Déclaration de M. Philippe Séguin, président du RPR, principalement sur la rénovation du RPR et l'unité autour du Président de la République, le soutien à Alain Juppé après sa mise en examen et sur la montée du pouvoir judiciaire grâce à l'expolitation des affaires de financement des partis politiques, Paris le 18 septembre 1998.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du comité politique du RPR, à Paris, le 18 septembre 1998

Texte intégral

Mes chers compagnons,

Je suis heureux de vous retrouver à l’occasion de ce comité politique.

Comité politique qui est le premier des trois grands rendez-vous qui marqueront la rentrée de notre rassemblement.

Nous aurons en effet à tenir également les 5 et 6 octobre, à la Cité des sciences de la Villette, notre convention nationale sur l’Europe à laquelle vous êtes tous conviés. Et une semaine plus tard, au lendemain des élections sénatoriales, auront lieu nos journées parlementaires qui réuniront nos élus de l’Assemblée, du Sénat, qui aura connu son renouvellement triennal, et du Parlement européen, à quelques mois de ses propres élections.

Ce comité politique constitue d’abord l’étape ultime, pour ce qui le concerne, de la mise en place de notre nouvelle organisation.

Je sais qu’il est de bon ton de se gausser des questions de structure. J’observe d’ailleurs que la critique vient souvent de ceux-là même qui ne voyaient de salut que dans la fusion des partis de l’opposition. En vérité, les structures n’ont évidemment d’intérêt que dans la mesure où elles sont les instruments de nouvelles pratiques et de nouveaux comportements. Or, c’est bien dans cet esprit que nous aurons, d’une part, à élire notre bureau politique, et d’autre part, à fixer les dates et le mode d’organisation de l’élection du président du mouvement au suffrage universel des adhérents.

Les propositions qui vous seront faites, tendront à assurer une rigoureuse égalité des candidats et à éviter toute interférence entre la période de réflexion et de débat qui s’ouvre aujourd’hui et la période électorale proprement dite.

Ce comité politique est, en effet, aussi une occasion de faire collectivement le point. À cet égard, il serait vain d’attendre de moi quelque prolongement ou quelque écho que ce soit aux échanges dérisoires qui ont eu lieu au sein de l’opposition, tout au long de cet été qui n’en finit pas de s’achever.

Nous devons en effet aborder cette rentrée sous le triple signe de la sérénité, de la lucidité et de la détermination.

Sérénité, d’abord. Nous nous sommes fixé une ligne. Rien ne doit nous en faire dévier. J’ai moi-même choisi de limiter au maximum mes interventions médiatiques pour éviter d’être engagé, à mon corps défendant, dans des polémiques qui n’ont d’autre objet ou, à tout le moins, d’autre résultat, que l’entretien d’un climat de déconsidération pour l’ensemble de l’opposition. Il nous faut en effet privilégier le travail de fond. Même si ça n’est pas immédiatement gratifiant – je le sais plus et mieux que quiconque. C’est vrai d’abord pour le mouvement, pour lequel les trois maîtres-mots demeurent : réconciliation, rénovation, ouverture. Et à cet égard, je me réjouis à la fois de l’issue du conflit parisien et de la totale cohésion dont nous avons fait preuve devant les premières épreuves de la rentrée. C’est vrai aussi pour l’ensemble de l’opposition. Conformément au souhait de Jacques Chirac, nous avons fait le choix de l’union et de son organisation. Il ne m’a pas échappé que des événements de diverse nature dans lesquels nous n’étions pour rien lui portaient un lourd préjudice. Pour autant, nous devons nous en tenir à notre choix : ne pas abuser de notre position de parti dominant. Cette position nous crée, en réalité, des devoirs supplémentaires : lorsque le besoin s’en fait sentir, nous devons savoir être unitaires pour deux quand ça n’est pas pour trois, voire davantage.

Cette sérénité, je l’ai dit, ne doit pas nous dispenser d’un effort de lucidité. L’opposition a encore bien des efforts à consentir. L’opinion reste réticente à son égard, peu réceptive, quand elle ne se laisse pas entraîner dans des campagnes de dénigrement où on l’accuse tantôt d’être trop molle, tantôt d’être trop systématique.

En fait, trois facteurs expliquent la situation de l’opposition : la rancune de l’électorat à son égard, suite aux événements de mai-juin 1997 ; la difficulté à se situer dans une pratique forcément nouvelle de la cohabitation ; l’effet d’optique de la soi-disant réussite du gouvernement Jospin.

Notre détermination ne doit en être que plus grande. Pour vivre aussi utilement et efficacement que possible cette phase intermédiaire que nous connaissons. Pour hâter le rétablissement des conditions d’un vrai dialogue avec les Français. Nous ne sommes pas encore réellement audibles. Nous devons le devenir. Même si cela ne dépend pas exclusivement de nous.

Dans un contexte difficile – surtout dans un contexte difficile –, la première des responsabilités des gaullistes est de placer l’intérêt national au cœur de toute considération.

Nous nous étions quittés dans un climat d’euphorie né du Mondial.

Nous nous revoyons dans une atmosphère incertaine à bien des égards, sans que les matchs nuls contre l’Autriche et l’Islande y soient pour grand-chose.

Ni l’évolution du monde, ni celle de la France ne sont en effet de nature à nous réjouir.

Tout cela, nous devrons le dire et le répéter, au fur et à mesure que les faits viendront confirmer nos vues. Mais pour être entendus, nous n’aurons pas besoin que de convictions fortes. Nous aurons également besoin d’unité.

Et d’abord d’unité autour du président de la République.

Dans l’environnement que nous connaissons, ses positions claires et fermes sont d’autant plus nécessaires et appréciées.

Nous avons ainsi salué, comme il se devait, les paroles fortes prononcées par Jacques Chirac à l’occasion de la conférence des ambassadeurs.

En plaidant pour une Europe respectueuse des Nations qui la composent et tout entière au service d’un modèle social, le président de la République a, une nouvelle fois, clairement fixé le cap, comme il l’avait fait en évoquant, il y a deux ans à Lille, la « troisième voie » européenne.

Dans le même esprit, il a manifesté opportunément les plus expresses réserves sur le budget 1998, c’est-à-dire sur les choix fondamentaux du gouvernement, réserves que nous avons relayées et dûment explicitées.

Il appartenait en effet au gouvernement de profiter de l’amélioration temporaire de la conjoncture et des efforts de rigueur fournis par ses prédécesseurs pour, d’abord, préparer la France à affronter une situation plus tendue que prévu. Il revenait également au gouvernement de prendre conscience des effets de la mondialisation et de mobiliser le pays en conséquence. Il lui appartenait de soutenir la croissance par la baisse des impôts et donc des dépenses publiques.

On a fait très exactement le contraire.

Le gouvernement a joué les cigales, distribuant de-ci-delà, imposant les 35 heures et 350 000 emplois publics déguisés. Et il risque de se trouver fort dépourvu quand la bise sera venue. Car, en vérité, nous perdons un temps précieux. Nous devrions, dès maintenant, engager les réformes de fond qui nous permettraient de maîtriser la mondialisation et de nous adapter à la nouvelle donne que constitue la monnaie unique.

Au lieu de quoi, nous gaspillons les quelques atouts que nous autorise encore la conjoncture. Nous renouvelons – en pire, compte-tenu du contexte mondial – les erreurs fatales des années Rocard.

Nous donnons le mauvais exemple en matière de prélèvements obligatoires.

Nous restons dans le peloton de tête des pays industrialisés pour ce qui concerne la progression des dépenses publiques.

Quand les autres grandes Nations industrielles ramassent leur énergie, les socialistes, eux, viennent nous expliquer qu’il faut dépenser plus et travailler moins…

Mes chers compagnons,

Cette unité qui doit être au coeur de nos préoccupations, je suis heureux que nous ayons su la réaliser en faisant part unanimement, dans l’épreuve qu’il traverse, de notre solidarité, de notre soutien et de notre confiance à Alain Juppé. Nous avons l’occasion de les lui confirmer aujourd’hui.

Mais il m’a semblé que nous n’accomplirions que partiellement notre devoir si nous ne complétions pas ce geste d’évidence d’une analyse politique.

Je ne sais si la question que je vais poser est opportune, mais je la crois pourtant incontournable. Comment peut-il se faire que, dans une démocratie comme la nôtre, un homme intègre, au-dessus de tout soupçon, tout entier voué au service de son pays, se retrouve dans une situation pareille ?

Il nous revient donc de dire et de faire comprendre que nous ne sommes sortis qu’il y a deux ou trois ans d’une période de transition, pendant laquelle la France s’est progressivement dotée d’une législation sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques, encore inexistante au début de 1988.

J’insiste à dessein sur l’aspect progressif de cette transformation, qui ne s’est pas accomplie en un jour.

Trois lois successives ont été nécessaires, en 1988, en 1990, en 1995, pour parvenir à bâtir pour l’avenir un édifice à peu près cohérent, même s’il est encore insuffisant, preuve manifeste que la transition a été longue et complexe.

Le législateur a tâtonné, corrigeant à deux reprises et en profondeur le texte initial.

Comme l’a remarquablement écrit Michel Guénaire, « le problème vient du fait que les trois éléments essentiels du dispositif, à savoir le financement public, l’interdiction des contributions privées et l’organisation ainsi que la limitation des dépenses électorales, sont intervenus à des dates différentes ». Cette sédimentation a d’autant moins aidé à stabiliser la loi que ces textes, d’abord très flous, n’étaient pas exclusifs d’autres dispositions légales. C’est assez dire qu’il a fallu du temps pour trouver la bonne formule.

Du coup, si l’on se refuse à prendre en compte pour apurer la période de l’absence de législation et la période transitoire le critère de l’honnêteté personnelle et de la prise en considération de l’intérêt public, ne nous y trompons pas : dans dix ou quinze ans, nous y serons encore. Nous serons encore dans un procès à la fois permanent et injuste de l’ensemble de notre système démocratique.

Car le problème auquel nous sommes confrontés n’est ni celui du seul RPR, ni même celui de la seule opposition. Il est posé à l’ensemble des forces politiques de ce pays. Et faute que soient prises les mesures nécessaires pour apprécier sereinement le passé, existe un risque sérieux d’empoisonner le climat politique, de favoriser les extrêmes, de déconsidérer dangereusement la démocratie.

Faire un choix différent me paraît irresponsable.

Cela consiste à se dire, quand c’est le tour des autres à être sur la sellette, que c’est tout bénéfice et à se draper, provisoirement, de probité candide et de lin blanc…

Sans doute, nombre d’entre nous, lorsque les socialistes étaient concernés, ont-ils cédé à cette tentation. Les socialistes, en tout cas, ont pris le relais avec une belle unanimité.

Et ils ne veulent rien savoir…

C’est bien dommage car, en ces matières, rien ne peut se faire sans consensus. C’est d’autant plus dommage que les socialistes doivent savoir ce qu’on dénomme par « emploi fictif ». J’ai cru comprendre qu’ils n’estimaient pas scandaleux qu’un ministère, jusqu’en 1995, rémunère le responsable d’un grand parti, avis qu’a rejoint le procureur chargé de se préoccuper de cette affaire…

Je vais être généreux…

Je veux bien croire que c’est moins par intérêt politique que par prudence qu’au gouvernement on a décidé de se taire…

On me permettra alors de lui dire que la couardise ne peut plus être de mise car c’est la couardise qui est à l’origine de la situation que nous vivons. Et en particulier cette couardise qui nous a fait différer longtemps l’ébauche même d’une réflexion sur la transparence, au motif qu’il était inenvisageable de subventionner les partis politiques par l’impôt.

Oui, nous serions décidément mieux inspirés de prendre exemple sur nos voisins italiens qui ont saisi l’occasion de l’opération « mani pulite » pour procéder à une consolidation de l’État, et non pour faciliter sa dislocation.

Il est bien trop facile de se retrancher derrière la suprématie d’un État de droit garanti par l’indépendance de la justice, afin de justifier l’inaction. D’autant que cette évocation repose, à mes yeux, sur un contresens : l’existence d’un pouvoir judiciaire mythique, appelé à prendre rang, de plain-pied, aux côtés des pouvoirs exécutif et législatif.

Je sais bien qu’il existe, dans toute organisation humaine, une tendance naturelle à invoquer des principes non écrits, une sorte de morale transcendante qui s’imposerait à tous.

Mais cela n’a aucun sens dans une démocratie, surtout quand elle s’est dotée, comme la nôtre, d’institutions qui ont pour fonction, précisément, d’être gardiennes de ces valeurs.

C’est assez dire que c’est au législateur et à lui seul qu’il revient de prendre ses responsabilités. II ne doit les abandonner à personne. C’est assez dire aussi combien est incongrue, absurde, la thèse selon laquelle le chef de l’État pourrait être mis en cause dans des procédures judiciaires de droit commun.

La Constitution est parfaitement claire sur ce point, et d’ailleurs conforme à la tradition républicaine, aussi bien qu’au principe de séparation des fonctions.

Ce n’est pas que le président de la République ne soit pas un citoyen comme les autres. Il est en réalité citoyen encore plus que les autres. Et ses fonctions sont évidemment protégées. L’intention du constituant ne laisse planer aucun doute. J’en veux pour preuve – qu’avant qu’à mon initiative on ne revienne partiellement sur ce point –, on ne pouvait poursuivre un parlementaire qu’avec l’autorisation expresse de l’Assemblée dont il était membre. Si l’on suit le garde des sceaux et les quelques constitutionnalistes égarés qui l’ont approuvée, il faudrait en conclure que le président aurait été moins protégé par le constituant que les parlementaires. Cela n’est pas défendable.

Voilà en tout cas qui nous rappelle que lorsqu’il y a un an, nous avons pris l’engagement de défendre la fonction présidentielle chaque fois qu’elle serait attaquée, il ne s’agissait pas que de mots.

De la théorie des « deux têtes de l’exécutif » dont on nous rebat les oreilles à l’évocation d’une responsabilité pénale du chef de l’État, c’est une même logique qui est à l’œuvre, d’affaiblissement insidieux de la légitimité présidentielle.

Ne leur prêtons pas la main, par pitié. N’en rajoutons pas ! Il faut être sérieux.

Et cohérent.

D’ailleurs, si certains trouvent que la cohabitation est le meneur des systèmes, pourquoi ne mettent-ils pas la France à l’abri du risque que représenterait le retour à une cohérence entre président, Premier ministre et majorité ? Pourquoi ne proposent-ils pas de revoir nos institutions pour rendre la cohabitation obligatoire ?

Je crains pour ma part que cette adhésion ne soit surtout une traduction du désintérêt – compréhensible – des Français pour la chose publique : pour nombre d’entre eux, les hommes publics ne servent pas à grand-chose, et ils se réjouissent qu’ils cessent, du moins, de se quereller… Du coup, on ne fait pas ou peu de politique, et les gens trouvent ça très bien. D’autant que la conjoncture économique est encore bonne et qu’on gagne la Coupe du monde…

Pour autant, si l’on considère – comme nous – qu’il y a, face à la mondialisation, un double devoir de mobilisation et d’explication, il est clair qu’on ne saurait y parvenir idéalement avec un mode de fonctionnement institutionnel qui favorise l’émergence ou le renforcement de pouvoirs non légitimes.

Et nous ne saurions nous rassurer en nous disant que nous ne sommes pas les seuls, nous Français, à être confrontés au problème…

Voilà au contraire qui doit nous conduire à prendre toute sa mesure…

C’est partout qu’on tente de faire prévaloir l’idée qu’il n’y a plus de choix, plus d’alternative, que le temps du politique est révolu, puisqu’il ne saurait que verser dans le populisme.

Que le débat, la discussion, la confrontation des options, la confrontation même d’une majorité et d’une opposition sont inutiles.

Que le pouvoir, la responsabilité doivent passer à ceux qui savent, qui détiennent la compétence.

Et dans cette perspective, les entreprises parallèles de déconsidération des présidents russe et américain prennent un tout autre sens.

Comme l’acharnement de certains à interdire toute possibilité de débat sur la construction européenne.

Mes Chers Compagnons,

Faut-il nous résigner à entrer dans l’âge de la post-démocratie ? Et cette question ne serait-elle pas la question centrale de notre temps ?

Sans doute, à force d’avoir trop crié au loup dans des temps plus favorables, ces interrogations risquent-elles de n’avoir qu’un faible écho.

D’autant que la volonté d’user des apparences et des ultimes privilèges du pouvoir l’emporte, chez beaucoup, sur les risques qu’on courrait à lui rendre un contenu.

Et pourtant les faits sont là. Les affaires, leur exploitation juridico-politico-médiatique sont à la fois un révélateur et un formidable accélérateur d’une évolution qui se produit en temps réel sous nos yeux.

En déconsidérant les acteurs du système, c’est tout le système qu’on discrédite. Ce faisant, on apporte, consciemment ou inconsciemment, sa pierre à la construction, patiente mais continue, d’une société post-démocratique.

Nous sommes déjà en situation d’a-démocratie. Nous avons dépassé le stade de la technocratie, où le technicien s’arrogeait le pouvoir de l’autorité légitime : du moins restait-il aux côtés du politique qui pouvait, à tout moment, reprendre la main.

Désormais nous percevons le transfert, par petites touches, du pouvoir à de nouvelles autorités supposées détenir savoir et compétence.

C’est le règne de l’ad’hocratie.

Tout devient trop sérieux et trop complexe pour être confié au peuple et à ses représentants. On camoufle l’illégitimité en veillant à ce que, pour perpétuer ses quelques privilèges, le système politique accepte lui-même de se laisser déposséder.

Accepterons-nous de cautionner cette évolution, au risque de subir un système qui serait quelque part entre une sorte d’avatar de despotisme éclairé et de fascisme à visage humain ? Accepterons-nous de tout placer sous le signe du technique alors que tout reste politique ? Ou allons-nous nous ressaisir ?

Cette question nous concerne, nous gaullistes, tout particulièrement. Elle nous concerne car nous nous sommes rassemblés sur un principe : le droit de chacun de peser sur son destin. D’être acteur et non objet. À nous donc de nous opposer, en toute première ligne, à cette dérive.

De restaurer les conditions d’un bon fonctionnement de la démocratie ; de rendre son sens à la citoyenneté ; de réhabiliter la politique.

En organisant la mondialisation au lieu de la subir. En bâtissant l’Europe unie des États, comme nous y a invités Jacques Chirac, au lieu d’accepter celle des technocrates et des banquiers. En consolidant la Nation, qui intègre et assimile, face aux communautarismes qui séparent et qui aliènent. En rénovant la République, par une vraie réforme de la justice, une réhabilitation du Parlement, une politique de l’éducation exigeante.

La tâche est immense.

Et nous ne l’accomplirons que si les partis remplissent leur rôle constitutionnel : les partis ne sont pas des clubs de supporteurs des élus. Ils ont, d’abord et avant tout, un rôle pédagogique.

Nous sommes fiers de l’avoir affirmé aussi nettement à l’occasion de notre démarche de rénovation. Nous sommes, à ma connaissance, les seuls à l’avoir fait aussi nettement. Et je crois que nos conceptions sont les plus proches de ce que doit être un mouvement politique moderne.

Un mouvement politique moderne a vocation à représenter l’ensemble de la société en exprimant toute sa diversité et s’efforcer de dégager par ses arbitrages une ligne qui soit celle de l’intérêt général.

Il doit détecter et contribuer à former des hommes et des femmes susceptibles de prendre des responsabilités publiques à tous les niveaux.

Il doit mener une action pédagogique permanente et, avant même de promouvoir ses propres options, expliquer les enjeux.

Bref, contribuer à faire vivre la citoyenneté.

Cela est d’autant plus indispensable que le RPR, comme les autres formations, est désormais tributaire d’un financement public, qui lui impose de justifier de la bonne utilisation de l’argent du contribuable.

Il lui faut donc tirer toutes les implications des lois sur le financement en remplissant intégralement sa mission de service public. Toute autre formule me paraît largement dépassée. Il n’est pas d’autre voie pour une vraie démocratie.

Alors il faut maintenant passer aux actes : le débat que nous entamons sur l’Europe est, dans cette perspective, essentiel.

Notre prochaine convention aura, en effet, une double signification : interne car elle devra nous préparer à nous rassembler sur une ligne politique claire ; externe, car il s’agira de convaincre les Français du caractère crucial des enjeux européens.

Alors, rejetons la langue de bois.

Le RPR est un rassemblement. Il refuse les a priori idéologiques. Il doit assumer sa diversité.

Je m’en considère comme le garant.

Donc, aussi longtemps que je serai à sa tête, personne n’y sera jamais sanctionné pour un délit d’opinion. Ce serait un contresens.

D’ailleurs, cette diversité, que je sache, ne date pas d’hier. Elle ne s’est pas toujours exprimée, d’ailleurs, de la meilleure manière qui fût…

Si je ne m’abuse, elle est allée jusqu’à nous faire soutenir les uns ou les autres deux candidats concurrents aux présidentielles en 1974. Deux encore en 1981. Et deux, je crois m’en souvenir, en 1995… Tout cela a laissé des cicatrices. Moi, ce que je souhaite, c’est que la diversité s’exprime par un débat interne, permanent. C’est la meilleure manière de se réunir face aux échéances.

D’où, les règles que j’ai posées : vous dites ce que vous voulez… En revanche, il est trois prescriptions incontournables : le respect absolu de la stratégie électorale ; l’adhésion obligatoire au groupe que nous constituons quelle que soit l’Assemblée ; la soumission à notre code de déontologie. Et sur ces trois points, tout manquement est normalement sanctionné.

Nous l’avons fait, lors des dernières élections régionales et dieu sait que les décisions ne furent pas faciles à prendre.

Nous avons gardé la tête froide, ne cédant ni aux sirènes des alliances de circonstance, ni aux manipulations de la gauche.

Cela nous donne quelques droits, en particulier celui de dire ceci :

- La France politique souffre aujourd’hui de deux maux. Le premier, c’est la montée d’une extrême droite qui capitalise les suffrages de Français désorientés par l’abaissement du politique, dont je me suis efforcé de décrire les principaux symptômes.
Il est donc impératif de s’y attaquer en convainquant ses électeurs qu’ils font fausse route.

- Mais il est plus que temps, mes chers compagnons, de dénoncer la deuxième tare qui menace notre système politique : l’exploitation grossière, éhontée, du phénomène de l’extrême droite, sous couvert d’exigence morale ; la morale utilisée comme paravent d’une opération de manipulation politique qui vise à la fois à assurer le pouvoir de la gauche pour vingt ans et à neutraliser l’opposition républicaine.

Manifestations, violences verbales, voire physiques, sommations en tous genres, « une » des journaux, tout est bon pour entretenir un climat de terrorisme intellectuel et moral, un psychodrame indigne de notre démocratie.

Cette atmosphère malsaine, nous le savons, est artificielle et ne correspond en rien à la réalité du pays.

Mes chers compagnons,

Je vous invite à retrouver notre liberté de parole, à redresser la tête, à mettre fin à la plus actuelle des tyrannies : celle des préjugés.

Nous vivons entourés de fausses idoles, dans la terreur respectueuse de certains mots, que nous confondons avec les immortels principes.

Passons, enfin, aux choses sérieuses et renouons un vrai dialogue, un dialogue exigeant, avec les Français. Sur l’Europe. Sur la mondialisation. Et sur la France.

Le tumulte médiatique est une chose ; la vraie politique en est une autre.

Ne nous laissons ni embobiner, ni impressionner par des campagnes d’intoxication. Travaillons. Puisqu’Aimé Jacquet est devenu la référence, va pour mémé.

Il nous aura du moins appris qu’il y a des matches de préparation et qu’il y a la compétition. Et que ce sont deux temps différents.

Il faut être prêt pour le jour J, ni avant, ni après. Il ne sert à rien d’être le champion du monde des matches amicaux. Au RPR, nous nous sommes lancés dans un travail de fond qui portera ses fruits le moment venu. Je vous demande de continuer à vous y associer pleinement.

Le mouvement a besoin de vous.