Déclaration de M. Philippe Mestre, ministre des anciens combattants et victimes de guerre, pour la commémoration de la résistance et de la déportation des Vosgiens en 1944, Senones (Vosges) le 30 septembre 1994.

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Circonstance : Commémoration du massacre et de la déportation d'un millier d'habitants des Vosges en septembre et octobre 1944, à Senones le 30 septembre 1994

Texte intégral

Le 29 septembre 1946, en visite dans les Vosges, le général de Gaulle déclarait :

"Dans l'histoire de la France, tissée des plus grandes gloires et des plus grandes douleurs, les Vosges viennent, encore une fois, d'offrir à la patrie le fidèle hommage de leur courage et de leurs sacrifices. Nul sol ne fut mutilé plus profondément que le vôtre. Nulle part la destruction des maisons, des fermes, des ateliers, des instruments de travail et de la vie n'a dépassé ce que vous avez subi. Aucune région n'a supporté une proportion supérieure d'hommes et de femmes déportés par l'ennemi – plus de dix mille – de patriotes fusillés – plus de trois mille – de pauvres gens chassés de chez eux – plus de quatre-vingt mille ! Dans les multiples combats livrés sur les arrières de l'envahisseur par nos forces de l'intérieur, point de faits d'armes plus magnifiques et plus utiles que ceux qui se déroulèrent ici… Dans les rangs de nos armées, combien furent nombreux et combien furent vaillants les combattants de chez vous ! Si les Vosges eurent, pour finir, l'honneur d'offrir à la glorieuse 1ère armée française, à la vaillante 7e armée américaine et à l'immortelle phalange de Leclerc leur base de départ pour bondir jusqu'au Rhin, puis jusqu'au Danube, cet honneur, elles l'avaient bien payé !"

Cet honneur, Mesdames et Messieurs, Senones, Belval, Moussey, La Petite Raon, Le Puid, Le Vermont, Le Saulcy et Vieux Moulin l'ont bien payé, ces communes, dans le massif du Donon, ne comptent-elles pas près d'un millier de résistants massacrés, fusillés ou envoyés en déportation.

Le nom de l'opération à l'origine d'un tel martyrologe et qui prit place entre le 24 septembre et le 5 octobre 1944 : "Fête de la forêt". Et nous sommes bien loin des réjouissances sylvestres, puisque ces termes recouvrent une tragique réalité, synonyme de souffrance et de mort, de la mort d'hommes et de femmes – six cent soixante-treize à jamais disparus dans les camps de concentration nazis – et dont le seul crime soit d'être entrés en résistance contre une terrible oppression, d'avoir mis toute leur force au service de la liberté avec l'espoir, au bout du chemin, de chasser l'occupant de ce morceau de France.

Le 13 août 1944, dans le cadre de l'opération Loyton, la résistance vosgienne, dont la vigueur et les qualités au combat ne sont plus à démontrer, reçoit l'appui des premiers éléments du 2ème SAS britannique. Son ambition : déstabiliser l'armée allemande aux prises avec les forces alliées qui ont débarqué en Normandie le 6 juin et qui vont débarquer en Provence le 15 août.

Mais l'ennemi est puissant, il ne renonce pas, il veille et il frappe.

Les conséquences en sont terribles :
À Belval : 22 déportés dont 19 ne reviendront pas.
À Moussey : 214 déportés dont 158 ne reviendront pas.
À La Petite Raon : 197 déportés dont 133 ne reviendront pas.
Au Puid, au Vermont : 29 déportés dont 23 ne reviendront pas.
Au Saulcy : 82 déportés dont 62 ne reviendront pas.
Au Vieux Moulin : 33 déportés dont 27 ne reviendront pas.
À Senones enfin : 366 déportés dont 239 ne reviendront pas.

Sans compter les SAS britanniques massacrés dans la forêt ou morts en déportation.

Tous ces résistants, tous ces SAS, morts pour la liberté, pour notre liberté, sont nos héros et nos martyrs et leur sort terrifiant ne doit pas être oubliés en ce cinquantième anniversaire de la libération de la France.

Notre cérémonie d'aujourd'hui, ce moment de recueillement, nous les leur devons, nous les devons aux familles si éprouvées, à celles et ceux qui portent dans leur âme et dans leur chair les marques d'une tragédie vécue pour la France.

"Leur dévouement et leurs efforts, c'est la France, et la France seulement, qui les inspira aux Vosgiens. C'est pour servir la France, et la France seulement, qu'ils en ont porté la charge. C'est pour la France, et pour la France seulement, que sont morts ceux de leurs enfants qui ont semé de leurs corps sanglants le chemin de la victoire", devait déclarer le général de Gaulle.

1944. Dans les esprits et dans les cœurs, l'aube de la liberté se lève sur notre pays. C'est la résistance qui s'amplifie, c'est la France libre qui s'engage sur tous les fronts, c'est le temps des débarquements et de la libération du territoire national.

Mais 1944, ce n'est pas seulement l'espoir retrouvé et la victoire qui semble désormais à portée de main, ce sont encore les dernières tragédies de la résistance, les derniers convois qui s'acheminent au bout de l'horreur et la férocité des bourreaux.

Songe-t-on assez, en pensant à 1944 aux rafles, aux arrestations, aux internements, aux exécutions sommaires et aux déportations encore massives ; songe-t-on à ces êtres humains qui ont fait le sacrifice de leur vie et qui vont subir un supplice permanent jusqu'à leur mort, atroce !

En commémorant solennellement le souvenir d'événements héroïques et douloureux, nous avons fait le choix de la mémoire et de l'espérance, nous avons décidé de porter témoignage auprès des générations futures des souffrances sans limite que nous eûmes à endurer, mais aussi de la barbarie de l'homme.

L'actualité est là pour nous apporter la preuve que les démons du passé ne sont pas complètement exorcisés. Le révisionnisme, des propos, des inscriptions sacrilèges, des profanations de tombes et de monuments ne peuvent que nous inciter à garder plus que jamais les yeux ouverts sur ce qui fut la réalité d'un passé encore si proche.

Résister aujourd'hui, c'est mesurer l'ampleur des défis qui nous sont lancés, c'est demeurer vigilants en face d'idéologies de conquêtes, d'hégémonie, d'intolérance.

Perpétuer le souvenir de ce qui s'est passé, commémorer le martyre de tous les enfants de France, comme de tous les alliés qui avaient apporté leur appui et donné leur vie pour la liberté, tel est notre devoir envers ceux que nous avons laissé derrière nous, telle est notre responsabilité envers la France de demain.

"Leur dévouement et leurs efforts, c'est la France, et la France seulement, qui les inspira aux Vosgiens. C'est pour servir la France, et la France seulement, qu'ils en ont porté la charge. C'est pour la France, et pour la France seulement, que sont morts ceux de leurs enfants qui ont semé de leurs corps sanglants le chemin de la Victoire", devait déclarer le général de Gaulle.

1944. Dans les esprits et dans les cœurs, l'aube de la liberté se lève sur notre pays. C'est la résistance qui s'amplifie, c'est la France libre qui s'engage sur tous les fronts, c'est le temps des débarquements et de la libération du territoire national.

Mais 1944, ce n'est pas seulement l'espoir retrouvé et la victoire qui semble désormais à portée de main, ce sont encore les dernières tragédies de la résistance, les derniers convois qui s'acheminent au bout de l'horreur et la férocité des bourreaux.

Songe-t-on assez en pensant à 1944 aux rafles, aux arrestations, aux internements, aux exécutions sommaires et aux déportations encore massives ; songe-t-on à ces êtres humains qui ont fait le sacrifice de leur vie et qui vont subir un supplice permanent jusqu'à leur mort, atroce !

En commémorant solennellement le souvenir d'événements héroïques et douloureux, nous avons fait le choix de la mémoire et de l'espérance, nous avons décidé de porter témoignage auprès des générations futures des souffrances sans limite que nous eûmes à endurer, mais aussi de la barbarie de l'homme.

L'actualité est là pour nous apporter la preuve que les démons du passé ne sont pas complètement exorcisés. Le révisionnisme, des propos, des inscriptions sacrilèges, des profanations de tombes et de monuments ne peuvent que nous inciter à garder plus que jamais les yeux ouverts sur ce qui fut la réalité d'un passé encore si proche.

Résister aujourd'hui, c'est mesurer l'ampleur des défis qui nous sont lancés, c'est demeurer vigilants en face d'idéologies de conquêtes, d'hégémonie, d'intolérance.

Perpétuer le souvenir de ce qui s'est passé, commémorer le martyre de tous les enfants de France, comme de tous les alliés qui avaient apporté leur appui et donné leur vie pour la liberté, tel est notre devoir envers ceux que nous avons laissé derrière nous, telle est notre responsabilité envers la France de demain.