Déclaration de M. Jean Puech, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le développement par l'entreprise Nutrition et Santé d'une filière agro-alimentaire innovante spécialisée dans le traitement des céréales et du soja, Revel (Haute-Garonne) le 15 octobre 1994.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Jean Puech - Ministre de l'agriculture et de la pêche

Circonstance : Inauguration de l'usine Nutrition et Soja à Revel le 15 octobre 1994

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Préfet,

C'est avec beaucoup de plaisir que je me trouve aujourd'hui parmi vous, à Revel, pour inaugurer cette unité industrielle de Nutrition et soja.

Je ne peux en effet que me réjouir de voir se développer un site agro-alimentaire : le ministère de l'Agriculture est aussi celui de l'alimentaire, secteur économique dont l'importance ne peut que s'accroître et que nous aidons à se développer.

L'industrie alimentaire constitue en effet une richesse considérable dont les enjeux concernent aussi bien l'agriculture elle-même que l'emploi, l'occupation du territoire et le commerce extérieur.

Les produits de notre agriculture feront de plus en plus, à l'avenir, l'objet d'une transformation industrielle : déjà, plus des trois quarts des produits bruts sont transformés. Il ne faut pas s'en inquiéter, mais au contraire se réjouir de voir apporter une valeur ajoutée aux produits du sol. De nouveaux débouchés s‘ouvrent ainsi aux exploitations agricoles et notre intérêt bien compris est de veiller à ce que l'environnement international prenne en compte, non seulement l'écoulement des matières premières, mais aussi les contraintes propres aux produits transformés. Tel est, du reste, un des axes développés pour le Gouvernement dans le mémorandum que j'ai récemment déposé à Bruxelles et transmis à tous nos partenaires.

Nous ne pouvons oublier, en effet, que la valeur ajoutée des industries alimentaires a dépassé, en France comme en Europe, celle de l'agriculture, ni que les emplois de ce secteur, comme son chiffre d'affaires en font le premier du pays. En d'autres termes, le devenir des industries alimentaires présente pour la France un caractère stratégique.

Ce caractère est également affirmé par la contribution très forte, et même décisive, qu'apportent agriculture et agro-alimentaire à notre commerce extérieur. Le dynamisme de nos entreprises, la large palette de nos produits, leur qualité reconnue ont porté la France au rang de premier exportateur mondial des produits temporaires. Nos performances non seulement se maintiennent mais s'améliorent, puisque les sept premiers mois de 1994 montrent que le solde positif du commerce extérieur en produits agricoles transformés a progressé de 20 % par rapport à l'année passée. C'est le signe que notre compétitivité industrielle est reconnue. C'est aussi le signe que la reprise que nous observons intervient dans un contexte économique sain, sans nuire à nos positions commerciales à long terme, bien au contraire.

Je dirai dans quelques instants en quoi, dans ce contexte positif, la démarche de Nutrition et soja est exemplaire et en quoi elle justifie le plaisir que j'ai à inaugurer cette belle unité.

Mais, auparavant, je voudrais établir un lien rapide avec l'autre manifestation que M. Alain Chatillon, en sa qualité de premier édile de Revel, a également organisée en ce 15 octobre : la Saga des céréales.

Grâce à son action, nous assistons en réalité à une double saga, celle des céréales bien sûr, mais aussi celle du soja.

Ce ne sera pas l'un des moindres services qu'il rend ainsi à l'agriculture de cette région Midi-Pyrénées qui m'est évidemment particulièrement chère.

L'histoire du Lauragais a montré l'aptitude exceptionnelle de ce pays à la production de céréales de haute qualité.

Les paysages mêmes qui font son charme et son attrait révèlent l'importance de la culture céréalière et la place qu'a toujours eue dans l'économie locale la transformation des productions agricoles. Après avoir pris le relais du pastel, le travail du grain a très vite été l'une des industries lauragaises les plus réputées : les qualités éminemment panifiables du blé ont assuré la renommée des moulins puis des minoteries de la région.

L'exposition de la "saga des céréales" montrera à tous les publics, à commencer par le public scolaire, que la filière céréales ne se limite pas à la production agricole, à l'écrasement des grains et à la panification.

La céréale, matière vivante, évolue profondément. Elle suppose un travail d'adaptation continue au progrès génétique et agronomique. Une recherche particulièrement pointue contribue à cette adaptation, à l'amélioration des rendements ainsi qu'à la résistance aux maladies.

Des efforts considérables continuent à être déployés, dans ce domaine, comme en témoignent par exemple les travaux sur les hybrides.

D'autre part, si les céréales se prêtent admirablement à une commercialisation sur les marchés mondiaux, ce n'est pas sans que soient maîtrisées des techniques et savoir-faire bien particuliers, et parfois très sophistiqués, comme le révèlent les salles de marché des grands négociants internationaux.

Enfin, si les céréales sont de plus en plus l'objet de transformation, ce n'est pas non plus sans un travail constant d'adaptation et d'innovation : la valeur nutritive, la contribution à l'équilibre alimentaire, l'aptitude à la fermentation, par exemple, sont autant de facteurs pris en considération pour la sélection variétale, les conditions de cultures, les process industriels.

Ainsi, la céréale, apparemment si familière, montre-t-elle des facettes plus complexes qu'il n'y parait. Il y a bien une "Saga" des céréales, et c'est une excellente idée que d'en faire apprécier ici même les divers aspects.

Revel est en effet devenu, dans le domaine céréalier, un exemple vivant de ce qu'est une filière agro-alimentaire complète et innovante. Elle le doit très largement à l'intuition et aux capacités des fondateurs de Diététique et Santé, devenue depuis Nutrition et Santé.

Lorsque M. Alain Chatillon a, voici un peu plus de 20 ans, créé Diététique et Santé, l'activité de cette entreprise s'appuyait sur une quinzaine de personnes, qui réalisaient un chiffre d'affaires de 2 MF. Les aliments diététiques et les produits de régimes ne constituaient pas alors le marché important qu'ils sont devenus depuis.

En une vingtaine d'années, Diététique et Santé, toujours bien appuyée par des actionnaires solides, a su mener à bien une croissance forte, que ce soit par le développement de ses propres produits sur les marchés ou par de judicieuses acquisitions.

Devenue récemment fa filiale du groupe Sandoz et prenant à cette occasion le nom de Nutrition et Santé, votre entreprise s'est largement internationalisée et atteint désormais le milliard de francs de chiffres d'affaires. Il s'agit donc d'une performance tout à fait remarquable : le petit grain de blé a produit une ample moisson.

L'acquisition successive de filiales en Espagne et en Italie n'a pas empêché Diététique et Santé de maintenir à Revel une activité industrielle de premier plan et d'y mettre au point les produits qui font sa renommée.

Plus de 250 références ont fait l'objet des travaux de recherche du laboratoire de Revel qui, avant tout, a décliné les multiples usages possibles des céréales : germes de blé, galettes, pâtes, pain d'épice, produits extrudés constituent en effet 85 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.

Les débouchés pour les céréales locales s'en sont trouvés accrus d'autant.

Votre démarche a donc été exemplaire puisqu'elle se traduit par des effets positifs à tous les niveaux : créations de richesses agricoles et industrielles se sont mêlées, dans un contexte de satisfaction des besoins du consommateur, dont la santé et le bien-être étaient – sont toujours – l'objectif prioritaire.

L'usine que j'ai eu le plaisir d'inaugurer aujourd'hui montre que vous n'en restez pas à ce bilan déjà très flatteur.

Vous avez observé en effet les grands marchés internationaux et vous y avez remarqué la place très importante que prend souvent dans l'alimentation, et non sans raison, une petite graine très heureusement adaptée au sol et au climat du Lauragais : le soja.

Les diététiciens et les nutritionnistes ont mis en lumière les nombreux intérêts alimentaires et sanitaires de cette plante riche en protéines. Aux États-Unis, la consommation de produits dérivés du soja, et notamment du jus, est, par habitant, beaucoup plus développée qu'en France. Tout ceci laisse attendre un développement significatif de la demande en jus de soja parmi les consommateurs de produits diététiques ou nutritionnels. L'intérêt que vous deviez porter à ces produits, pour l‘essentiel assez largement importés aujourd'hui, est donc très compréhensible.

D'un autre côté, l'aptitude de la région Midi-Pyrénées à la production du soja, et l'intérêt de cette culture pour les exploitants agricoles, ne peuvent être mis en doute. Si, en moins de deux ans, de 1992 à 1994, la culture du soja est passée en France d'environ 40 000 à près de 100 000 hectares, c'est avant tout en raison de la croissance enregistrée en Midi-Pyrénées.

La Haute Garonne est un des départements de France les plus concernés par cette culture et la surface en soja y a été multipliée par cinq au cours des trois dernières années.

Ce développement de la culture du soja est très positif, puisqu'il nous permet à la fois d'offrir des alternatives précieuses aux agriculteurs et de remédier à l'un des déséquilibres marquants de notre commerce extérieur agricole. Il a été largement permis par la réforme de la politique agricole commune et le versement des aides à l'hectare de soja irrigué.

Je suis évidemment tout à fait conscient de la contribution très importante que le soja irrigué apporte à l'économie de notre région. C'est la raison pour laquelle j'ai suivi avec beaucoup d'attention l'évolution des positions de la Commission sur ce sujet. Son intention de réduire le niveau des primes m'est apparue dépourvue de cohérence avec son approche générale ; elle introduirait au surplus une pénalisation injuste pour cette culture.

Je me suis par conséquent battu avec énergie pour que, sur ce dossier très important, intervienne un retour à la situation antérieure. Je peux aujourd'hui vous indiquer qu'à la suite de ces démarches, et au terme d'un parcours qui justifie notre ténacité, nous allons avoir gain de cause. Les primes au soja irrigué seront bien fixées, dans votre zone, pour 1994, à un niveau de 5,450 F/ha. Nous devrions avoir confirmation de cela prochainement au niveau communautaire.

J'ai en effet voulu tout mettre en œuvre pour que la production de soja soit confortée en France.

Le projet industriel de Nutrition et Soja contribue lui aussi à assurer ici même le devenir de cette production agricole puisqu'il repose sur un approvisionnement régional.

La production de jus de soja envisagée permet d'offrir dès à présent un débouché a environ 3 000 hectares. La montée en puissance de l'usine que je viens d‘inaugurer devrait conduire, au terme de quelques années, à pratiquement doubler cette surface.

C'est donc une excellente nouvelle pour l'agriculture locale qui résulte de l'ouverture de cette usine de traitement. C'est également pour Revel une opération importante sur le plan de l'emploi et sur le plan des retombées économiques en général.

Nutrition et santé investit en effet 40 MF dans cette unité où travailleront 45 personnes. Ces emplois spécialisés dans la meunerie, c'est-à-dire le nettoyage et le broyage des graines de soja, mais aussi dans l'élaboration des produits transformés, frais ou à ultra haute température, viendront conforter le site de Revel. Les laboratoires de recherche développement et de contrôle de Nutrition et Santé, les services généraux du groupe, que ce soit pour la logistique ou la commercialisation, seront également mis à contribution et faciliteront le démarrage et le fonctionnement de l'unité soja.

Autant dire que nous assistons ici à une démarche cohérente et positive.

Cohérente, puisque faisant jouer les synergies de groupe au profit d'une nouvelle unité, elle fait aussi jouer les complémentarités objectives entre l'agriculture locale et un aval situé directement aux portes des exploitations.

Positive, puisqu'elle élargit précisément les débouchés de la production agricole et que, s'attachant à lui donner une valeur ajoutée industrielle et commerciale, elle permet de fixer ici une population très attachée à la région.

Telles sont les raisons pour lesquelles en octobre et en février dernier, l'État s'est efforcé, dans un contexte budgétaire tendu, d'accompagner l'initiative de Nutrition et santé à travers des primes d'aménagement du territoire et d'orientation agricole qui dépasseront 2,5 MF.

À mes yeux, la décision du groupe Nutrition et Santé est en effet parfaitement illustrative de ce qu'il convient de faire dans le domaine agro-alimentaire : grâce à ce que j'appelle le "réflexe de la valeur ajoutée", nous devons construire, à chaque fois que c'est possible, une filière qui vise deux objectifs majeurs pour notre agriculture et notre pays tout entier : l'occupation du territoire et la performance. Nutrition et Santé y a largement contribué dans le cas des céréales ; Nutrition et Soja va s'y employer pour le soja.

Je ne voudrais pas retarder plus longtemps, Mesdames et Messieurs, le moment de partager avec vous le verre de l'amitié. Mais je tiens auparavant à saluer une dernière fois la clairvoyance et l'esprit d'entreprise des dirigeants de Nutrition et Santé, en premier lieu de M. Chatillon, et très naturellement à souhaiter que l'ensemble du personnel du groupe dynamique qu'il a su construire, bénéficie longtemps des retombées positives que nous espérons tous pour cette belle unité.