Texte intégral
Le Conseil de la Fédération des Verts européens s'est réuni à Chania (Grèce/Crète), les 28, 29 et 30 octobre 1994. Plusieurs événements en ont bousculé le train-train bureaucratique coutumier.
Premier scoop : un Premier ministre Vert… en Estonie ! Andres Tarand, leader des Verts estoniens, a été élu à ce poste le jeudi 27 octobre. Qui dira encore que nous sommes voués à une éternelle marginalité ?
Deuxième scoop : Leo Cox (Belgique/Flandres, Secrétaire général de la Fédération) et Paul Staes (Belgique/Flandres, ancien député européen) ont quitté Agalev et rejoint les chrétiens-démocrates ! Stupeur et consternation. Que faire ? En nommer un provisoire en attendant le prochain Conseil. Deux candidats : Bruno Boissière (France) et Anne de Boer (Pays-Bas). Après moult tours de scrutin entrelardés d'interruptions de séance, ce dernier (restant seul candidat en fonction du critère d'équilibre des nationalités au sein du Comité exécutif) fut élu et ne sera pas autorisé à se représenter au-delà de l'intérim.
Plus paisiblement, les Verts méditerranéens tentent de s'organiser en groupe de travail abrité par la Fédération, pour équilibrer la tendance nordique de l'Européanisation. Le forum organisé avant la réunion du Conseil de la Fédé rassembla des militants du sud et du nord de la Méditerranée fortement conscients des immenses problèmes de cette région, fortement désireux de continuer à se coordonner et à s'élargir à d'autres acteurs écologistes.
À ce propos, nous assistâmes à une remarquable conférence de Mohamed Sid Ahmed (Égypte/Le Caire, rédacteur en chef de Al Ahram). Extraits :
"On ne peut faire un parallèle formel entre la construction européenne et une union méditerranéenne. Car le centre de l'Europe est plein, c'est la Lotharingie, tandis que la caractéristique de l'espace méditerranéen, c'est le vide, c'est la mer. […] Le problème n'est plus l'exclusion mutuelle entre les arabes et Israël. Ceci est fini. Mais nous n'avons pas encore convaincu les peuples de travailler ensemble, de façon complémentaire. Cette situation intermédiaire, je la qualifierais de mutuelle instrumentalisation. La paix, commencée à Madrid après la guerre du Golfe, n'est cependant pas inévitable. La situation reste instable. […] Le meilleur gage de leur sécurité respective ? Ça n'est pas la terre (les conquêtes territoriales) qui font la sécurité aujourd'hui, c'est l'interdépendance. […] L'islam ? C'est aujourd'hui une question d'identité et de proclamation idéologique. Après l'effondrement du "socialisme", que reste-t-il pour le panarabisme ? L'Islam a cette utilité idéologique de mythe rassembleur de remplacement. D'autant plus que les pays arabes peuvent se sentir infériorisés par leur non-modernité par rapport à l'Europe, par rapport au Nord. C'est ça la différence : l'Europe fut construit sur un marché (commun), tandis que le monde arabe fut colonisé longtemps. Il se libéra, mais sans marché. Il lui fallait un lien. L'islam n'est pas plus l'intégrisme que le catholicisme est l'inquisition."
Intervint ensuite Randa Aractingi Liban, représentante du "Mouvement des Citoyens" (rien à voir avec Chevènement !) : "Il y a une légende contemporaine : le Liban serait la plus avancée des démocraties de la région, le Liban serait en paix. Ceci est faux. Il n'y a pas un cm2 du Liban qui soit contrôlé par les Libanais. C'est soit Israël, soit la Syrie. Quant à la prétendue démocratie, c'est en fait un mauvais compromis entre confessions (maronites versus sunnites, chrétiens versus islamistes). C'est le mauvais compromis permanent entre les communautés, qui se rejettent leurs candidats aux postes de responsabilité. Cette politique du consensus, de la prétendue reconnaissance de la diversité, c'est la promotion des plus médiocres, des plus magouilleurs, c'est l'anti-début. Nous voulons la laïcité. Nous voulons un Liban séculaire, sans système confessionnel qui capture le pouvoir de la société civile. Car les gens se disent : "quoi que l'on fasse, ce sont les chefs des communautés qui finalement décideront entre eux avec leur soi-disant consensus". Nous disons que si l'on doit reconstruire le Liban, il faut reconstruire la société civile, qui n'a jamais été pour la guerre, et non conserver le pouvoir des politiciens actuels, en fait des chefs de guerre qui ont changé de méthode. Ils ont remplacé les milices par la corruption et le béton. Ils ont amnistié leurs amis criminels. La guerre est toujours présente, puisque les causes et les fauteurs de la guerre sont toujours présents."
Enfin, les 10 et 11 décembre prochains, aura lieu le sommet européen à Essen (Allemagne), pour le passage du témoin entre H. Kohl et F. Mitterrand (la présidence du Conseil deviendra française pour six mois). À cette occasion, nous organisons une conférence de presse commune Verts allemands – Verts français, à Essen, le jeudi 8 décembre ; puis une réunion conjointe des exécutifs allemands et français pour envisager nos relations futures, notamment le soutien des allemands à Dominique Voynet.