Interview de M. Michel Roussin, ministre de la coopération, à Europe 1 le 7 novembre 1994, sur le sommet franco-africain à Biarritz, l'aide à l'Afrique, la préparation de l'élection présidentielle et le financement du RPR.

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Circonstance : Sommet franco-africain à Biarritz du 7 au 9 novembre 1994

Média : Europe 1

Texte intégral

F.-O. Giesberg : Le 18e sommet franco-africain s'ouvre demain à Biarritz. Il réunira 35 pays et c'est le dernier sommet de F. Mitterrand. Il y a eu du chemin depuis le sommet de La Baule, en 1990, quand la France chantait la démocratie. Vous la chantez toujours mais à voix basse …

M. Roussin : C'est vous qui le dites. Depuis que je suis à la tête de ce ministère, j'ai eu à gérer neuf processus électoraux en Afrique, des élections législatives, présidentielles. Et les observateurs internationaux, la Communauté internationale, ont considéré que cela s'était passé dans des conditions convenables. Je trouve que c'est déjà pas mal.

F.-O. Giesberg : Mandela ne participera pas au sommet mais on y verra Mobutu, n'est-ce pas un symbole de la nouvelle politique africaine ?

M. Roussin : Quatre nouveaux pays sont en effet invités, dont l'Afrique du Sud, l'Érythrée, l'Éthiopie et le Zimbabwe. Mobutu sera là, il est là depuis toujours à ces sommets. Ceci parce que la situation a évolué au Zaïre et on n'en parle jamais, on ne parle que de Mobutu. Il faut savoir qu'il y a un Premier ministre, maintenant au Zaïre, issu de l'opposition et c'est pas mal. Il y a donc un gouvernement maintenant qui doit avoir les moyens de gouverner.  On est très vigilants sur ce qui se passe au Zaïre. Un accord a été conclu entre la mouvance présidentielle de Mobutu et l'opposition. Nous faisons en sorte, en exerçant une influence que la démocratie puisse redémarrer au Zaïre et que la stabilité règne dans cette région.

F.-O. Giesberg : Votre politique africaine ne consiste-t-elle pas à privilégier la bonne gestion plutôt que la démocratie ?

M. Roussin : Je ne suis pas un gestionnaire. Vous faites peut-être allusion aux mesures économiques qui ont été prises par les Africains et nous avons aidé à les prendre. Nous faisons de la politique et nous nous battons pour la démocratie. Le coup d'envoi a été donnée au discours de La Baule ensuite. On a donc adapté les choses à notre rythme et au rythme africain. Mais nous sommes tout à fait convaincus qu'il n'y a pas de développement s'il n'y a pas de démocratie. Je ne peux donc pas avoir de bons résultats dans le domaine de la Coopération si les situations ne sont pas stabilisées et bien sûr si la démocratie n'existe pas.

F.-O. Giesberg : L'Afrique ne va pas bien, elle va même mal et on a le sentiment que le gouvernement ne l'aime pas trop. Exemple : le budget de la Coopération va baisser de 0,5 %, 330 postes d'enseignants ont été supprimés dans le budget 95 et puis la dévaluation du franc CFA, en 94, qui a provoqué de nombreuses difficultés dans les pays africains. Vous l'aimez l'Afrique ou pas ?

F.-O. Giesberg : A propos de l'aide, vous savez ce que l'on dit : sur 100 francs d'aide, on estime que 25 à 30 francs entre directement dans la poche des dirigeants africains dont certains seront à Biarritz aujourd'hui. Que 12 francs servent à financer les salaires des coopérants et qu'en fait, 3 malheureux francs seulement reviennent aux populations africaines. C'est vrai ça ?

M. Roussin : Ces chiffres sont une caricature pour moi. Peut-être qu'il y a eu des dérives dans le passé mais je peux vous dire que depuis 20 mois, je me suis attaché à faire en sorte que chaque projet financé par mon ministère soit, depuis son élaboration jusqu'à exécution, suivi et contrôlé. Et ça, je l'ai dit à mes interlocuteurs africains, ils le savent. Je ne vois pas comment il pourrait y avoir des "évaporations" dans ces conditions. Vous évoquiez la diminution du nombre des assistants techniques : je fais ça pour privilégier les projets de développement. Nous faisons un véritable effort et nous contrôlons de l'amont à l'aval tous les projets de développement. Je ne pars pas dans des projets extraordinaires. On fait des choses très simples pour que les Africains s'aperçoivent de cet effort qui est fait pour eux. On ne fait plus de ces projets que l'on appelait "les éléphants blancs" mais du concret et les gens doivent s'apercevoir qu'un effort est fait pour eux, par la France, mais aussi par la communauté internationale.

F.-O. Giesberg : Vous avez été l'un des collaborateurs les plus proches de Chirac, vous êtes aujourd'hui un ministre qu'E. Balladur aime bien. Vous arrivez à tenir ?

M. Roussin : C'est compatible, j'arrive à tenir. J'ai été pendant 12 ans le collaborateur de J. Chirac, avec qui j'ai toujours des relations tout à fait bonnes. J'essaie d'être un ministre efficace dans l'équipe d'E. Balladur et ça ne me gêne pas du tout.

F.-O. Giesberg : Mais vous êtes chiraquien ou balladurien ?

M. Roussin : Je ne répondrai pas à cette question. Pourquoi voulez-vous en permanence, surtout pour quelqu'un qui a été et qui est aussi proche des deux hommes, me faire publiquement choisir ! C'est surréaliste.

F.-O. Giesberg : Mais pas choisir comme vous le faites c'est choisir …

M. Roussin : Peut-être, mais cela c'est vous qui le dites.

F.-O. Giesberg : Comment jugez-vous l'annonce de la candidature de J. Chirac ?

M. Roussin : Elle ne me surprend pas, car je connais J. Chirac. Je crois que cela permettra au débat d'idées de se poursuivre. Notre victoire passe par une candidature d'union, Ce que je pense c'est qu'il faut gagner. Il faut que l'on ait un seul objectif, il faut se mobiliser aujourd'hui au gouvernement et puis demain, au service d'un seul candidat d'union pour gagner.

F.-O. Giesberg : L'union est un peu le mot d'ordre de tous les balladuriens mais ça n'a pas tellement réussi aux élections européennes. Vous avez vu le score de la majorité …

M. Roussin : Je pense que l'union ça reste un des grands thèmes du gaullisme. C'est une continuité dans cette famille politique et je crois que c'est le seul moyen de pouvoir remporter la victoire.

F.-O. Giesberg : Vous êtes au milieu de la tourmente des affaires et certains vous accusent d'avoir collecté des fonds pour le RPR. C'est vrai ?

M. Roussin : Moi je ne commente pas les rumeurs. Vous avez entendu ce qu'a dit J. Chirac hier. Je rentre dans mon 49e voyage en tant que ministre de la Coopération, je rentre d'Haïti, je me prépare à partir la semaine prochaine pour le Burundi où il y a de graves problèmes. C'est cela que l'on attend d'un ministre de la Coopération.

F.-O. Giesberg : Donc ce n'est pas vrai, les rumeurs sont fausses ?

M. Roussin : On a beaucoup écrit sur les rumeurs et généralement, c'est quelque chose de traumatisant et je n'en tiens pas compte. Je poursuis inlassablement cette mission au service de l'Afrique, au service des gens que l'on a décidé d'aider, au service de cette famille dans laquelle on est bien et qui se réunit aujourd'hui et demain à Biarritz pour étudier les vrais problèmes, ceux qui concernent la vie quotidienne de millions d'Africains. Voilà ce que je peux vous répondre.