Interview de M. Jean-Louis Debré, président du groupe RPR à l'Assemblée nationale, dans "Le Parisien" le 18 septembre 1998, sur l'information judiciaire portant sur la gestion financière de la MNEF (Mutuelle nationale des étudiants de France) et l'éventuelle implication de membres du PS au gouvernement.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Q - Le dossier de la gestion passée de la Mnef (Mutuelle nationale des étudiants de France) se complique. La justice est désormais officiellement saisie. Le PS fait savoir qu'il n'entend pas endosser la responsabilité d'éventuelle fautes « individuelles »…

Jean-Louis Debré. - Les déclarations du député socialiste Jean-Marie Le Guen, assurant que la Mnef était « la pouponnière du PS et sa base de repli », ont le mérite de la sincérité. Je comprends que ces aveux spontanés inquiètent les camarades de Lionel Jospin. De quoi s'agit-il, en effet ? Des cotisations de Sécurité sociale des étudiants ont été, semble-t-il détournées à des fins politiques et électorales. Ces accusations, extrêmement graves, ont été lancées par certains socialistes à l'encontre d'autres socialistes...

Q - Qui mettez-vous en cause ?

- Je note seulement l'embarras du gouvernement. Il hésite étrangement sur la conduite à suivre. Or, bien des questions se posent. Pourquoi, dans ce dossier, avoir choisi de morceler les enquêtes ? Pourquoi avoir diligenté une simple enquête préliminaire pour la partie la plus gênante, semble-t-il, de ce dossier ? Pourtant, une information judiciaire et la saisine directe de magistrats instructeurs s'imposaient bien évidemment pour la totalité du dossier.

Autres questions : le procureur de la République de Paris a-t-il agi ainsi sur ordre, et de qui ? Le pouvoir chercherait-il à gagner du temps et à contrôler les investigations ? Pourquoi Mme Aubry, en charge au gouvernement de la Sécurité sociale, a-t-elle refusé, lorsque nous l'avons interrogée au printemps dernier sur les anomalies de la gestion de la Mnef, d'intervenir et de nommer un administrateur provisoire ? Pourquoi Lionel Jospin n'a-t-il pas imposé à sa ministre de l'Emploi et de fa Solidarité la prise des mesures conservatoires qui s'imposaient dès ce moment ? L'attitude de Mme Aubry me surprend : s'explique-t-elle par une volonté de gêner son collègue et « ami » Dominique Strauss-Kahn ?

Q - C'est une canonnade !

- Non. Je pose seulement des questions de bon sens. Pourquoi Mme Aubry et Lionel Jospin refusent-ils de communiquer aux députés et sénateurs les termes du rapport sur la Mnef rédigé par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) ? Les conclusions en seraient-elles dérangeantes ? J'ajoute ceci à l'intention du ministre de l'Economie et des Finances : est-il exact que M. Dominique Strauss-Kahn a perçu 600 000 F d'honoraires de la Mnef pour une conclusion d'un contrat ? Une heure d'avocat à Paris étant généralement facturée 1 000 F, doit-on en déduire qu'il a passé, au total 600 heures à travailler pour une filiale de la Mnef ? Est-il exact, d'autre part, que le journal électoral de M. Strauss-Kahn à Sarcelles, pour les législatives de 1997, a été fabriqué par une filiale de la Mnef? Est-ce là une destination normale des cotisations d'assurance maladie des étudiants ?

Q - Que demandez-vous ?

- J'attends des réponses rapides claires et précises. Nous ne pouvons nous contenter des « aveux » de tel ou tel député PS, ni de la démission (annoncée depuis plusieurs mois) du président de la Mnef. Une démission qui n'est toujours pas effective. Si ce dernier a vraiment commis, ou laissé commettre, des agissements répréhensibles, pourquoi est-il toujours à la tête de la Mnef ? Pourquoi n'a-t-il pas démissionné tout de suite ? Voulait-on en haut lieu, avant son départ, qu'il fasse « le ménage » ? M. Jospin consentira-t-il à nous éclairer ?