Texte intégral
Monsieur l'inspecteur général,
C'est avec une profonde satisfaction que je participe aujourd'hui à l'installation de la Commission Modernisation de la Gestion Hospitalière.
Cette installation traduit mon souci de donner une suite concrète à la démarche que j'ai lancée dès mon arrivée en confiant une mission à Mme Esper sur la rénovation de la gestion des établissements publics de santé.
D'emblée il m'est apparu nécessaire, plutôt que d'ouvrir un nouveau chantier législatif, d'entreprendre une démarche pragmatique reposant avant tout sur l'initiative des professionnels du monde hospitalier.
L'évolution rapide des techniques médicales au cours des dernières années confrontées à la nécessité de maîtriser les dépenses de santé pour préserver notre système de protection sociale, rendait indispensable une action en profondeur pour adapter notre dispositif hospitalier.
Dans ce cadre général, où le rôle de l'État en matière d'organisation des soins est devenu primordial, il était indispensable de renforcer parallèlement la responsabilité des structures hospitalières.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Mme Esper de me proposer les actions susceptibles d'être rapidement engagées pour assouplir nos modes de fonctionnement, mieux mobiliser nos ressources, accroître la participation des personnels.
Le rapport qui m'a été remis en février dernier est le fruit d'un travail important et d'une concertation approfondie avec tous les représentants du monde hospitalier.
Je tiens ici à remercier tous ceux qui ont apporté leur contribution, et à souligner la qualité de la réflexion menée ainsi que des conclusions avancées.
Ce travail depuis a été présenté aux différentes conférences où il a fait l'objet d'un large échange de vues. J'ai d'ailleurs saisi ces conférences afin qu'elles suscitent des établissements volontaires pour participer à différentes expérimentations.
J'ai pensé en outre qu'il était opportun de constituer une commission d'experts pour promouvoir, suivre et évaluer les réflexions et les expériences sur des thèmes que je considère comme prioritaires dans le cadre de la politique hospitalière du Gouvernement.
Je vous remercie à cet égard d'avoir accepté d'apporter votre concours.
Le premier thème concerne les ressources humaines. Vous connaissez l'importance de cette question dans nos établissements pour les quelque 750 000 personnes de la fonction publique hospitalière. Au-delà de cette donnée numérique, la qualité des prestations hospitalières est indissociable de l'engagement des personnels.
Or, j'ai pu constater que les équipes hospitalières ne sont pas toujours suffisamment impliquées dans les décisions qui engagent l'avenir de leurs établissements.
J'attribue d'ailleurs pour une part importante le malaise qui parait persister à l'hôpital, malgré les avancées salariales de ces dernières années, aux obstacles juridiques et sociologiques qui empêchent les professionnels de prendre pleinement la part de responsabilité qui leur revient au sein des établissements.
De plus, de nombreux observateurs ont souligné le cloisonnement qui caractérise les relations de travail entre les très nombreuses catégories professionnelles.
Enfin, les règles juridiques sont parfois trop rigides et ne permettent pas toujours aux hôpitaux d'apporter les réponses appropriées à une gestion moderne des ressources humaines.
Dans ce contexte, je souhaite engager tout d'abord une série d'expériences.
Ces expériences, qui se dérouleront dans des hôpitaux volontaires choisis à partir des propositions émanant des différentes conférences, viseront en premier lieu à renforcer la participation des médecins et des équipes soignantes ou médico-techniques.
Cette participation pourra être envisagée soit en élargissant l'équipe de direction, soit en mettant en place des mécanismes de délégation interne fondés sur des relations contractuelles et assortis d'indicateurs de résultats reconnus.
Ces expériences viseront aussi à faciliter les relations au sein des hôpitaux grâce au décloisonnement entre les différentes instances consultatives.
Le souci de la concertation a conduit à multiplier les structures consultatives et à accroître le nombre de leurs membres, il en résulte un allongement et un alourdissement des procédures.
Sur des sujets d'intérêt général, il est souhaitable de mettre en place des formules visant justement à favoriser une culture commune à l'ensemble des personnels de l'établissement.
Ces mêmes préoccupations de responsabilisation des personnels, de décloisonnement, de recherche d'une plus grande souplesse de gestion, pourront conduire certains établissements, ou certaines de leurs équipes, à choisir de mettre en œuvre de nouveaux modes d'organisation médicale.
Vous le savez, la récente loi hospitalière permet déjà aux conseils d'administration de le décider, sur proposition de la commission médicale d'établissement, et après avis du comité technique.
Plusieurs hôpitaux se sont intéressés à ce dispositif mais n'ont pas pris le risque de s'engager dans cette voie, en raison d'une interprétation restrictive de la loi selon laquelle le nouveau mode d'organisation devait s'appliquer à l'ensemble de l'établissement.
Je souhaite que ce débat soit repris et que des hôpitaux puissent à titre expérimental s'orienter en ce sens, y compris, s'ils le souhaitent, pour une partie de leurs activités.
Ainsi vous le voyez, l'objectif principal des expériences que je souhaite voir entreprises est de tester, pour l'avenir, les moyens d'une réelle prise en charge des enjeux médicaux, sociaux, logistiques, économiques, de l'hôpital par les professionnels, chacun jouant son rôle, reconnaissant celui de l'autre, et concourant à la réussite de l'ensemble.
Ceci suppose que les équipes soient concernées par les résultats de leurs actions. Dans ce but, il me semble indispensable que soient rapidement approfondies les modalités d'un intéressement collectif. Plusieurs hôpitaux ont déjà suivi cette voie.
Mais il faut bien l'admettre, ces expériences se sont souvent heurtées à de nombreuses résistances. C'est pourquoi, j'attache une grande importance à l'élaboration d'un guide consacré au développement de l'intéressement. Je souhaite que votre commission concoure à la mise en place d'un groupe de travail sur cette question à mes yeux capitale et qu'elle en évalue les conclusions.
J'estime en effet que la gestion des ressources humaines ne saurait se limiter à des questions statutaires, et qu'il appartient aux hôpitaux de la prendre en charge pour partie.
Il faut néanmoins qu'ils en aient la possibilité. J'attends de votre commission qu'elle permette de progresser dans cette perspective.
Je souhaite par ailleurs que d'autres pistes soient explorées, en particulier sur la gestion comptable, économique et financière, et sur les règles de recrutement des personnels, et qu'à cette fin des groupes de travail soient constitués.
Il s'agit là du deuxième thème des travaux que vous que vous aurez à conduire celui de l'assouplissement des procédures de gestion.
Certes la mission de service public de l'hôpital et son financement pour l'essentiel par l'assurance maladie justifient des procédures offrant toutes les garanties nécessaires.
Il n'en demeure pas moins que l'hôpital ne peut être assimilé à une administration.
En effet, sa mission de soins nécessite qu'il soit à l'écoute des usagers, et en mesure de répondre rapidement à l'évolution des techniques et des modes de prise en charge.
De même, compte tenu des masses financières en jeu et de son poids dans les économies locales, sa responsabilité économique et sociale est importante.
Pour toutes ces raisons, il est aujourd'hui indispensable que les hôpitaux soient dotés de règles de gestion souples leur permettant de s'adapter rapidement, et de tirer le meilleur parti, dans le cadre de leurs missions, des ressources qui leur sont attribuées.
De récentes mesures ont été prises en ce sens à l'initiative du Gouvernement dans le cadre de la loi du 18 janvier dernier, je pense en particulier à l'extension des prérogatives de l'ordonnateur en matière budgétaire et aux règles d'organisation des concours.
Il faut aller au-delà. C'est l'objectif des groupes travail dont vous suivrez les travaux et de auxquels il faudra, je pense, M. l'inspecteur général, associer nos partenaires des autres ministères.
Je compte sur eux, et sur votre commission, pour disposer dans les mois à venir de proposition pragmatique permettant aux hôpitaux de mieux gérer leurs emplois par des procédures de recrutement plus adaptées, d'optimiser leurs ressources financières grâce à de nouvelles relations entre ordonnateur et comptable, d'être des acheteurs plus performants en lançant une réflexion sur les modalités d'approvisionnement.
La démarche que nous entreprenons aujourd'hui est porteuse d'avenir, car je le souligne encore, elle repose avant tout sur l'esprit d'initiative des professionnels de l'hôpital.
Elle est l'un des éléments essentiels d'une série de travaux et d'action que le gouvernement a entreprit au cours de de ces derniers mois et qui ont tous pour objectif de donner les moyens aux professionnels de santé d'exercer leur mission avec plus de facilité, plus d'efficacité, plus de responsabilité.
Je pense notamment â la réforme en cours de la formation des cadres hospitaliers, aux travaux de la mission sur le plateau technique menés par le professeur Vadrot et M. Souffir, surveillant chef de radiologie, à l'expérience Languedoc Roussillon qui doit déboucher dès 1996 sur une médicalisation des procédures d'allocation des ressources budgétaires.
Je souhaite que votre commission, au-delà des pistes de travail que je viens de définir, apporte son concours à ces démarches.
Il me reste à vous remercier d'avoir bien voulu accepter de consacrer de votre temps à ces travaux.
Je sais pouvoir compter sur votre compétence et votre imagination pour contribuer à la modernisation de notre dispositif hospitalier que nous avons entreprise.
Je vous remercie de votre attention.