Texte intégral
Moins d'un an s'est écoulé depuis ce 28 octobre 1993 qui vit scellée la première pierre du Centre de rencontres et d'hébergement pour la jeunesse, et voilà une réalisation désormais achevée et consacrée.
Qu'il me soit permis de rendre un hommage renouvelé à votre association, dont l'œuvre remarquable mérite d'être saluée pour l'action et la philosophie qui s'en dégagent. Elles s'inscrivent en lettres d'or dans l'histoire de la réconciliation franco-allemande.
Cet hommage s'adresse aussi à toutes celles et ceux qui ont rendu possible cette réalisation, qui y ont travaillé et qui peuvent en être fiers comme nous le sommes avec eux.
J'y vois l'illustration non seulement de la qualité de la relation que nous avons établie, mais aussi la traduction d'expressions et d'idées qui fondent la construction européenne, cette « communauté de destin » entre la France et l'Allemagne voulue par le général de Gaulle et par le chancelier Adenauer.
Une communauté de destin que définissait d'ailleurs en ces termes le général de Gaulle, en prélude au traité solennel de réconciliation franco-allemand de janvier 1963 :
« (…) Tandis que les temps modernes réduisent les distances, élargissent les économies, concentrent les activités et que la même menace immédiate pèse sur leur liberté et sur leur sécurité, la France et l'Allemagne se découvrent complémentaires par leur territoire, leur travail, leur génie. Elles mesurent quelle somme représente la conjonction de leurs capacités. Elles comprennent qu'il n'y a pas la moindre chance que s'assemble jamais l'Europe occidentale et – encore moins – l'ancien continent, si elles demeurent séparées. »
Et de préciser :
« Est-ce à dire que Français et Allemands, parce qu'ils sont solidaires, doivent aujourd'hui renier tous les efforts accomplis, tous les sacrifices consentis, de part et d'autre, au cours d'une dure histoire qui les opposa si souvent ? Est-ce que la rivalité franco-allemande, qui a rempli et bouleversé des siècles, la concurrence politique et stratégique menée par l'élite des deux côtés, tant d'appels aux armes et de fureurs nationales aboutissant à l'alternance des victoires et des défaites et aux files glorieuses des tombeaux, n'ont eu, en fin de compte, aucune justification ? Eh bien ! Nous devons répondre que, de tant de sang et de larmes, rien ne doit être oublié. Car si mal fondés qu'aient pu être parfois les motifs immédiats de nos guerres, si fâcheux leurs procédés, si ruineux leurs résultats, c'est une grande cause qui fut, au fond, à la source de nos querelles. »
Cette grande cause, Mesdames et Messieurs, c'est l'union de l'Europe. Et l'exemple de ces dernières décennies montre bien que c'est dans l'union et dans la solidarité que nous trouvons les fondements qui guident notre action.
Quelle que soit notre nationalité, nous sommes européens.
Quelle que soit notre éducation, nous savons intuitivement que nous sommes les héritiers de siècles de civilisation.
Quelles que soient nos difficultés de vie quotidienne, nous avons le sentiment, du moins dans l'Union européenne, de vivre dans un monde plus avancé. Alors que les drames collectifs éclatent sans cesse aux quatre coins de la planète, nous avons la chance en effet de vivre dans une zone privilégiée.
Dès lors, pourquoi ne pas la sauvegarder et la promouvoir, cette paix si fragile dont nous jouissons depuis près d'un demi-siècle ?
Dans la nuit de la seconde guerre mondiale, je suis de ceux qui, encore sous les armes, ont rêvé d'une Europe délivrée des guerres. Réflexe naturel, profondément sincère, en réaction à la périodicité des conflits fratricides que nous eûmes à connaître.
C'est pourquoi, je pense profondément qu'il nous appartient de poursuivre ensemble, dans le respect de nos morts, la construction d'un monde qui ne soit plus déchiré par les crises et les nationalismes exacerbés.
L'Europe de demain que nous appelons de nos vœux sera en mesure de garantir à sa population cette paix, cette justice et cette liberté qui demeurent l'aspiration intense des combattants.
Au moment où l'évolution générale du monde, autant que les perspectives d'avenir, font apparaître plus que jamais la nécessité de l'effort et de l'action, puissent les leçons du passé n'être jamais oubliées, elles sont les garantes de notre avenir.
Méditons, Mesdames et Messieurs, l'exemple que nous donne cette jeunesse, porteuse de tous nos espoirs en une Europe de paix et de liberté, dans l'excellence du travail accompli en commun, grande et belle œuvre de réconciliation par-dessus les tombes.