Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Il s'agit, vous le savez, de notre deuxième table ronde sur le projet de loi d'orientation (après celle du 17 janvier).
Depuis, j'ai organisé d'autres réunions de cette nature sur des projets essentiels pour l'avenir de l'éducation nationale :
- une table ronde sur la revalorisation de la fonction enseignante (18 janvier) : on a beaucoup entendu parler de ce dossier ;
- une table ronde sur la modernisation des fonctions des personnels ATOS (16 février 1989), qui soulève des problèmes auxquels j'attache une particulière importance.
La discussion sur les grands objectifs et l'évolution du système éducatif français s'est parallèlement poursuivie : localement, dans les médias, sur le terrain (notamment à l'occasion de mes déplacements) et au niveau du ministère. Tous les participants à la table ronde du 17 janvier ont été reçus pour poursuivre la concertation.
La discussion s'est donc approfondie. Mais il est vrai que, pour l'opinion, elle a été un peu occultée par la discussion sur la revalorisation. C'était sans doute inévitable. Mais il ne faut pas s'y résigner. La seconde ne doit pas être négligée ; la première ne doit pas être étouffée.
Aujourd'hui, s'ouvre une nouvelle étape avec cette table ronde. Pour qu'elle trouve sa pleine portée, je propose 2 modalités :
- dans un souci de transparence, nos débats seront retransmis directement à l'intention des représentants de la presse. Ils seront ainsi mieux diffusés ;
- dans un souci d'équilibre, je souhaite donner la parole plus tôt que la dernière fois à ceux qui représentent les partenaires de l'école, afin qu'ils aient pleinement la possibilité de se faire entendre. Mais naturellement chacun va s'exprimer.
Je ne vais pas répéter mon intervention du 17 janvier. Avec ses grands objectifs et ses propositions concrètes, elle subsiste. Et ceci d'autant plus que, dans votre très grande majorité, vous avez fait à ces propositions un bon accueil. Et l'opinion, m’a-t-il semblé, aussi.
Je tiens à bien marquer la dynamique de notre discussion et à vous montrer que je tiens compte des observations et suggestions que vous avez faites dans les discussions avec le ministère. C'est pourquoi je ne vais pas parler sur tout.
Dans un premier temps, je vais revenir sur un certain nombre de questions de fond, soit pour clarifier ce qui a besoin de l'être (car les rumeurs n'ont pas manqué ces derniers temps), soit pour intégrer des propositions que vous avez faites.
Dans un deuxième temps, j'aborderai quelques problèmes de méthode (plus brièvement) :
- comment travailler entre la 2e et la dernière table ronde, avant que le gouvernement élabore le projet de loi d'orientation ?
- sur quoi centrer la dernière table ronde de concertation ?
- quel calendrier d'élaboration gouvernementale et de discussion parlementaire est-il possible d'envisager ?
Le secrétaire d'État à l'Enseignement technique, M. Robert Chapuis, s'adressera également à vous.
Première partie - Examen de questions de fond abordées par vous dans les rencontres entre vous et le ministère (depuis le 17 janvier)
Vous le savez, pour moi, rénover et transformer le système éducatif, lui donner progressivement les moyens dont il a besoin doit servir à mettre l'élève et l'étudiant au centre de l’acte éducatif.
Autour de cette idée centrale, j'évoquerai un certain nombre de problèmes avec ce double souci évoqué plus haut et que vous retrouverez constamment dans mon intervention de clarifier ce qui a besoin de l'être et d'intégrer un certain nombre des préoccupations que vous avez exprimées et des propositions que vous avez faites.
I - Lutter contre les inégalités, favoriser l'apprentissage de la responsabilité
Cette conception de l'école demande la conduite de réflexions libres et approfondies dans des domaines majeurs :
1. Les savoirs à transmettre
Comme vous le savez, j'ai décidé d'engager une réflexion en profondeur sur les contenus des enseignements.
Nous ne pouvons en effet rester passifs devant l'évolution des sciences et techniques et nous contenter de garder les champs disciplinaires tels que nous les a légués le XIXe siècle et d'empiler dans les programmes les nouveaux acquis de la connaissance sans jamais rien enlever. L'émission télévisée d'hier soir a été assez éclairante de ce point de vue.
L'accélération des progrès scientifiques et techniques nous oblige à une réflexion profonde et donc difficile à conduire et à mettre en oeuvre. Que faut-il enseigner ? Comment ? Avec quels moyens en hommes et en matériels ? Suivant quels rythmes, quels horaires ? etc.
Sachons que quelles que soient les difficultés de tous ordres que nous rencontrons, cette démarche est nécessaire. Elle ne peut pas être éludée. Et elle ne doit pas faire peur. En tout cas, si nous la menons sérieusement, en transparence et de bonne foi. Précisons quelques points.
Nous en sommes à la phase première, celle de la réflexion. Réflexion libre, je l'ai voulue. Elle a été confiée, autour de Pierre Bourdieu et François Gros, à des spécialistes incontestés de leurs disciplines et à des praticiens de l'éducation (professeurs et instituteurs notamment). Ces groupes de réflexion débattent, discutent, réfléchissent.
Ces réflexions ont donné lieu à des rumeurs variées et diverses dont la multiplicité et la fantaisie ont de quoi inquiéter les esprits qui attribuent à notre milieu éducatif des vertus de rigueur intellectuelle, de vérification des sources, d'ouverture d'esprit et de sens des évolutions. Pour ma part, elles m'ont quelque peu surpris. Plutôt que de démentir telle ou telle, je vais, en énonçant la méthode que je compte suivre, faire raison globalement de toutes.
Voyons pour cela le calendrier :
1° Pierre Bourdieu, François Gros et leurs collègues sont en train d'élaborer un texte définissant les principes qui, estiment-ils, devraient inspirer les manières de réformer les contenus des enseignements et donc guider le travail des commissions thématiques.
Ce texte va être publié et chacun pourra se rendre compte de l'esprit dans lequel ces commissions ont travaillé.
Parmi leurs recommandations, il en est une que je propose d'inscrire dans la loi qui est la création d'un comité consultatif des programmes et des contenus.
Ce comité, composé de personnalités choisies uniquement en fonction de leurs compétences, sera l'instance qui conseillera le ministre pour l'élaboration des programmes. Ceci avec un double souci : éviter les révisions trop fréquentes, ménager avant les révisions éventuelles un temps de préparation suffisant.
2° Le groupe Bourdieu-Gros va entamer maintenant une deuxième phase, qui sera toujours une phase de réflexion, beaucoup plus tournée vers la question des contenus intrinsèques. En tenant compte des progrès de la science moderne et de l'état actuel de la société, comment doivent être définis les contenus des enseignements ? Cette réflexion, essentiellement scientifique, demandera à chacun un véritable effort de recherche à la fois disciplinaire et interdisciplinaire. L'ensemble de cette réflexion fera l'objet d'un colloque international qui se tiendra au Collège de France.
3° Parallèlement à cette véritable recherche, nous allons organiser, sur la suggestion de Pierre Bourdieu et François Gros, une série de colloques régionaux, qui discuteront des contenus des enseignements. Y participeront tous les partenaires du système éducatif, professeurs, instituteurs, étudiants, élèves, parents d'élèves, milieux socio-professionnels. Nous tirerons les leçons de ces colloques au cours d'une réunion de synthèse à Paris. Ainsi chacun sera informé et associé. La transparence sera assurée.
A partir de là, mais à partir de là seulement, un processus progressif de décision pourra être mis en oeuvre. Il le sera naturellement en respectant les concertations habituelles. Ce processus prendra naturellement du temps et en particulier aucun changement ne pourra intervenir pour la rentrée 89.
Comme vous le voyez, ma détermination à faire avancer ce problème est intacte. J'en mesure les difficultés de tous ordres. Sans hâte excessive, mais sans retard inutile, nous avançons. Dans l'esprit que j'ai défini. Chacun doit y jouer son rôle à sa place, dans la clarté, l'esprit de concertation, mais aussi celui de responsabilité.
L'esprit de responsabilité n'est pas compatible avec la campagne de rumeurs, en particulier à propos de l'EPS et des disciplines artistiques. Je le confirme ici : elles relèvent toutes de l'enseignement obligatoire.
Pour l'EPS, la loi du 16 juillet 1984 reste notre loi commune et ne sera pas remise en cause : « l'État est responsable de l'enseignement de l'EPS placé sous l'autorité du ministre chargé de l'Éducation nationale ». Des réflexions de la profession ayant déjà eu lieu, j'ai demandé à une personnalité, M. Alain Hébrard, de faire connaître à MM. Bourdieu et Gros les résultats de ces travaux. Il en va de même pour les enseignements artistiques et j'ai demandé à M. Pierre Baqué de leur faire part des propositions qu'il a déjà émises à mon intention.
2. Les rythmes d'apprentissage
Plusieurs interlocuteurs ont insisté sur le problème des rythmes d'apprentissage. Tenir compte de l'évolution psychologique et physiologique de chaque enfant et chaque jeune suppose une bonne appréhension de la notion de cycles.
Il est envisagé de constituer un cycle associant la grande section des écoles maternelles et le CP et CE1 de l'école élémentaire. Cette réflexion doit se poursuivre avec les partenaires appropriés.
Les autres cycles se concevraient ainsi :
- de consolidation et d'approfondissement : 9-11 ans ;
- d'observation : de 11 à 13 ans (6e et 5e de collège) ;
- d'orientation : de 13 à 15 ans (4e et 3e de collège) ;
- second cycle : de 15 à 18 ans.
Cette corrélation entre cycle et âge n'est qu'indicative car l'âge de l'élève ne doit pas être l'élément exclusif du parcours qui lui est proposé : ce qui compte essentiellement c'est de sortir du système avec une formation.
3. Les niveaux d'enseignement : chacun a pour finalité d'atteindre des objectifs de formation. Sans les rappeler systématiquement il paraît nécessaire d'évoquer, pour l'école primaire, une acquisition fondamentale, celle de la lecture. Plusieurs d'entre vous ont insisté sur ce point essentiel.
Cette préoccupation m'a fait demander un rapport à M. le recteur Migeon qui vient de me le remettre. Sa présentation se fera prochainement, assortie des orientations que je retiendrai. Cependant, et pour répondre aux interrogations nombreuses et légitimes des associations de parents, je vous livre une des propositions que j'ai retenues :
- sera mise en oeuvre, dès que possible, une évaluation des acquis de tous les élèves entrant en CE2 et en 6e dans chaque académie.
Les parents d'élèves et les enseignants concernés seront destinataires des résultats analysés.
A la suite de cet examen, des actions de soutien ou de reprise d'apprentissage seront organisées dans chaque établissement scolaire.
En outre, à la suite du rapport de M. J. Pomonti, sur « Éducation et Télévision » qui sera présenté à la presse le 9 mars 1989, une négociation pourrait être engagée avec l'ensemble des chaînes nationales de télévision afin d'examiner leur intervention dans une grande cause nationale : la lutte contre l'échec scolaire en lecture et plus généralement la lutte contre l'illettrisme.
La même mobilisation de moyens d'envergure pourrait être consacrée à l'initiation des enfants de l'école primaire à une langue étrangère.
Mais là encore, les propositions sont nombreuses. Et il faudra arrêter des orientations.
La lutte contre les handicaps et l'intégration scolaire relève également des missions de l'école primaire. Des directions ont été tracées, par moi, lors des journées internationales pour l'intégration à Marseille : les services du ministère ont pour tâche d'entreprendre les actions nécessaires, notamment pour les groupes d'aides psychopédagogiques et les classes d'adaptation.
Le collège, qui reçoit, comme l'école primaire, la totalité d'une classe d'âge, doit veiller à ce que chaque élève :
- acquière la maîtrise de la langue sous toutes ses formes ;
- apprenne le raisonnement et la déduction ;
- connaisse une langue étrangère dans son expression courante et commence à étudier une seconde langue ;
- soit rendu conscient des relations entre disciplines ;
- soit aidé individuellement quand une difficulté apparaît.
Pour parvenir à ce résultat, la pédagogie doit se préoccuper des savoirs et savoir-faire, des méthodes de travail et d'appréhension des connaissances, de la prise de responsabilités.
Ce sont ces impératifs qui confèrent au collège sa spécificité.
Pour répondre à la diversité des élèves, le collège a diversifié ses parcours :
- les classes de 4e et de 3e technologiques voient leurs effectifs croître à un rythme soutenu : en trois ans, l'augmentation est de 85 % en lycée professionnel, de 138 % en collège.
L'implantation en collège est limitée par le manque d’équipements nécessaires à l'enseignement de la technologie. Cependant, le problème des équipements n'est pas la seule contrainte car le développement conjoint de l’enseignement de la technologie et celui de ces classes (4e et 3e) posent le problème des effectifs d'enseignants qualifiés. Des perspectives sont ouvertes par les promotions de certifiés en technologie qui commencent à trouver place dans les collèges et l'effort de formation continue des professeurs.
Pour conforter l'enseignement de la technologie en collège et le développement des 4e et 3e technologiques, j'ai estimé nécessaire d'affecter les nouveaux certifiés de technologie en priorité au collège.
En outre, la rénovation des actuelles CPPN et la réforme des 4e et 3e préprofessionnelles font l'objet d'une évaluation pour la mise en place au collège d'un cycle d'un type nouveau qui constitue une voie de réussite complémentaire.
Quant aux sections d'éducation spécialisée, comme les établissements régionaux d'enseignement adapté (EREA), elles viennent de faire l'objet d'une circulaire d'orientation publiée au BOEN. Ce texte s'insère parfaitement dans un des objectifs indiqués dès le 17 janvier : qu'aucun jeune ne quitte le système éducatif sans une formation de niveau V ou, à défaut, qu'il soit dans un processus (validation des acquis) qui puisse y conduire par la formation continue.
4. La démarche pédagogique et la continuité éducative
La maîtrise des horaires de cours est une nécessité si l'on veut développer d'autres pratiques pédagogiques telles que travaux et études dirigés, activités de soutien, travail de groupe, qui relèvent de la compétence des enseignants.
La nécessaire continuité éducative relève d'un dispositif à plusieurs volets :
- une aide personnalisée permettant de déceler à tout moment certaines lacunes et de les combler (très souvent liées à la faiblesse du vocabulaire des jeunes) ;
- une année supplémentaire de mise à niveau pour que l'élève se consacre aux disciplines dans lesquelles il aura rencontré des difficultés. Le jeune doit profiter du temps disponible pour approfondir son projet personnel et pour développer la pratique du sport et des activités artistiques ;
- un étalement sur 3 ans du cycle prévu en deux ans quand l'insuffisance générale, détectée assez tôt (1er trimestre d'un cycle) est due à des lacunes antérieures et à un rythme d'acquisition plus lent.
Le redoublement « traditionnel » connaît de nombreux échecs. Pour autant, les élèves et les familles pourront continuer à choisir cette méthode.
La continuité éducative, c'est aussi faire en sorte que l'orientation ne soit pas utilisée comme une solution pédagogique. Le choix entre les voies de formation doit être l'aboutissement d'un dialogue permanent entre l'élève, sa famille et l'équipe éducative. Cette continuité doit se marquer lors des passages de cycles, en 6e, à l'entrée du lycée d'enseignement général ou professionnel.
Les travaux de la commission Bourdieu-Gros traiteront de ces questions et nous examinerons les solutions proposées.
* L'accueil des bacheliers et le premier cycle universitaire
La politique mise en oeuvre, et dont les principes devraient trouver leur traduction dans le cadre de la loi, repose sur une action volontariste à trois niveaux :
- une continuité entre les études secondaires et supérieures ;
- une réelle conception d’ensemble des formations post-baccalauréat fondée sur la complémentarité pour la réussite des élèves ;
- une rénovation et une diversification des premiers cycles universitaires.
Ces trois niveaux d'intervention doivent avoir des effets multiplicateurs pour favoriser la réussite des élèves et des étudiants, pour bâtir des "parcours de la réussite" diversifiés, répondant à la fois aux goûts et aptitudes des jeunes et aux besoins socio-économiques.
L'adhésion qu'a recueillie la mise en oeuvre des schémas de développement concerté des formations post-baccalauréat, tant auprès des acteurs du système éducatif que des partenaires extérieurs intéressés, et notamment les collectivités locales, témoigne, d'une part de l'importance de l'enjeu que représente l'accueil d'un nombre croissant de bacheliers dans des structures de formation et d'enseignement qui leur donnent les meilleures chances de réussite scolaire et d'insertion professionnelle, et, d'autre part, de l'adhésion à une démarche à la fois ambitieuse et pragmatique. Il paraît donc important de faire référence à cette démarche dans la loi d'orientation.
5. Les droits des jeunes en formation
L'apprentissage de la responsabilité, en fait la marche vers la citoyenneté, doit devenir un élément important de la formation, concrétisé dès l'entrée au collège par ce que j'ai appelé le « contrat de formation ». Cette prise en compte individuelle des élèves a pour but de responsabiliser tous les partenaires (élève, famille, équipe éducative) autour du projet formulé.
La pédagogie du contrat a pour avantage de rompre avec la loi « du tout ou rien ». Il est admis que les objectifs peuvent varier et que la diversification des voies et des options peut permettre des réussites rendues impossibles dans un système figé.
Le contrat de formation relève du droit individuel. Les droits collectifs des lycées et des étudiants méritent aussi d'être précisés et élargis.
Dans les lycées, je propose une première mesure significative : la création d'un conseil de délégués élèves.
Un conseil de délégués élèves, réuni sous la présidence du chef d'établissement composé des délégués de toutes les classes, aurait à connaître des problèmes de vie scolaire (règlement intérieur, projet d'établissement, actions socio-éducatives) et du travail scolaire (emploi du temps, modalités de soutien et de rattrapage, processus d'orientation). Il définirait, en collaboration avec les conseillers d'éducation et sous l'autorité du chef d'établissement, les besoins et les méthodes de formation à la fonction de délégué.
Le conseil des délégués aurait la responsabilité du foyer socio-éducatif.
Il pourrait envisager, pour les classes terminales, toute mesure utile à l'information et à la préparation de l'accès à l'enseignement supérieur.
Dans l'enseignement supérieur, l'arrêté relatif à l'observatoire de la vie étudiante vient de paraître. Cet organisme est chargé de rassembler toute information sur la vie étudiante : études, conditions de vie matérielle, sociale et culturelle.
La mise en place effective de l'observatoire pourra intervenir dès lors que le CNESER et le CNOUS auront renouvelé, dans les prochains mois, leurs représentants étudiants.
Je souhaite que ses travaux éclairent nos décisions concernant les droits sociaux des étudiants (restauration, logement, santé, aide de l'État). D'ores et déjà, je propose les mesures suivantes :
- rechercher de meilleures modalités de versement de bourses à discuter avec les organisations représentatives étudiantes ;
- renforcer le pouvoir de gestion des étudiants dans les CROUS par l'instauration de vice-présidents chargés de commissions.
Enfin, j'invite les recteurs à associer les représentants étudiants dans la définition des schémas de développement.
* La reconnaissance des organisations étudiantes
Les étudiants ne sont pas concernés par les définitions du code du travail sur la notion « d'organisations professionnelles ».
Il est donc proposé d'utiliser le terme d'organisations représentatives étudiantes en conservant l'esprit défini par l'article L. 411-l du code du travail qui dispose :
« Les organisations professionnelles ont exclusivement pour objet la défense des droits, et des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes visées par leur statut. »
La reconnaissance viserait dans ce cas les organisations présentes au CNESER et au CNOUS.
* Droits ouverts par la reconnaissance
Respect des droits ayant trait à la liberté syndicale. Droit d'expression, de réunion, d'affichage, le droit à des locaux.
* Droits à la formation des élus
La matérialisation de la reconnaissance passerait en outre par le subventionnement de centres de formation des élus. Ces centres seraient rattachés aux organisations siégeant dans les instances précitées et auraient donc une structure nationale.
Un mécanisme de contrôle d'utilisation des fonds versés devrait être mis en place.
6. La répartition des activités scolaires dans la journée, la semaine, l'année
Il faut mieux utiliser le temps des élèves dans :
- la journée : équilibrer les activités et éviter les pertes de temps ;
- la semaine : libérer du temps pour des occupations non scolaires ;
- l'année : les 36 semaines de travail seraient divisées en cinq périodes de durée comparable, séparées par quatre temps de repos suffisamment longs. Un calendrier pluriannuel serait mis en place.
Les collectivités locales, les associations, les organismes post et périscolaires seront étroitement associés à cette politique.
La question des rythmes scolaires est évidemment liée à celle de l'évolution des contenus et des horaires de travail. De même, les activités périscolaires dépendent-elles à la fois des choix concernant les enseignements et d'actions concertées avec des partenaires tels que les collectivités locales, les mouvements associatifs, les autres départements ministériels.
Pour favoriser le développement de ces activités, je souhaite que soit réactivé le Conseil national des associations complémentaires de l'enseignement public (CNACEP).
7. Les aides aux familles et aux jeunes
L'extension au 2e cycle de la gratuité des manuels scolaires est demandée par de nombreux partenaires.
Dans le même temps, la justice sociale incite plutôt à apporter une aide par l'attribution de bourses. Les sommes à engager sont considérables : il faut bien choisir pour apporter l'aide la plus efficace et plus juste.
Afin de réparer une injustice dont pâtissent les élèves qui fréquentent les 4e et 3e technologiques en lycée professionnel (98 400 élèves), j'envisage dans le budget 90 de demander qu'ils bénéficient de la gratuité des manuels scolaires, comme ceux qui sont en 4e et 3e technologiques de collège.
8. Les initiatives contre l'exclusion scolaire
L'objectif d'amener 80 % d'une classe d'âge au niveau IV ne doit faire oublier ni les 20 % qui restent, ni notre volonté de les doter d'une qualification minimale de niveau V. Or, ces 20 % d'une classe d'âge sont souvent issus des milieux les plus défavorisés. Plus que tout autre, ils ont besoin d'être aidés, encadrés et soutenus. Le ministère de l'Éducation nationale a déjà fait des efforts importants en leur faveur (ZEP, soutien individuel...). Des initiatives ont été prises ou sont en préparation dans d'autres départements ministériels, structures interministérielles ou par des collectivités locales, des associations. Les initiatives de cette nature n'ont de chance d'être totalement efficaces que si elles sont étroitement articulées avec celles du ministère de l'Éducation nationale, des académies, des écoles ou établissements, des enseignants qui doivent impérativement être au coeur du dispositif, quel qu'en soit l'origine.
En conséquence, je vais proposer à mes collègues des départements ministériels concernés une politique étroitement concertée en la matière. De la même façon, les recteurs, les inspecteurs d'académie, les responsables locaux sur le terrain seront appelés à coordonner, autour des enseignants, de façon très étroite les initiatives prises et à organiser l'aide à apporter aux élèves en difficulté.
L'ensemble des moyens disponibles doit être mobilisé en cohérence avec ces objectifs de l'école.
II - Fonder l'établissement scolaire et universitaire sur l'esprit de solidarité
1. Le projet d'établissement, parce qu'il fixe les objectifs à atteindre en tenant compte des spécificités du public scolarisé, de ses besoins scolaires, du développement des différentes activités, est considéré par beaucoup d'entre vous comme très important. Il ne remet nullement en cause le caractère national des enseignements et des programmes.
Ce projet définit la politique arrêtée en matière de suivi et d'orientation des jeunes, de leur insertion professionnelle et sociale, ainsi que les actions d'innovation. Il a pour vocation de veiller à l'accomplissement des contrats de formation, de susciter le travail en équipe des enseignants, de coordonner le travail de l'équipe pédagogique et éducative, dont les conseillers d'éducation sont un élément essentiel, de dynamiser l'association sportive. C'est à travers l'élaboration, par l'ensemble des personnels concernés, et l'application du projet d'établissement, que peut se développer l'esprit de solidarité indispensable à la vie scolaire et universitaire.
Les divers participants au conseil d'administration sont associés à la réflexion et ce dernier prend position en toute connaissance de cause.
Le chef d'établissement, dont le rôle consiste à impulser et coordonner le projet, est garant de sa mise en oeuvre.
2. Les CDI, bibliothèques et les équipements audiovisuels
Dans les collèges et lycées, le CDI doit être le « centre nerveux » de l'établissement. La généralisation des CDI dans tous les établissements suppose un effort des collectivités locales (aménagements de locaux et équipements) et de l'État (créations de postes de documentalistes). Dans cette perspective, j'ai décidé :
a) De ne pas ouvrir un établissement scolaire sans le pourvoir d'un poste de documentaliste ;
b) De faire recenser immédiatement, et d'après la nouvelle carte des ZEP, tous les collèges inclus dans ces zones qui n'auraient pas de postes de documentalistes.
Ces postes seraient prioritairement pourvus dès la rentrée 1990 ;
c) De mettre à l'étude un plan de rattrapage.
En outre, il apparaît nécessaire de clarifier la situation des personnels documentalistes. Face à l'hétérogénéité des personnels exerçant la fonction de documentaliste, d'une part, à l’exigence d'un haut niveau de qualification requis par les tâches techniques et pédagogiques, d'autre part, la création d'un statut clair s'impose : le recrutement doit s'effectuer par un CAPES spécifique (externe et interne), dont l'élaboration est en cours à la direction des personnels enseignants des lycées et collèges.
Pour les bibliothèques universitaires, le rapport de M. Miquel nous permet de déterminer exactement les efforts à entreprendre. Ce rapport est publié par la Documentation française.
Le lancement d'un plan national d'équipement audiovisuel des établissements de l'enseignement primaire à l'enseignement supérieur est une autre décision que je souhaite prendre conformément aux suggestions de M. Jacques Pomonti.
La maintenance des matériels serait étudiée avec les collectivités locales. Toute construction nouvelle aurait à prendre en compte la dimension audiovisuelle, y compris par le câblage, dans le respect naturellement de la liberté des collectivités locales.
3. L'ouverture des établissements : la politique contractuelle, le partenariat
Les parents d'élèves sont les partenaires permanents de l’établissement : la qualité de l'accueil, la transparence des informations, les possibilités de réunion de travail doivent faire l'objet de décisions en conseil d'établissement. La participation aux CAEN et CDEN des délégués parents fait actuellement l'objet d'une étude avec les départements ministériels concernés pour faciliter leur présence et leurs déplacements.
Les relations entre établissements de même niveau ou entre établissements de niveaux différents au sein de bassins de formation s'avèrent indispensables. Le but n'est pas de créer des structures nouvelles mais d'assurer une concertation entre écoles, collèges, lycées d'une même zone géographique.
* La politique contractuelle dans l'enseignement supérieur
La mise en place de relations nouvelles entre les établissements d'enseignement supérieur et le ministère est engagée et constitue (illisible) élément déterminant de notre capacité à relever les défi (illisible) création et la diffusion du savoir.
Les principes de cette politique :
- donner un véritable contenu à l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur ;
- assurer une cohérence accrue de l'effort national de formation supérieure ;
doivent trouver leur traduction dans la loi d'orientation.
Une circulaire doit être, dans les prochains jours, diffusée auprès des établissements, qui engage une première « campagne » de contractualisation avec les établissements de dix académies. Cette première « vague » aura nécessairement un caractère expérimental, une véritable démarche contractuelle ne pouvant être construite que dans le dialogue entre les partenaires concernés.
La contractualisation portera sur l'ensemble des activités de l'établissement, formation initiale mais formation des enseignants, politique documentaire, relations internationales...
La collaboration école-entreprise a déjà eu des résultats positifs. Il est souhaitable que l'insertion professionnelle puisse se réaliser dans des conditions préparées à l'école.
Cela suppose des jumelages correspondant à l'esprit dans lequel ils ont été créés :
- des filières fondées sur des séquences alternées de formation à l'école et dans l'entreprise à partir d'objectifs définis en commun (bacs professionnels, formations complémentaires d'initiatives locales) ;
- un engagement plus volontariste des entreprises (multiplication de l'accueil des stagiaires, versement de la taxe d'apprentissage) ;
- un appel plus fréquent des entreprises aux GRETA et aux établissements d'enseignement supérieur pour la formation des salariés.
Les liens entre formation scolaire professionnelle et formation continue sont à renforcer. Des moyens peuvent être mis plus fréquemment en commun, qu'il s'agisse des enseignements, des enseignants, des équipements et des locaux. La confrontation des méthodes pédagogiques propres aux formations continues et à la formation initiale devrait les enrichir. Enfin, les certifications pourraient être rapprochées en facilitant l'accès par la formation aux certifications de la formation initiale, en précisant les certifications propres à la formation continue, en atténuant parfois le côté « tout ou rien » de l'obtention des certifications de la formation initiale, par exemple grâce au système des unités capitalisables.
Progresser dans cette direction suppose de faciliter le partenariat et l'initiative des acteurs de la formation dans le cadre des règles simples mais obligeant à une qualité des formations.
Le partenariat avec les collectivités locales ne se conçoit pas dans une réflexion commune sur le système éducatif : c'est notamment le cas en ce qui concerne le personnel ATOS, dont le rôle éducatif doit être souligné et pris en compte.
Certaines collectivités locales s'adressent souvent à des sociétés privées. Je voudrais souligner ici la qualité du potentiel représenté par les personnels ATOS et leur capacité d'adaptation aux technologies nouvelles grâce à une bonne formation relevant de l'État dont l'effort est parfois relayé par les collectivités locales. Le service public est souvent le plus efficace.
4. Les organismes consultatifs de l'Éducation nationale
Le 17 janvier, j'avais fait part d'une réflexion concernant la fusion du Conseil supérieur de l'éducation nationale (C.S.E.N.) et du conseil de l'enseignement général et technique (C.E.G.T.) ; la même démarche semble souhaitable pour les commissions professionnelles consultatives (C.P.C.) et les commissions pédagogiques nationales (C.P.N.) compétentes pour les IUT.
De nombreux partenaires souhaitent la création d'un Conseil national des formations.
Cette proposition semble intéressante si elle a pour but de rassembler les différents conseils et de créer une structure à la fois plus rationnelle et plus représentative.
Je suis prêt à étudier avec tous les partenaires les missions et la composition de cette instance.
Je voudrais aborder maintenant, brièvement, quelques problèmes de méthode.
Deuxième partie - Examen de quelques problèmes de méthode
Je crois nécessaire d'évoquer trois points.
I - Comment travailler entre la deuxième et la dernière table ronde.
Notre dernière table ronde devrait avoir lieu à la fin de ce mois.
Ensuite, le gouvernement aura à élaborer le projet de loi d'orientation sur l'éducation.
Pour achever cette phase de concertation, je vous suggère que notre prochaine table ronde soit consacrée à la discussion d'un document qui comporterait deux parties :
1. Les grandes idées à introduire dans l'exposé des motifs.
2. Les dispositions à introduire dans le texte de la loi.
Ce document vous serait adressé par moi autour du 16 mars. Des discussions bilatérales entre vous-mêmes et mes collaborateurs auraient lieu du 20 au 25 mars.
La table ronde se tiendrait entre les 28 et 30 mars.
II - Sur quoi centrer la dernière table ronde
Je vous suggère que nous centrions la discussion sur les points essentiels qui devraient être introduits dans la loi, en termes de principes et d'objectifs qualitatifs et quantitatifs.
III - Quel calendrier est-il possible d'envisager ?
Compte tenu des délais qu'impose le déroulement des consultations institutionnelles, il ne peut être envisagé de déposer ce projet de loi sur le bureau de l'Assemblée que tout à la fin de la session ordinaire de printemps.
Des choix devront être faits en ce qui concerne la période où se tiendra la discussion au Parlement.