Texte intégral
De quelle unité parlent-ils ?
Le dernier conseil national du PCF a su manifesté la confusion qui règne dans les milieux dirigeant du parti, sur la proposition de PUP faite par Robert Hue.
Le conseil national du PCF, structure qui réunit les membres du comité national, les députés, les secrétaires de fédérations et des plus grosses sections, s'est réuni les 25 et 26 avril pour discuter du Pacte unitaire pour le progrès (PUP) et désigner la liste pour les européennes. Il revenait cette fois-ci à Jean-Claude Gayssot d'actualiser ce fameux Pacte proposé au précédent CN par Robert Hue. Son rapport fut révélateur à plus d'un titre des contradictions qui agitent aujourd'hui ce parti.
Incompréhensions
Il s'agissait, en l'occurrence, de répondre à l'incompréhension, voire à l'opposition d'une partie de l'appareil et des militants face aux propositions du secrétaire général. Totalement sur la défensive, J.-C. Gayssot s'est efforcé de démontrer que ce "Pacte" n'avait rien à voir avec feu l'Union de la gauche, "bien entendu, il ne s'agit pas de cela", et que, cette fois-ci, on ferait en sorte que "les gens" débattent entre eux, élaborent et se frottent aux organisations. Bref, c'est l'unité des "gens" de gauche, puis de ces "gens" avec les organisations "à la base et au sommet" et, enfin, le contrôle permanent des "gens" sur ces mêmes organisations : "Nous proposons aux citoyens qu'ils élaborent ensemble un projet politique transformateur. (…) C'est aux gens directement concernés que nous demandons d'être les auteurs et les acteurs des nécessaires changements, (…) mais il serait irresponsable de considérer qu'il serait possible de construire une autre société en ignorant la réalité des forces politiques."
Comment créer de nouveaux rapports entre les organisations et les "gens" sans retomber dans les travers du programme commun, négocié entre organisations ? Comment discuter avec les forces organisées sans pour autant négocier avec elles ? J.-C. Gayssot tente certes de répondre à ces questions, mais l'effort est laborieux : "Sans qu'il soit question d'entamer des négociations, nous disons aux autres forces, organisations, associations de progrès, voilà notre démarche, voilà notre point de vue, nous sommes disponibles pour en discuter avec vous. (…) Précisons bien qu'il ne s'agit pas de figer les choses dans des cartels, dans des négociations de sommet ou dans des structures qui nous renverraient en arrière".
Comprenne qui pourra ! Bien que ce soit assez clair : les organisations pourront discuter les propositions du PCF, mais rien de plus. Quant au "rassemblement des gens", c'est le PCF qui s'en charge. Version Gayssot. Dans le débat, Robert Hue est monté au créneau avec une interprétation plus ouverte, pour montrer que, s'il s'agissait d'une proposition déjà inscrite en pointillé dans les derniers congrès, "il fallait avoir le courage de faire du neuf", car le PCF ne pourrait se développer qu'avec une démarche unitaire. On notera les interventions du dirigeant de la CGT, Gérard Alezard, et de Guy Hermier, trouvant la démarche correcte, mais encore trop timide, ce dernier regrettant qu'elle ne se soit pas concrétisée par une liste unitaire aux européennes (la liste dirigée par Francis Wurtz ne s'est ouverte qu'à sept "compagnons de route" très traditionnels).
Comités unitaires ?
En fait, toute cette confusion montre que la proposition Hue n'entre dans aucune stratégie cohérente, pensée. On ne peut impunément proposer aux militants un dialogue avec des organisations qu'on a dénigré pendant des années, PS d'un côté ou LCR de l'autre. Qu'il faille discuter entre organisations politiques de la base au sommet est une évidence, encore faut-il choisir ses interlocuteurs. Bavarder de la transformation de la société avec Tapie ou Lalonde n'a, pour nous, aucun intérêt. Que le débat doive toucher l'ensemble du monde du travail et de la culture, les "inorganisés", c'est une deuxième évidence. Mais comment opérer cette jonction, comment faire pour que les "gens se réunissent". La proposition de Hue est suffisamment vague pour être interprétée de plusieurs façons. Pour les sectaires, qui n'ont rien appris, il s'agit tout simplement, pour le PCF, d'organiser des réunions publiques et ensuite d'aller négocier, surtout avec le PS, les indispensables désistements électoraux. Tout le reste n'étant que du verbiage pour faire croire qu'on fait du neuf. Mais cette proposition peut aussi être tirée du bon côté, et certains commencent à le faire au PCF, en proposant l'organisation de débats publics unitaires, en substituant au pouvoir illusoire "des gens" la perspective de véritables comités unitaires de base, discutant tous les projets de transformation sociale et agissant ensemble contre la droite et le patronat. Pas un mot chez les dirigeants du PCF de cette possible structuration à la base, qui a tant fait défaut pendant le Front populaire de 1936 ou durant la période de l'Union de la gauche en 1981. Toujours cette sacrée crainte d'être débordé.
Jusqu'à présent, Hue a lancé son initiative pour prendre un peu d'air, tenter de répondre aux exigences des dernières luttes sociales et redorer le blason du parti. Il n'a fixé aucune étape, aucune échéance concrète. Comment, alors, s'étonner que Gayssot n'offre, comme seules perspectives précises au Pacte, que d'assurer le maximum de voix à la liste européenne du PCF, la diffusion massive du spécial Huma du 28 avril, et le succès de la vente du muguet du 1er Mai… On appréciera de même le silence de l'Humanité, dirigée par P. Zarka, sur la réponse de la LCR à Robert Hue, alors que ce journal publiait les réponses de toutes les autres organisations qui avaient été sollicitées. Vieux réflexe, sans doute, que de nombreux membres de la conférence nationale ont signalé en disant qu'il existait une réticence au projet et qu'il y avait des militants, certes une minorité, pour craindre dans celte politique unitaire une dilution du parti et un renforcement du PS.
En tous cas, dans certaines villes et quartiers, des débats ont pu commencer entre le PCF et la LCR. Espérons que ce ne soit qu'un début.
16 juin 1994
Rouge
Déclaration de la LCR
Les élections européennes traduisent le discrédit des partis établis. Mais c'est d'abord une droite extrême qu'en profite, les résultats de Le Pen et de Villiers représentant près du quart des suffrages exprimés.
La responsabilité première incombe à une gauche dont les forces dominantes, Parti socialiste et Parti communiste, s'avèrent incapables d'offrir à l'électorat populaire une alternative mobilisatrice, faisant ainsi le lit du démagogue populiste Tapie.
Il n'en existe pas moins une gauche sociale et écologiste qui se cherche en dehors du PS, qui ne se reconnaît pas dans le modèle capitaliste et libéral de Maastricht, mais dont les voix se sont éparpillées. Preuve qu'une liste de rassemblement de la gauche non maastrichtienne et de l'écologie progressiste était nécessaire et qu'elle aurait pu franchir la barre des 5 %.
Face à la poussée menaçante du nationalisme et du populisme, il faut d'urgence en tirer les conséquences pour la prochaine présidentielle. Plus que jamais est à l'ordre du jour l'émergence d'une force nouvelle, porteuse d'un projet de transformation radicale de la société.