Déclaration de M. Philippe Mestre, ministre des anciens combattants et victimes de guerre, sur le rôle des résistants durant l'occupation de Paris et sa Libération, Paris le 14 septembre 1994.

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Circonstance : Inauguration de l'exposition "Paris de l'occupation à la Libération" le 14 septembre 1994

Texte intégral

Mes premiers mots seront pour vous remercier de nous accueillir et pour dire toute notre estime à celles et ceux qui ont mobilisé leur compétence et leur énergie afin que cette exposition réalisée par l'« Atelier vidéo histoire » du lycée Jean-Baptiste Say, avec le concours de la Caisse nationale des monuments historiques et des sites et aussi de mon département ministériel, soit un grand moment d'histoire, de mémoire et d'émotion partagée.

Je salue l'intelligence et la générosité d'une telle réalisation.

À vous qui avez eu l'idée d'une telle exposition, à tous ceux qui vous entourent, aux nombreuses institutions et associations représentées ici – et qui ont apporté leur contribution – je suis très heureux de vous dire toute mon amitié et mon soutien.

Nous sommes aujourd'hui réunis en un lieu dont la portée symbolique ne peut échapper à personne. C'est au pied de cet édifice que repose le soldat inconnu, que brûle la flamme sacrée qui se veut tout à la fois l'expression d'un hommage et d'une fidélité.

Il y a seulement quelques jours, Paris célébrait avec émotion et respect son destin retrouvé, après avoir été – comme l'a dit le général de Gaulle, en des termes passés dans l'histoire – outragé, brisé, martyrisé, puis, enfin libéré.

Après la longue nuit de l'occupation, où survivre était déjà une manière de se battre, Paris libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, c'était l'honneur et la dignité retrouvés pour une ville qui avait été meurtrie dans sa chair, opprimée, bafouée au plus profond de son être pendant quatre années.

Après une longue nuit de l'occupation, les combats de Paris constituent le symbole du réveil d'une nation, de la nation française, mais aussi celui de la communion du peuple de la France résistante et de la France libre qui, réunis dans l'action, se reconnaissent dans l'honneur, s'organisent et combattent main dans la main, au prix des larmes, au prix du sang.

Notre fidélité est celle de la mémoire et celle du cœur. La leçon des événements qui nous sont donnés à revivre vaut pour aujourd'hui et pour l'avenir : on ne défend ce que l'on aime qu'au péril de sa vie.

Et ce que l'on aime, pour un jeune Français d'hier comme pour un jeune Français d'aujourd'hui, n'a pas changé. Un pays, avec son histoire, un territoire avec sa capitale, une civilisation que nous ont transmise nos pères, une langue qui s'adresse au monde comme elle nous parle, à nous, des valeurs qui fondent la justice et la dignité des hommes, un rayonnement qui nous impose d'être forts et dignes, si nous voulons être entendus.

Les témoignages et les documents qui nous sont présentés, s'ils peuvent réveiller des blessures encore douloureuses, nous rappellent que l'honneur de la France fut sauvé par des hommes et des femmes admirables qui s'engagèrent dans la lutte sans esprit de retour, qui combattirent jusqu'au sacrifice suprême.

Une telle exposition est précieuse à plus d'un titre : pour ce qu'elle apporte aux jeunes étudiants qui l'ont réalisée, parce qu'elle témoigne de la valeur de l'éducation reçue comme de l'enseignement transmis, pour les liens de solidarité établis entre les générations, mais aussi pour le travail qu'elle a permis de réaliser et pour la conscience collective qu'elle doit induire.

La nation s'incarne dans un lieu familier entre tous, l'école. L'une des finalités de l'instruction est de former des citoyens, chacun détenteur d'une part de la souveraineté nationale. C'est à l'école que se tissent les liens qui font un peuple. C'est à l'école que se forge l'esprit de tolérance. C'est à l'école qu'il convient d'enseigner aux enfants de France l'histoire que nous commémorons aujourd'hui. C'est là que se fait l'apprentissage des hommes appelés à vivre ensemble sur cette terre.

Qu'est-ce qu'une exposition, qu'est-ce que cette exposition, sinon un lieu de savoir et d'enseignement, un moyen de susciter la réflexion, de donner à comprendre ce que fut une époque et un peuple, d'éclairer les événements et d'inciter à la vigilance !

Mesdames et Messieurs, en ouvrant cette exposition au public, en consacrant la somme de travail qu'elle a demandée, je pense à ces paroles de Victor Hugo qui prennent toute leur résonance en ce haut lieu : « Les souvenirs sont nos forces. Ils dissipent les ténèbres. Ne laissons jamais s'effacer les anniversaires mémorables. Quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates comme on allume des flambeaux ».