Déclaration de M. Gérard Longuet, ministre de l'industrie des postes et télécommunications et du commerce extérieur, et président du PR, sur l'action de François Léotard comme ministre de la défense, la stratégie du PR en faveur de l'union de la majorité en vue de l'élection présidentielle de 1995, et le rôle du président du PR, Carcans-Maubuisson, le 4 septembre 1994.

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  • Gérard Longuet - Ministre de l'industrie des postes et télécommunications et du commerce extérieur, et président du PR

Circonstance : Université d'été du Parti républicain (PR) à Carcans-Maubuisson, les 2, 3 et 4 septembre 1994

Texte intégral

Université singulière que celle du Parti républicain, puisqu'elle ne donnera aucun diplômé et pourtant tous auront un emploi. C'est en effet aux cadres, aux élus, aux responsables, à ceux a qui est revenu l'honneur d'avoir construit notre formation, que va revenir un rôle décisif dans les batailles qui viennent. Notre Parti est né des indépendants. Il a été reconstruit par Valéry Giscard d'Estaing à partie de 1974. Il a pris un nouvel envoi grâce à François Léotard. Que puis-je vous dire de ce dernier ?

Vous l'avez entendu évoquer le Malraux de la voie royale. J'ignore qui sera le roi en mai prochain mais à voir un tel architecte tracer de telles lignes, je sais qui il devrait prendre comme Premier architecte…

Le rôle de François Léotard

Il y a vingt ans que François Léotard participe de notre vie publique, dans l'opposition comme dans la majorité, à Paris et chez lui à Fréjus. Il y a l'enthousiasme de l'opinion découvrant un jeune talent et les épreuves liées aux embûches et aux traquenards. Il y a eu la solidarité des réunions de militants, comme la trahison sous couvert des votes secrets, que personne n'ose assumer. Nous sommes heureux, pour l'homme que nous avons appris à connaître, de le voir exercer des responsabilités ministérielles éminentes.

Le ministère de la Défense est aussi un ministre de la France à l'extérieur de ses frontières. François Léotard en a réussi une prise en main énergique et intelligente.

Il ne l'a pas fait par soucis de gloire personnelle mais en illustrant quelques-unes des vertus qui font la force de ce gouvernement. On y privilégie l'efficacité et on y respecte l'obligation de parler d'une seule voix. Sous sa responsabilité François Léotard trouve une jeunesse aux qualités intactes, aussi disponible aujourd'hui que l'était celle dont les images du cinquantenaire nous ont rappelé le souvenir.

Je tiens de François Léotard que le mot « franc », le nom de notre pays, vient d'une tribu germanique qui se qualifiait « d'hommes libres ». Avec la politique d'Édouard Balladur et son volet militaire, avec la participation des jeunes qui sont volontaires pour ce projet, nous avons la certitude qu'il ne convient pas de désespérer de la France. Celle-ci recèle, en elle-même, toutes les vertus qui ont fait sa force par le passé et qui lui permettront de tenir son rang dans l'avenir. Nous sommes fiers que François Léotard soit le catalyseur de cette action au sein de l'équipe à laquelle nous participons.

L'Union, l'Union, l'Union

Parlons à présent d'un sujet d'apparence moins grave, mais non sans importance : l'Union.

Il y a l'Union de bon sens, celle que partage l'immense majorité des électeurs qui nous soutiennent. Elle tient en deux phases. Lorsque nous sommes unis, nous gagnons. Lorsque nous sommes divisés, nous perdons.

Certains disent aujourd'hui qu'il n'y a pas de problème et que nous bénéficions d'une marge de manœuvre puisque les socialistes sont dans les choux. Nous pourrions nous amuser, comme nous l'entendons, à mobiliser la vertu traditionnelle des tribus gauloises : le don de la pagaie.

Je crois très honnêtement que la mécanique de la division, lorsqu'elle est enclenchée publiquement, est incontrôlable. Une campagne fondée sur la concurrence entre des hommes issus de la même majorité et qui soutiennent le même gouvernement, ne peut se construire que sur la rivalité des personnes et le dénigrement des actions. Au lieu d'avoir un discours prospectif pour imaginer, autour du projet majoritaire, ce que nous pouvons construire ensemble pour les sent années à venir, nous n'aurions, en 1995 comme en 1981 et 1988, que le rétrospectif des déceptions et des désillusions. Faute de primaires organisées, c'est la mécanique qui s'instaurerait immanquablement si nous nous lancions dans une compétition sévère.

L'Union pour affirmer notre identité

Dans l'Union nous avons bâti, en 1992, le succès des régionales et des cantonales. En 1993 nous avons bâti le succès des législatures. Il est vrai aussi que, malgré l'Union, en 1994, au lendemain des européennes, nous avons éprouvé une profonde déception et une petite amertume. Aussi allez-vous voir se développer la remise en cause de l'Union, sur les thèmes que j'évoquais à l'instant et qui tourne autour d'une supposée absence de risques. On entendra aussi l'argument qu'il faut être présent pour se compter. Je souhaite que, pendant ces sept mois, le Parti républicain soit fidèle à la démonstration permanente de l'ardente nécessité de l'union autour de trois idées simples.

L'Union c'est d'abord, pour nous Républicains, une façon forte d'affirmer notre identité. Je pourrais vous le dire d'une façon simple : le contraire de l'Union c'est la division et, assez rapidement, le règlement de compte. Posons la question de façon triviale : vaut-il mieux être seul à soutenir un mauvais candidat ou plusieurs à soutenir un bon. Pour ma part, le choix est fait. Je vous suggère qu'il vaut mieux être plusieurs formations à soutenir un bon candidat que s'obstiner, seul, à soutenir un mauvais candidat qui n'aurait pas de chance.

L'Union préserve l'avenir

Ensuite il faut affirmer que l'Union n'obère en rien le futur. On nous dit, ave une sympathie quelque peu suspecte, « avec un candidat d'Union ne craignez pas de disparaître ? » Je peux vous démontrer par un rappel historique qu'il n'y a pas de crainte à avoir, vous rappelez que, en 1969, – beaucoup ont vécu cela en direct – les libéraux de la Fédération nationale des Indépendants n'ont pas soutenu un candidat qui leur était propre. Cela ne les a pas empêchés en rien de mettre en place leur leader, Valéry Giscard d'Estaing, pour qu'il soit élu. Ce qui est arrivé en 1974. Il faut avoir le souvenir de l'Histoire et savoir mesurer les opportunités à la lumière des succès passés.

Enfin le respect de l'Union nous rappelle que nous plaçons le succès de la République avant la satisfaction de notre parti. Nous plaçons la victoire de la majorité avant la satisfaction de ce bonheur qui consiste à participer à tous les combats, au seul motif d'exister à tous prix dans les médias. Nous avons trop souffert des épreuves de la France depuis quatorze ans, et nous avons trop d'inquiétudes sur ce que pourrait être un échec de la majorité à l'élection présidentielle pour ne pas poser comme principe premier, presque exclusif que, à l'inverse des jeux olympiques, pour l'élection présidentielle l'important n'est pas de participer mais de vaincre.

Voilà peut-être la raison pour laquelle nous nous reconnaissons comme Républicains avant d'être des partisans. La contrepartie de l'Union c'est que le candidat de l'Union, quelle qu'ait été son origine initiale, appartienne à chacune des formations qui le soutient. Il n'en est la propriété exclusive d'aucune et d'ailleurs nous n'avons pas l'ambition, lorsque l'union viendra de nous approprier ce candidat car ce que nous souhaitons, c'est que notre candidat avant d'appartenir à un parti appartienne à une majorité. Et, bien vite, qu'il appartienne aux Français, tous réunis. C'est exactement leur conception du président de la République et c'est celle que nous avons. Il se trouve qu'on vieillit, quelques cheveux blancs l'attestent, mais cela nous donne une expérience de la responsabilité. Nous comprenons mieux aujourd'hui ce dont la France a besoin, c'est-à-dire de l'équilibre de nos institutions.

Le Président est un arbitre

Comment doivent fonctionner nos institutions ?

Le président doit être un arbitre : il assure la continuité des institutions, il représente la France à l'extérieur mais il n'a pas l'exclusivité de sa politique étrangère. Il est la République, avec cette sagesse et cette gravité, cette mesure est cette tolérance qui rassurent les Français et leur donnent le sentiment et la certitude que le Président est bien leur président. Il est celui auquel on peut avoir recours quelques soit sa condition.

À côté de lui le gouvernement fait fonctionner l'exécutif. Il est au quotidien celui qui exerce les responsabilités. Il est confronté aux épreuves et, parfois il doit chercher le compromis. Il doit aussi avoir, le plus souvent possible, le geste audacieux, pour réformer et reconstruire. Et puis il y a le Parlement, avec nos députés qui sont là pour exprimer leurs convictions.

Enfin il y a la vie partisane, celle qui assure, comme nous le faisons ensemble et comme je souhaite que d'autres partis en France le fassent, ce lien permanent entre le citoyen et l'ensemble public. Dans cette candidature d'union, il ne s'agit pas seulement de « remettre les clefs », comme le dit François Léotard avec justesse. Il ne s'agit pas non plus d'abandonner, de sous-traiter, comme l'évoquait Alain Madelin. Il s'agit d'assurer l'équilibre de la République, de faire au plus vite que notre candidat, une fois élu, devienne le Président de tous les Français ? Pour ceux qui ont des préférences, c'est un bien maigre service à rendre à leur candidat que de la phagocyter et le lier à une seule existence partisane.

La France est une grande aventure collective. Il s'y trouve du travail pour tout le monde, des responsabilités à chaque niveau. Nous n'avons pas l'intention de confier la République à un monarque. Nous avons la volonté de donner à la France un Président arbitre, qui ait le recul, l'autorité, la mesure, la tolérance, et qui, le plus rapidement possible, dès le début de la campagne, dès le premier tour, puisse tenir un langage de rassemblement parce qu'il aura su, à chacun, donner sa part de responsabilité.

Dans cette affaire nous cherchons l'union parce que nous voulons restituer l'équilibre des institutions, avoir un Président pour tous les Français, issu d'une majorité rassemblée et qui laisse à son gouvernement, à sa majorité et aux formations qui l'auront soutenu plein exercice de leur propre responsabilité.

Savoir prendre son indépendance

L'union pour nous, c'est aussi l'équilibre de la vie républicaine et je voudrais terminer par la conséquence que je tire de deux principes. Si l'union conforte l'identité républicaine, c'est-à-dire la priorité du collectif sur l'intérêt partisan et si l'union permet, plus que l'affrontement, de donner à vos institutions leur équilibre, alors le Parti républicain doit en tirer une conclusion simple : au service de l'union, il doit le cas échéant, prendre son indépendance.

Nous sommes à l'intérieur de la confédération de l'UDF et nous y sommes bien.

L'Union au sein de l'UDF …

À l'intérieur de cette confédération nous bâtissons, dans le système actuel, tel qu'il nous a été donné, des alliances pour être certain que l'UDF ait une ligne directrice. Nous agissons ainsi avec le Parti radical car il y a, entre la plus vieille formation politique française et la formation libérale que nous sommes, une très étroite solidarité. Avec les démocrates-chrétiens – nous avons été au côté de l'un d'entre eux, Dominique Baudis, dans la campagne européenne – je ne crois pas qu'il ait aujourd'hui de fossé qui soit infranchissable. Il y a donc, à l'intérieur de l'UDF, l'élément d'une solidarité, d'une majorité, et nous comptons naturellement sur le président de l'UDF pour que les statuts de la confédération permettent de prendre une décision responsable. Mais sur l'enjeu considérable que représente notre bataille pour l'Union. S'il y avait un risque, s'il y avait une équivoque, s'il y avait une incertitude, ou s'il y avait une ambiguïté, je proposerais au Bureau politique du Parti républicain, au Comité Directeur élargi à tous les parlementaires et naturellement, en fin de compte, au Conseil national, de choisir l'indépendance et l'union plutôt que l'équilibre et l'ambiguïté.

… et au sein du PR

Un dernier mot, il parait que nul n'est prophète en son pays, et c'est vrai qu'en général ceux qui professent des vertus élevées se gardent bien de les appliquer dans leur comportement. Nous essayons au Parti républicain d'être insolites, non conformistes, redoutablement à contre-courant. Puisque nous préconisons l'union pour la majorité toute entière, je voudrais remercier toutes celles et tous ceux qui, membres du Conseil national, parlementaires, responsables du Parti républicain a tous niveaux, m'ont aidé, le 26 juin dernier, à faire en sorte que, artisan inlassable de l'union, le Parti républicain, à la veille de l'échéance majeure, soit aussi, à sa façon, exemplaire d'unité. Merci, vous m'avez facilité mon travail de président en donnant crédit à une parole collective.

Je vais donc vous dire simplement que la présidence du Parti républicain n'est pas un droit absolu. Ce n'est pas une monarchie héréditaire, et ce n'est pas une épreuve de longévité. Au conseil national statutaire, je souhaiterais simplement demander à tous mes conseillers nationaux, d'adopter deux principes.

Un président à temps complet

Le premier consisterait à déclarer que le président du Parti républicain devrait être libre de tout autre responsabilité. J'éprouve à l'égard de votre dévouement, de votre engagement un certain scrupule à n'avoir pas la disponibilité qu'exige ce mandat important et honorable qu'est la présidence d'un parti. Peut-être pourrions-nous envisager une réforme statutaire qui fasse que le président du Parti républicain suit statutairement responsable de son parti et responsable seulement de son parti. Il y aurait aussi une implication forte, une disponibilité de tous les instants et la vie même des partis politiques, c'est-à-dire votre action sur le terrain, s'en trouveront revalorisée par l'engagement complet et exclusif d'un dirigeant à son service. C'est facile de le dire maintenant, c'est vrai, mais ce n'est pas parce que l'on s'est trompé une fois qu'il faut se tromper tout le temps.

Le deuxième principe, reviendrait à considérer qu'être président de parti, ne relève ni de la monarchie héréditaire ni de l'épreuve de longévité et que nous pourrions en quelque sorte, lier la durée du mandat au cycle des grandes élections. Lorsque François Léotard au « l'irresponsabilité » de me conforter la présidence du Parti républicain et lorsque vous aurez  eu « l'insouciance » de ratifier son choix, nous préparions ensemble les élections cantonales et régionales de 92. Nous avons apporté la démonstration qu'il y avait pour la majorité une possibilité de gagner contre les socialistes contre le Front national. Bien d'autres à l'époque pensaient le contraire, qui nous donnent des leçons aujourd'hui. Ensuite ensemble, nous avons préparé mars 93. Je comprends parfaitement ceux qui, en mars 93, auraient souhaité une UDF peut-être plus présente et peut-être un Parti républicain plus présent. Cela se serait traduit par de nombreuses primaires, plus nombreuses que celles que nous avons connues. Je pense très profondément que ce désir de participer et de compter ses voix n'est pas de lui qu'attendent les électeurs dans une démocratie majoritaire. Ils souhaitent que, préalablement à l'élection, ceux qui ont la volonté de gouverner ensemble se retrouvent. En mars 93 nous avons gagné les élections législatives, et pour le Parti républicain d'une façon exceptionnellement forte. Je souhaite comme président du Parti républicain être votre président pour les deux élections qui restent pour compléter le cycle de la démocratie française. L'élection présidentielle et l'élection municipale. Ensuite, bien naturellement, si le conseil national de septembre 1995 l'accepte, je remettrais mon mandat de président du Parti républicain. Je pense que pour rendre compte et assumer ses responsabilités, il faut pouvoir le faire non pas indéfiniment mais sur l'exercice même où l'on attend un parti politique et les responsables. C'est-à-dire l'exercice des élections que l'on doit assumer. Lorsque j'aurais fait cela et il vous appartiendra si vous me soutenez dans ces diverses initiatives lors d'un conseil national de vous proposer un nouveau choix de président du Parti républicain.