Texte intégral
Lénine disait des promesses qu'elles sont faites, comme les croûtes de pâtés, pour être brisées. Ce propos traduit le regard réaliste porté par un idéologue sur le monde politique. Si, dans notre société moderne, les échéances électorales sont riches en promesses, tous les candidats et électeurs ne sont pas pour autant facilement dupes de la lune promise.
Plus généralement, l'opinion publique est régulièrement nourrie d'analyses et de prévisions économiques, crise oblige. Lorsque la tonalité est pessimiste, elle suscite, en sursaut de défense, la détermination à réagir. Au contraire, si elle est optimiste, elle conforte, par effet de mimétisme, la volonté d'agir. Aussi les prévisions sont-elles, dans bien des cas, contredites par les faits, à l'instar des promesses rarement tenues. C'est ce que nous observons par exemple, en matière de croissance et d'emploi.
Au début de l'année les conjoncturistes estimaient pour 1994 la croissance économique à 1 %, au printemps ils la révisent à 1,5 % aujourd'hui gouvernement et conjoncturistes tablent sur un minimum de 2 % De même pour l'emploi, l'UNEDIC prévoyait quelque 240 000 disparitions pour 1994 aujourd'hui l'INSEE observe qu'il s'en est créé 118 000 en six mois.
Ces résultats sont révélateurs de deux changements fondamentaux dans le paysage économique français. Tout d'abord, la conjoncture française est devenue extrêmement sensible à l'environnement international. Elle épouse désormais étroitement le cycle de l'économie mondiale, ce phénomène se révèle favorable aujourd'hui, alors qu'il fût défavorable l'année dernière. Ensuite, les entreprises ont adapté leur temps de réponse dans la gestion des effectifs. Si, hier, elles attendaient confirmation de leurs prévisions en matière de marche avant de décider d'embaucher ou de licencier, ce qui prenaient généralement six mois désormais elles réagissent en temps réel Il apparaît donc clairement au travers de ces deux phénomènes que l'emploi français colle désormais à la conjoncture mondiale.
Que peut-on observer sur la consistance de l'emploi créée ? Trois données essentielles.
La première, logique, avec la constatation d'une réactivité immédiate nouvelle est un recours privilégié à l'emploi temporaire. Il faut donc espérer que la reprise économique se confirme ; c'est ainsi seulement que la création d'emplois se maintiendra au même rythme et que les emplois ainsi créés deviendront des emplois stables.
La deuxième donnée est la généralisation de la création d'emplois à l'ensemble des secteurs d'activités. Certes, le tertiaire conserve une position dominante dans les recrutements. Mais l'industrie, dont on n'imaginait pas qu'elle puisse inverser sa courbe d'emploi si rapidement a arrêté de détruire des emplois.
La troisième quant à elle, s'analyse dans la typologie des recrutements. Priorité est donnée à la qualification, ce qui entraîne un retour aux recrutements des cadres n'en reste pas moins que cette donnée, qui atteste de la part ces entreprises d'un besoin de compétence d'autant plus fort que l'encadrement fut excessivement dégraissé, est encore trop fragile pour que l'on puisse imaginer que l'emploi des cadres est sorti du marasme.
Ce serait une erreur fondamentale pour le gouvernement, et sans doute une faute politique de penser trouver, dans ces retournements de situation, une justification a une politique de l'emploi exclusivement orientée vers les catégories de salaries peu ou pas qualifiées.
Tant la compétitivité des entreprises que le chômage des cadres ou encore l'arrivée de plus en plus massive de jeunes diplômes sur le marché du travail appellent, en effet la prise en compte de particularités et imposent des approches spécifique. À défaut de ne pas confondre politique de l'emploi et politique sociale la dynamique de l'emploi créée par une bonne utilisation des qualifications s'en trouverait freinée et donc se retournerait contre les salariés peu qualifiés eux-mêmes.
Il nous faut alors savoir exploiter avec intelligence le démenti des chiffres qui nous est offert aujourd'hui, si nous voulons qu'il profile bien à notre pays et donc à nous-mêmes.