Déclarations de M. Philippe Mestre, ministre des anciens combattants et victimes de guerre, sur le rôle des résistants et leur jonction avec les troupes alliées pour la Libération de la France, La Roche-sur-Yon et Nod-sur-Seine le 17 septembre 1994.

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Circonstance : Commémoration du cinquantenaire de la Libération de la Roche-sur-Yon et de Nod-sur-Seine le 17 septembre 1994

Texte intégral

Allocution de monsieur Philippe Mestre, ministre des Anciens combattants et Victimes de guerre aux cinquantenaire de la libération de La Roche-Sur-Yon, le 17 septembre 1994

Je n'essaierai pas de dissimuler mon émotion au moment de prendre la parole à la Roche-sur-Yon pour célébrer le cinquantenaire de la libération du chef-lieu de la Vendée : elle tient à plusieurs motifs.

D'abord, le vendéen que je suis, ressent pleinement l'honneur de représenter aujourd'hui le Gouvernement dans son pays d'origine.

Ensuite, puisque nous venons de rappeler la mémoire du premier préfet de la libération en dévoilant une plaque où figure son nom, je ne peux pas oublier que j'ai moi-même appartenu au corps préfectoral.

Enfin, c'est la résistance qui est à l'honneur aujourd'hui en Vendée et j'ai participé à son combat à Paris avant de rejoindre les rangs de la 2e DB.

C'est vous dire combien je suis heureux et fier de me trouver parmi vous pour présider cette manifestation qui prend place dans les cérémonies du cinquantenaire des débarquements et de la libération de la France.

Nous pouvons ainsi revivre ensemble des moments qui comptent dans l'histoire de La Roche-sur-Yon, dans l'histoire de la Vendée, notre histoire.

Bien des acteurs de ces temps d'exception nous ont quittés. Notre pensée ne peut manquer d'aller vers eux en ce jour. Ils continuent à vivre à jamais dans nos mémoires. Ainsi de Léon Martin, préfet de la libération, ancien combattant valeureux de la première guerre mondiale, qui mit tout son cœur dans l'œuvre de reconstruction de notre pays. Nous avons, tout à l'heure, dévoilé une plaque à son nom à la préfecture. Il était juste que le souvenir du préfet Léon Martin soit évoqué aujourd'hui et que soit perpétuée sa mémoire, en témoignage ému de la reconnaissance des Vendéens pour son engagement dans la résistance.

D'autres acteurs de la libération sont présents parmi nous et je voudrais leur exprimer toute notre estime et toute notre reconnaissance pour avoir si bien servi la liberté et la France.

Quand éclate la nouvelle de l'Armistice, quand l'exode jette sur les routes des dizaines et des dizaines de milliers de Français dont bon nombre, originaires des Ardennes, viendront trouver refuge ici, quand les troupes d'occupation s'installent le 22 juin 1940, alors tout paraît perdu, irrémédiablement. La France est vaincue, la République abolie.

Depuis Londres, une voix s'élève, la voix du général de Gaulle. Elle appelle à l'espoir, elle exhorte au combat.

Ici-même, des hommes et des femmes relèvent la tête ; il m'est impossible de citer tous leurs noms et vous me le pardonnerez. Le seul idéal de liberté les a réunis ; ils ont recherché en eux-mêmes, hors de tout commandement, où était leur devoir.

Pour eux, il y a la France, occupée, asservie, bafouée. Là où certains se résignent à ce qui peut sembler inévitable, ils ne renoncent pas à combattre, ils ont l'intuition du chemin à parcourir.

Ces soldats de l'ombre manquent cruellement de moyens. Et pourtant, l'aberrante disproportion des forces ne les décourage pas, pas plus que leur inexpérience de la lutte, ni la crainte des souffrances et des sacrifices qui les attendent.

Ils vont donner ses lettres de noblesse à un mot qui va rallier de plus en plus de cœurs : la résistance.

Qu'écrit Maxime Dervieux le 6 juin 1944 ? : « Je suis en possession de sept mitraillettes, récupération d'un parachutage OCM auquel participait le fils de mon adjoint. Ces mitraillettes seront les premières armes qui serviront à la libération du département. »

C'est ainsi que, parallèlement aux batailles du front, à celles où s'affrontent les hommes et les matériels, se déroule un autre combat, celui qui, dans l'ombre, prépare la libération de la Vendée.

À La Roche-sur-Yon et en d'autres lieux, se tiennent nombre de réunions secrètes, notamment celles d'où sortira le Comité départemental de libération de la Vendée. La lutte s'organise, se structure, s'amplifie jusqu'à cette date mémorable : la libération de la ville le 17 septembre 1944.

17 septembre 1994. Un demi-siècle a passé.

Je souhaite que de tous les sentiments suscités par les autres : la fidélité.

Souvenons-nous, avec reconnaissance et gratitude, des immenses sacrifices consentis par les alliés dans les combats de la seconde guerre mondiale, comme dans ceux de la première.

N'oublions pas ces moments extraordinaires où La Roche-sur-Yon, libérée, vibrait d'émotion.

Souvenons-nous aussi, à jamais, de ce puissant effort d'ensemble de la Résistance, qui allait se déployer d'ouest en est, du sud au nord de la France, en pleine occupation, avec de bien pauvres moyens et malgré une répression terrible. Elle a donné la mesure de ce patriotisme qui est en nous « comme une eau dormante », selon la belle expression d'André Malraux, et qui se dresse en une vague puissante lorsqu'il s'agit de combattre pour la liberté.


Allocution de monsieur Philippe Mestre, ministre des Anciens combattants et Victimes de guerre, à Nod-sur-Seine, le 17 septembre 1994

Notre rencontre, en ce jour, en ce lieu, nous renvoie à l'image d'une autre rencontre, celle d'il y a cinquante ans, d'un de ces moments privilégiés où soudain, après de grands malheurs, après de grandes souffrances, tout bascule dans la joie et dans l'espérance, quant renaît cette alliance qui fait la force des armées, d'un peuple et d'une France renouant avec sa grandeur dans l'unité retrouvée.

Il est un symbole très fort qui parle à nos cœurs et à nos mémoires : Nod-sur-Seine ; quand se rencontrent deux armées qui sont la France dans sa diversité et sa liberté retrouvée, deux armées qui rivalisent de vaillance et d'ardeur pour rendre à notre pays son honneur et son intégrité territoriale.

Robert Aron, dans son « Histoire de la libération de la France », a fait revivre l'événement :

« Sur la nationale, en face de l'emplacement qui devait être occupé plus tard par la borne souvenir, devant les fenêtres de la maison de Pierre Garnier, l'architecte qui l'édifiera, ainsi qu'un très sobre et très harmonieux monument commémoratif, une antenne radio de la 2e DB tente d'entrer en communication avec les éléments de la 1ère DFL : “N comme Nicolas, O comme Oscar, D comme Désiré”, psalmodie son émetteur, préférant ne pas dire en clair qu'il est installé à Nod. La population du village a dévalé jusqu'à la route : victuailles, bouteilles de vieux vins sont sorties de leurs cachettes… On attend maintenant l'arrivée de la division Leclerc. Tout le village descend la pente, juste à temps pour voir le capitaine Guépard de la 1ère DFL serrer la main du capitaine Gaudet, au pied d'un orme centenaire… »

Nod-sur-Seine est entré dans la légende.

Cependant, en même temps que la jonction principale avait lieu à Nod, d'autres contacts étaient établis entre les deux divisions, notamment à Courceau, à Saint-Marc, à Aisey.

Il est un autre symbole très fort qui parle à nos cœurs et à nos mémoires : c'est celui de la résistance, de ces nombreux maquis qui ont pris tant de risques jusqu'à la libération de la Côte d'Or.

Avec le recul du temps, les événements n'ont rien perdu de leur grandeur ni de leur signification. Grandeur d'une libération à laquelle nul ne pouvait rester insensible. Grandeur dans l'acceptation du sacrifice, comme dans le refus de la servitude.

Les hommes et les femmes auxquels nous rendons hommage ce jour, nous ont laissé un message et donné un exemple : l'exemple de leur détermination et, quand il l'a fallu, de leur unité. Ils ont su renverser tous les obstacles sans lesquels rien n'aurait pu s'accomplir.

Comment oublier celles et ceux qui se sont levés au nom de la France asservie, bafouée, bâillonnée, martyrisée, comment oublier les sacrifices de la Résistance qui ont aidé et accompagné les débarquements libérateurs tant en Normandie qu'en Provence !

Comment oublier la marche triomphale de la 2e DB du général Leclerc et de la 1ère Armée du général de Lattre dont les mouvements parfaitement ordonnés et combinés forçaient le cours des événements, hâtaient l'heure de la libération !

La même volonté de vaincre, le même élan, unissaient et portaient ces braves qui se sont trouvés au rendez-vous qu'ils s'étaient fixés avec l'histoire.

C'est à ces soldats, à ces patriotes, à ces combattants fiers et généreux qui refusaient l'oppression, l'injustice, qui portaient dans leur cœur le drame de la France, qui ont reconquis le sol de la France, que nous dédions cette cérémonie, nous leur devons notre liberté, notre honneur et cette fierté retrouvée.

En saluant vos drapeaux et vos étendards chargés de gloire, je pense bien sûr à tous ceux qui sont morts, mais aussi je rends hommage à tous ceux qui étaient prêts à mourir, à tous ceux présents et absents qui ont partagé l'honneur de cette épopée, qui ont lié leur destinée au sort de leur patrie, qui ont rendu notre pays au rang où il fut toujours, c'est-à-dire au rang des plus grands dans le monde.

Hommage soit également rendu aux troupes de nos alliés qui, dans un élan irrésistible, ont précédé, préparé, accompagné et rendu possible notre libération.

Aujourd'hui, un devoir nous incombe : construire un avenir digne de l'ambition qui fut nôtre, qui fut celle des combattants de la 2e DB et de la 1ère DFL, digne du sens et de la valeur que nous avons su donner au mot de liberté, un avenir où la jeunesse qui reprend notre flambeau, trouvera sa place dans l'honneur et la fierté de ce qui appartient désormais à l'histoire.