à ces actions. Le bénéfice tiré de la collecte des dépôts des notaires en milieu rural a permis de constituer le fonds d'allègement des charges financières des agriculteurs. Le Crédit Agricole a activement participé à la mise en œuvre des prêts bonifiés de consolidation.

Je me félicite de la collaboration qui s'est instaurée entre les caisses régionales, la Caisse Nationale et l'État, pour que ces décisions soient au plus vite réalisées.

Grâce à ces dispositions et grâce à la baisse des taux d'intérêt, les charges financières des agriculteurs se sont allégées. Cette réduction a atteint 9 % en 1993, elle devrait se poursuivre en 1994.

Notre agriculture est confrontée à de nombreux défis. Il nous faut continuer à encourager l'installation des jeunes, à améliorer la performance des exploitations agricoles, à préserver l'équilibre économique et social de nos campagnes. Pour cela, les aides publiques, et en particulier celles consenties sous forme de prêts bonifiés, gagneront à être modernisées.

Un tel objectif est ambitieux. Il requiert une concertation approfondie entre les pouvoirs publics, les organisations professionnelles agricoles et les établissements de crédit. Votre profonde connaissance du milieu agricole et votre compétence financière nous seront précieuses.

Mais le Crédit Agricole n'est pas seulement la banque de l'agriculture il est aussi la première banque des particuliers.

Le Crédit Agricole draine l'épargne d'un Français sur trois - que ce soit sous forme d'épargne logement, de CODEVI, de PEA ou de PEP. Il est donc un interlocuteur et un intermédiaire privilégié pour placer, auprès d'un public qu'il connaît bien et dont il est connu, les actions des sociétés privatisées ou des emprunts d'État, comme celui que j'ai lancé l'an dernier. Je souhaite que votre réseau contribue aussi dans les mois à venir au placement direct des titres d'État auprès des épargnants, placement qui vient d'être annoncé par le ministre de l'Économie.

Longtemps l'État a accompagné le Crédit Agricole dans son évolution. Aujourd'hui, il vous appartient de soutenir la reprise économique à laquelle le Gouvernement voue tous ses efforts depuis dix-huit mois.

Depuis 15 mois, en effet, le gouvernement a mis en œuvre une politique destinée à favoriser le financement de l'économie par les banques : baisse des taux d'intérêt, réforme de la fiscalité des dépôts bancaires, mesures en faveur des PME et de l'immobilier.

De plus la réforme de la loi sur les faillites a doté les créanciers d'un statut juridique plus sûr et créé un climat favorable à la relance des crédits accordés aux entreprises. Par ailleurs, l'équilibre atteint dans le traitement du surendettement des particuliers ne sera pas mis en cause par le projet de loi sur la modernisation de la Justice. Les commissions de surendettement veilleront simplement à faciliter le travail de la Justice, sans que cela affecte en rien la sécurité juridique des créanciers.

Appelé à être de plus en plus attentif aux besoins des ménages, comme à ceux des entreprises, le Crédit Agricole doit être un acteur important dans la mise en œuvre de la politique de redressement du pays.

L'avenir pour lequel nous travaillons est celui de tous les Français, de toutes les régions de France.

Plus de la moitié des guichets bancaires situés en zone rurale dépend du Crédit Agricole. Encore renforcée par l'originale formule des « points Verts », créée en partenariat avec les commerçants, cette présence vous permet d'assurer un service bancaire de qualité sur l'ensemble du territoire, jusque dans les plus petits villages. Un tiers des prêts principaux consentis au logement sont réalisés dans les communes de moins de 5 000 habitants. Le Crédit Agricole représente 73 000 emplois dans la France entière. Je suis heureux que le contrat de progrès que la Fédération Nationale du Crédit Agricole a signé l'an dernier avec le Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle ait contribué à l'embauche de 1 200 jeunes. Le Crédit Agricole a donc un rôle de premier plan à jouer dans l'aménagement et le développement de notre territoire.

Les initiatives, que vous avez prises récemment pour favoriser la relance de l'activité économique, en témoignent. La mise en place, en 1993, de financements privilégiés au profit des communes, dans le cadre d'un accord passé avec la profession du bâtiment et des travaux publics ; votre participation, en janvier dernier, à l'opération « Mille villages » lancée par le Ministre des Entreprises et du Développement Économique ; la signature toute récente d'une convention pour aider les entrepreneurs individuels en matière financière et bancaire. Tout cela montre le soutien que le Crédit Agricole peut apporter au développement local.

Enfin, le Crédit Agricole a adhéré à la Charte des services bancaires de base. Au moment où la France connaît, notamment à cause de la montée du chômage issue de la crise, des phénomènes d'exclusion sociale de plus en plus marqués, l'exclusion bancaire est souvent une étape dramatique, au même titre que les problèmes de logement.

Je souhaite que le Crédit Agricole et l'ensemble des banques appliquent cette Charte avec le sens de la solidarité qui a toujours caractérisé le développement de votre institution.

Le Crédit Agricole est né des mutations profondes qui ont marqué l'économie et la société à la fin du siècle dernier, dans une France à dominante rurale qui sentait grandir le besoin d'une plus grande justice et où, malgré de grandes difficultés, les traits d'une agriculture moderne commençaient à se dessiner, où l'esprit d'association se développait.

Un siècle plus tard, le Crédit Agricole peut encore aider la France à sortir, cette fois-ci, de la plus importante récession qu'elle ait connue depuis la Deuxième Guerre Mondiale.

En restant proche des citoyens, en soutenant les entreprises françaises, en participant à l'aménagement du territoire, le Crédit Agricole s'affermira encore et nous prêtera main forte dans cette œuvre ambitieuse que le Gouvernement a entreprise : accompagner les mutations, dès lors qu'elles sont nécessaires et inévitables et aider à l'édification d'un nouvel exemple français.