Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
C'est avec grand plaisir que j'ai accepté l'invitation des organisateurs de ces 10e rencontres Nationales de Pharmacologie Clinique de venir prendre la parole devant vous.
Pourquoi venir à Giens ?
Je crois qu'il est très important que le Ministre de la Santé vienne témoigner par sa présence de tout intérêt qu'il porte à ces Rencontres nationales organisées par l'Agence du médicament, le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, l'INSERM et le Syndicat national de l'Industrie pharmaceutique, avec l'aide, cette année, des assistances Publiques de Paris et de Marseille.
Je sais en effet que ces rencontres de Giens ne sont pas un Congrès comme les autres, mais une réunion très originale tout à fait dans la tradition anglo-saxonne des séminaires ou ateliers de travail :
1. Les rencontres de Giens sont originales, elles font se côtoyer pendant 2 jours des hospitalo-universitaires, des chercheurs INSERM et des médecins et pharmaciens de l'industrie pharmaceutique.
2. Elles sont originales également car vous y travaillez réellement – 7 heures de réflexion en table ronde – dans le cadre merveilleux de la presqu'île de Giens, mais loin du bruit et de la cohue des congrès et des palaces internationaux.
3. Elles sont originales enfin, car vous planchez sur des problèmes complexes de méthodologie des essais cliniques des médicaments, cherchant à définir les fondements rationnels des orientations à donner dans les recherches en pharmacologie clinique.
Ces rencontres sont particulièrement importantes cette année, car elles permettent dix ans après de regarder derrière soi le chemin parcouru. La pharmacologie clinique est désormais implantée dans les centres hospitalo-universitaires.
Elle est reconnue et joue déjà un rôle important dans le développement de la recherche clinique, l'information des cliniciens sur les prescriptions et l'utilisation des médicaments, dans l'ajustement des traitements par les dosages biologiques et dans le recueil et l'exploitation des effets indésirables des médicaments.
Ainsi, il apparaît clairement aujourd'hui que les différentes facettes de la pharmacologie, pharmacologie clinique, pharmacovigilance, suivi des traitements, information pharmaco-thérapeutique, doivent être assumées par une équipe hospitalo-universitaire regroupant les compétences variées.
Ce chemin parcouru depuis 10 ans est satisfaisant mais cela ne suffit pas.
Il faut aller plus loin et ces Rencontres sont aussi l'occasion d'une réflexion sur l'avenir, réflexion qui ne peut se dérouler sans prendre en compte les changements survenus ou prévisibles dans votre environnement.
Enfin ces rencontres vous permettent non seulement de structurer votre discipline, mais également de remettre en question l'organisation de relations qui existent entre les centres de pharmacologie clinique, l'Agence du médicament, les centres hospitalo-universitaires et les laboratoires pharmaceutiques.
Qu'est-ce qui a changé et quelle est l'évolution prévisible dans le domaine du médicament ?
Deux éléments nouveaux importants modifient déjà notre environnement, la création de l'Agence du médicament et la distribution des crédits de recherche clinique par les ministère des affaires Sociales, de la Santé et de la Ville.
L'Agence du médicament est un établissement public administratif auquel les pouvoirs publics ont souhaité donner une grande autonomie de décision et de responsabilité. Dotée de moyens importants, recrutant progressivement ses personnels, l'Agence est devenue votre interlocuteur privilégié dans le domaine du médicament.
Nombre d'entre vous participent à la vie des commissions de l'Agence et ont contribué aussi au grand renom de la qualité scientifique de l'expertise des dossiers français.
Il faut que les centres de pharmacologie clinique redéfinissent leurs relations avec l'Agence. Il s'agit d'un objectif important que j'avais soumis à la réflexion des membres du Conseil Scientifique de l'Agence, lors de son inauguration le 20 janvier dernier.
Je sais que vous avez réfléchi ce matin à l'évolution à donner au réseau des centres de pharmacologie, qui seraient liés à l'Agence par des contrats de recherche. Je ne peux que vous engagez à aller dans cette voie.
Les centres hospitaliers de pharmacologie doivent être, dans leur CHU, fédérateurs des uns et des autres dans le domaine de la recherche sur les médicaments.
Il est fini le temps où chacun, isolément, se livrait à des recherches préférées sans savoir si finalement elles correspondaient à un réel besoin de santé publique où si elles s'intégraient dans un ensemble national ou régional cohérent.
Je crois qu'aujourd'hui, l'Agence du médicament, grâce aux réflexions menées par son Conseil Scientifique, doit lancer des appels d'offres en vue de passer des contrats de recherche dans les domaines qui lui semblent les plus importants.
Il est certain que des domaines comme la pharmaco-épidémiologie, la pharmaco-économie, la thérapie cellulaire, la thérapie génique ou les variations génétiques du métabolisme des médicaments, constituent des axes de recherches porteurs d'avenir et sur lesquels les pharmacologues peuvent rassembler les compétences des services cliniques, des unités INSERM et des services des pharmacies hospitalières.
L'autre élément nouveau de votre environnement est l'unification des hôpitaux dans la recherche clinique grâce aux crédits spécifiques dégagés à cette fin.
Ces crédits attribués par une commission nationale avec l'aide des Délégations à la Recherche Clinique ont en effet matérialisé la décision du ministère de soutenir la recherche.
La création des premiers centres d'investigation clinique par le ministère de la santé et l'INSERM est venue également concrétiser l'orientation de notre politique dans ce domaine.
Les pharmacologues, par leur connaissance de la méthodologie et des conditions d'étude des médicaments doivent avoir une place importante car fédératrice dans les actions de recherche clinique, qu'il s'agisse de l'organisation d'essais multicentriques ou d'études à réaliser dans les CIC. La recherche clinique, cela ne se décide pas dans un bureau, cela s'organise sur le terrain en tissant patiemment des liens entre les hommes.
Maintenant, qu'est-ce qui va changer dans les prochaines années ?
Tout d'abord, l'économie et l'épidémiologie prendront une place de plus en plus importante dans l'évaluation des médicaments et des stratégies thérapeutiques.
L'Agence du médicament possède, grâce aux centres de pharmacologie et de pharmacovigilance, l'expertise nécessaire pour faire face à ces nouvelles demandes et assure la couverture géographique de tout le territoire national.
Les décisions des politiques et des administrateurs dans les domaines des médicaments et des thérapeutiques seront de plus en plus influencées par l'économie, l'épidémiologie et la santé publique. Ces décisions devront être fondées sur des études scientifiques sérieuses. C'est pourquoi je pense que l'Agence du médicament doit soutenir des recherches dans ces domaines.
Ensuite, de nouveaux espaces sont en train de s'ouvrir en recherche clinique, comme la thérapie génique et la thérapie cellulaire.
La mission de réflexion que j'avais confiée en janvier dernier au Conseil Scientifique de l'Agence vient de donner lieu à un rapport que m'ont remis les Prs Cano et Fisher. Je tiens à les remercier pour le travail qu'ils ont accompli et nous allons voir dans les semaines qui viennent les décisions que nous pouvons prendre pour activer les recherches dans ces domaines, dans le respect de l'éthique et la loi.
Dans ces recherches aussi, les pharmacologues devraient être présents, car les enjeux sont importants et leurs compétences seront extrêmement utiles.
Ensuite, la création de l'Agence européenne va modifier les conditions d'enregistrement des nouveaux médicaments et les rapports des firmes avec les Agences nationales.
Je suis heureux de voir que vous avez inscrit ce thème à l'ordre du jour de votre réunion et je tiens à saluer la présence parmi nous de Fernand Sauer, Directeur général de l'Agence européenne, du Pr Jean-Michel Alexandre, Président du Comité des Spécialités Pharmaceutiques, et de Didier Tabureau, directeur général de l'Agence du médicament.
Une réflexion sur l'évolution des relations entre les industriels et la Commission d'AMM a été entreprise par le Conseil Scientifique de l'Agence. Je crois que c'est indispensable tant se sont complexifiées les recommandations pour la constitution des dossiers d'enregistrement des nouveaux médicaments, et tant il est important pour les industriels et les pouvoirs publics de ne pas perdre de temps lors du développement des nouvelles molécules.
Il faut que l'industrie pharmaceutique trouve auprès de l'Agence ou d'experts désignés par elle une écoute attentive à ses questions concernant les dossiers d'enregistrement et que le développement clinique du médicament soit accompagné par des avis officiels des autorités de l'Agence.
Je ne serai pas là demain soir pour entendre votre débat sur l'accompagnement du dossier d'enregistrement, mais je serai très attentif au compte-rendu que m'en fera Patrice Jaillon.
Enfin, dernier point, l'industrie pharmaceutique change. Les phénomènes de concentration industrielle et de mondialisation des décisions entraîneront sûrement dans les années à venir des bouleversements importants dans les rapports des centres de pharmacologie avec les laboratoires pharmaceutiques.
Dans ce sens, les regroupements de compétences multidisciplinaires autour d'un projet ou dans un domaine particulier, regroupant des chercheurs et des cliniciens, menés à l'échelle de la France ou de l'Europe, devraient grandement favoriser le développement des relations avec les groupes industriels investis dans la recherche pharmacologique.
Pourquoi ne pas envisager, comme cela se fait déjà dans d'autres domaines, que des programmes de recherches coûteux soient subventionnés à la fois par les fonds publics et l'industrie pharmaceutique et que cette collaboration soit officiellement encouragée afin d'atteindre la taille financière critique nécessaire à la réalisation de projets ambitieux ?
Il s'agit là d'un sujet sur lequel j'aimerais recueillir l'avis de l'Agence du médicament.
Voilà ce que je voulais dire aujourd'hui. L'environnement évolue mais vous avez su, grâce à ces rencontres annuelles maintenir un haut niveau de réflexion concernant les problèmes de votre discipline.
Les 6 thèmes de travail de vos tables-rondes sont extrêmement intéressants, et j'aurais souhaité disposer de plus de temps pour participer aux travaux de certaines d'entre elles qui m'intéressent au plus haut point.
Avant de conclure mon propos, je souhaite vous dire combien je crois à la place de la pharmacologie dans nos CHU.
Votre discipline est une discipline d'interface. Elle vous donne donc la possibilité de vous adresser à des interlocuteurs d'horizons divers.
Que ce soit pour la formation des étudiants en médecine, puis des médecins prescripteurs, pour l'information pharmaco-thérapeutique que vous apportez, pour les compétences que vous avez acquises dans la méthodologie des essais cliniques, pour le recueil et la documentation des effets indésirables des médicaments, pour la mise en route de la pharmaco-épidémiologie et de la pharmaco-économie, dans tous ces domaines vous devrez exercer vos talents de rassembleurs et de fédérateurs.
Je souhaite le plus grand succès à vos travaux pour les deux jours à venir.
Je vous remercie.