Texte intégral
LE PROGRÈS : 10 octobre 1998
Le Progrès :
Vous organisez aujourd'hui à Lyon un séminaire de la Droite sur l'économie. Vous prônez le libéralisme. Quel sens lui donnez-vous ?
Charles Millon :
La Droite est amenée à réunir toutes les personnes qui se réclament du libéralisme, que ce libéralisme dur, l'ordolibéralisme et le social-libéralisme. Personnellement je suis un ordolibéral favorable à un système qui favorise la liberté d'entreprise et fait confiance à l'initiative privée et ne considère pas la société comme une addition d'individus mais comme une communauté de personnes au service du bien commun. Un système dans lequel l'État crée les conditions favorables au développement économique. Je me sens plus proche de l'économie allemande mise en place entre 45 et 70 que du reaganisme des années quatre-vingt.
Le Progrès :
Vous vous réclamez des valeurs de la droite. Pour la famille, quelles mesures préconisez-vous ?
Charles Millon :
Il faut étudier la proposition de Jacques Chirac sur l'allocation de libre choix qui pourrait être versée à un père ou une mère désireuse de se consacrer à l'éducation de ses enfants. Cette allocation pourrait également exister lorsque les deux parents travaillent et embauchent une personne pour s'occuper des enfants. Il convient également de réfléchir à un système de retraite prenant en compte le nombre des enfants.
Le Progrès :
Vos valeurs sont-elles vraiment différentes de celles dont se réclament l'UDF, et le RPR ?
Charles Millon :
Je ne le crois pas. Eux oublient simplement de les affirmer. Le problème central est celui des valeurs attachées à la personne. Si je prends le Pacs – je me félicite que la motion d'irrecevabilité ait été votée hier à l'Assemblée nationale –, il ne s'agit pas en réalité d'homosexualité ou d'hétérosexualité. Le clivage réside sur l'approche individualiste ou personnaliste que l'on a de la société. Je suis persuadé que la personne s'épanouit d'autant plus qu'elle est immergée dans des communautés, au sein desquelles elles s'engagent librement.
Le Progrès :
Que pensez-vous des catholiques qui condamnent très durement votre élection au Conseil régional avec l'appui des élus du Front national ?
Charles Millon :
Je n'ai jamais caché mes convictions religieuses. Mais je n'oublie pas que je suis un élu républicain, c'est-à-dire l'élu de tous. À ce titre, je crois à l'égale dignité de la personne, quelle que soit sa religion. Les condamnations viennent effectivement de certains milieux catholiques. D'autres ou je suis engagé n'ont pas la même attitude. Les catholiques ne sont pas tous fait sur le même moule. Ce qu'il faut, c'est débattre.
Le Progrès :
Cette condamnation est plus large encore au sein de la communauté juive…
Charles Millon :
J'ai aussi des contacts avec cette communauté. Je peux d'ailleurs vous préciser que le vice-président du Congrès mondial juif est un adhérent de la Droite.
Le Progrès :
La Droite a-t-elle un discours différent sur l'immigration ?
Charles Millon :
Je suis pour un contrôle extrêmement strict des flux migratoires qui permette une politique d'intégration et d'assimilation s'appuyant sur les corps intermédiaires que sont notamment les communes et les associations. En contrepartie, je demande aux immigrés réguliers de respecter les droits, coutumes et devoirs de notre collectivité.
Tous les problèmes actuels sont dus à une politique laxiste des flux migratoires qui conduit à une immigration clandestine. Lorsque les immigrés sont trop nombreux, il n'y a plus d'intégration possible. Ils se replient sur eux-mêmes et l'on voit apparaître des ghettos.
Le Progrès :
Votre discours n'est pas différent de celui de tous les gouvernements successifs qui ont aussi tenté de contrôler les flux migratoires ?
Charles Millon :
Il faut que la politique soit menée dans la durée. Or, tous les trois ans, on change de politique. Il est important que dès que quelqu'un est en situation irrégulière, on le renvoie chez lui sans attendre qu'il y en ait 70 000. Il faut non seulement un contrôle très strict aux frontières mais aussi une politique répressive vis-à-vis de ceux qui emploient des clandestins.
Le Progrès :
Que faire avec les actuels sans-papiers ?
Charles Millon :
Il faut avoir un plan et peu à peu les renvoyer chez eux.
Le Progrès :
Charles Pasqua prône au contraire leur régularisation massive ?
Charles Millon :
Ce serait une claque terrible aux immigrés réguliers qui ont fait des efforts considérables pour s'intégrer, connaître leurs devoirs et les respecter. Pour ceux qui font des sacrifices pour que leurs enfants suivent une scolarité régulière et qui verraient offrir des droits à des gens qui ne respectent ni nos lois, ni nos coutumes. On déstabiliserait toute la politique en matière d'immigration.
Le Progrès :
Le Parlement européen a voté cette semaine la levée de l'immunité de Jean-Marie Le Pen. Si vous aviez siégé à Strasbourg, qu'auriez-vous fait ?
Charles Millon :
Je ne connais pas la question qui a été posée aux députés. Je condamne totalement les propos de Jean-Marie Le Pen sur « le détail ».
Le Progrès :
Approuvez-vous la décision du tribunal de Bordeaux qui vient d'interdire à l'exposition le livre de Bettina Rheims ?
Charles Millon :
Je ne porte jamais de jugement sur les décisions de justice. Simplement, ce livre aurait-il mis en scène la religion musulmane que nous aurions eu des manifestations dans les rues. Toutes les croyances méritent le respect. Je demande à chacun, y compris à ceux qui ne croient pas de respecter les croyances des autres. C'est le début de la tolérance.
RMC : mercredi 14 octobre 1998
Q - Le mouvement des lycéens qui s'appelle « Octobre 98 » est chaque jour plus important. Les lycées sont la responsabilité de la région et vous présidez la région Rhône-Alpes. Est-ce que les lycées ont raison à vos yeux ?
« Les lycéens révèlent un problème qui est typiquement français, c'est une centralisation excessive qui étouffe les initiatives et qui empêche les adaptations. La France n'a pas encore compris qu'il n'y avait pas deux publics scolaires identiques, qu'il n'y a pas deux lycées similaires, et on a un système tellement centralisé qu'il étouffe actuellement toutes les entreprises que peuvent mener les proviseurs. Je pense aujourd'hui les lycéens réclament une seule chose : c'est qu'on tienne compte d'eux et qu'on ne tienne pas compte d'un système centralisé ».
Q - Vous les soutenez ?
« Je les comprends, et je dis simplement au Gouvernement : faites vite parce que vous avez aujourd'hui des lycéens qui souhaitent qu'on s'occupe de leur cursus intellectuel, de leur cursus de formation, de leur cursus professionnel, et qui aimeraient bien que les professeurs, que le système pédagogique prennent en compte la diversité des situations ».
Q - Est-ce que vous pensez que C. Allègre, ministre de l'Éducation nationale, gère bien cette crise, fait ce qu'il faut ?
« J'ai l'impression que c'est un homme de la parole, mais qu'il est incapable de passer aux actes ».
Q - Ce soir, vous organisez votre premier meeting en région Ile-de-France. Des élus socialistes, des Verts, des communistes ont annoncé qu'ils allaient manifester à l'extérieur de l'endroit où vous tiendrez meeting et demander votre démission. Que pensez-vous de ces manifestations qui accompagnent régulièrement les endroits où vous vous déplacez depuis que vous êtes élu ?
« Je suis très préoccupé, car j'ai l'impression que la France est encore une démocratie immature où l'on est dans l'impossibilité de respecter les libertés publiques. Aujourd'hui, je le dis d'une manière très grave, je dis au Gouvernement : vous avez comme premier devoir de garantir l'exercice des libertés fondamentales qui s'appellent la liberté d'expression, liberté de réunion ».
Q - La liberté de manifester existe.
« La liberté de manifestation existe bien évidemment, mais la liberté de manifestation ne doit pas se faire aux dépens des autres libertés. Je dis au Parti socialiste, vous démontrerez que vous êtes un vrai parti démocratique si vous êtes capable de faire respecter la liberté de réunion et la liberté d'expression. Personnellement, je suis prêt à tous les débats, je suis prêt à rencontrer quiconque où il veut, comme il veut et de discuter de l'évolution politique française, d'un vrai problème qui existe en France qui est la question d'un électorat que l'on méprise alors que cet électorat rencontre des problèmes graves, que ce soit dans le domaine de l'éducation, que ce soit dans le domaine de l'emploi, que ce soit dans le domaine de la sécurité, que ce soit dans le domaine de l'urbanisme. Je crois que si, véritablement, on ne veut pas tenir compte de cette expression politique, on fait une erreur fondamentale. Car, à partir de ce moment-là, on rentre dans une démocratie d'exclusion avec les conséquences graves que cela peut produire ».
Q - Mais est-ce que vous contestez aux manifestations de cet après-midi et à la gauche de s'exprimer ?
« Pas du tout, sauf si elle empêche la réunion, sauf si elle bloque les portes, sauf si elle intervient durant la réunion pour empêcher les autres de s'exprimer. Or jusqu'à maintenant, dans toutes les réunions publiques que je fais, je me trouve avec un piquet de manifestants devant la porte pour empêcher les gens de rentrer. J'ai des réunions où l'on rentre dans la salle – puisque nous, on ne ferme pas les salles – pour empêcher l'orateur de s'exprimer. C'est là une atteinte à la liberté d'expression et à la liberté de réunion qui est grave dans une démocratie moderne ».
Q - Vous avez dit hier dans Le Figaro, que F. Hollande pilotait les manifestants contre vous. Il a répondu que vous étiez parano.
« Peut-être, mais je le confirme tous les mardis matin, il y a une cellule qui se réunit pour savoir comment obliger, contre toute logique démocratique, des présidents élus démocratiquement, à démissionner. Je dis : non, cela ne se fait pas ! Cela ne se fait pas dans une grande démocratie et j'allais même dire que c'est grave que le Premier ministre laisse faire cela. Il y a, en fait, une élection ; il n'approuve pas cette élection, soit ! mais l'élection a eu lieu. Elle est démocratique, un point c'est tout ».
Q - Vous ne démissionnerez jamais, même si vous n'avez plus de majorité ? Les gens demandent votre démission.
« Mais je ne vois pas pourquoi les gens demandent ma démission. Je suis élu démocratiquement pour appliquer un programme. Aujourd'hui, je mets en oeuvre mon programme, et je me heurte à une obstruction systématique du Parti socialiste qui préfère prendre en otages les Rhône-Alpins, qui préfère prendre en otages les personnes les plus marginalisées c'est-à-dire les chômeurs, les personnes qui sont en insertion pour ne pas leur donner les crédits afin de faire marcher leur association ou leur entreprise d'insertion. Je dis : le Parti socialiste joue avec le feu ».
Q - J.-M. Le PEN a vu son immunité parlementaire levée à Strasbourg par le Parlement européen pour l'affaire du « détail ». Est-ce que vous approuvez la décision du Parlement européen ?
« J'ai toujours dit que je désapprouvais totalement les propos que J.-M. Le Pen a tenu sur le « détail », ou sur ce qui s'est passé durant la Seconde Guerre mondiale. Je considère que ce sont des paroles qui sont honteuses, mais très franchement, je ne vais pas remettre Le Pen au centre de la vie politique française ! Je préfère mettre au centre de la vie politique française la question de celles et ceux qui votent, soit d'une manière protestataire, soit d'une manière extrême pour un certain nombre de formations politiques. C'est quand même une interpellation à laquelle il faudra bien répondre ! Alors, soit on n'y répond pas, et dans ces cas-là, on aura un parti extrême qui continuera à monter ; soit on y répond, et on aura une démocratie paisible qui s'installera ».
Q - La droite parlementaire est, en ce moment, dans ses efforts de redressement. Cela vous intéresse C. Millon ?
« Je souhaite que la droite comprenne qu'elle doit redécouvrir la culture de débat, et que pour redécouvrir la culture de débat, il faut aller vers une grande formation unique de la droite où au lieu d'avoir des clivages d'ambition, on ait des clivages de conviction. Je mettrai tout en oeuvre pour que, un : on refonde une pensée de droite ; et que deux : dans la droite toute entière, il y ait un vrai débat sur les questions essentielles comme la question européenne ».
Q - Mais la droite ne veut pas de vous ! C'est ce que disent les dirigeants de la droite ?
« Ce n'est pas ma personne qui est intéressante. C'est de savoir si la droite va aller vers une grande formation unique où il y aura un vrai débat et où il y aura la construction d'un projet qui répondra aux attentes des Français ».
Q - Est-ce que vous avez toujours des contacts avec le président de la République ?
« J'ai des contacts avec toutes les personnes qui souhaitent discuter avec moi ».
Q - Le président de la République vous reçoit ?
« Pour le moment, le président de la République ne m'a pas reçu. Mais j'ai un certain nombre de personnes qui sont proches de lui et qui parlent avec moi, qui discutent. On n'est pas obligé de m'approuver pour discuter avec moi ».
Europe 1: jeudi 22 octobre 1998
Q. : Vous publiez aujourd'hui un livre comme un tract : un livre polémique, un manifeste en bleu-blanc-rouge, « La paix civile ». La paix civile ? Votre camp vous rejette. La paix civile ? Vous déclenchez la haine et la honte. La paix civile ? Vous créez le désordre là ou vous passez. Est-ce que vous êtes vraiment le mieux placé pour prôner la paix civile ?
R. : Certainement car, compte tenu de la montagne d'anathèmes et d'invectives que j'ai subis, je crois pouvoir dire aujourd'hui, la paix civile est menacée dans notre pays. Quand je vois que toute une partie de l'électorat est ostracisée et renvoyée dans les ténèbres, je dis qu'il y a une rupture civique qui est en train de se creuser. Et je dis attention, car c'est ainsi que l'on peut déséquilibrer une démocratie lorsque l'on substitue au débat l'anathème et l'invective.
Q. : Mais vous croyez que vous êtes le mieux placé pour le faire ?
R. : Oui, parce que je subis tout cela. Et je crois que ce n'est pas par des invectives et des anathèmes que l'on mène un débat démocratique.
Q. : C'est-à-dire que vous êtes ou seriez victime de ce que vous appelez un nouvel ordre moral de gauche. Mais en fait, vous aimez vous présenter comme une victime, et vous récoltez ce que vous avez semé ?
R. : Je ne suis pas une victime. Je fais simplement un constat. Comme je l'explique dans mon ouvrage, « La paix civile », il n'est pas possible dans un grand pays démocratique de remplacer les arguments par des injures ou des invectives. Il n'est pas possible de remplacer le débat par des manifestations qui empêchent le droit de réunion ».
Q. : Ce qui arrive chaque fois que vous allez faire un meeting quelque part ?
R. : Exactement. Parce que, comme on n'a aucun argument à m'opposer, on m'oppose l'interdiction de réunion.
Q. : Qui ? Qui vous l'oppose ?
R. : Un certain nombre de groupes qui viennent intervenir, qui interviennent au cours de ces réunions pour empêcher le débat et la discussion ».
Q. : Mais poussés par qui ?
R. : Je pense qu'ils sont poussés par un certain nombre de groupes gauchistes. Je pense qu'ils sont coordonnés par le Parti socialiste.
Q. : Vous écrivez, je cite : « Par honnêteté intellectuelle, un élu ne peut trahir ses concitoyens. Son premier devoir est de dire ce qu'il va faire et de faire ce qu'il a dit. » Or vous, vous n'avez pas prévenu vos électeurs des alliances que vous alliez contracter, et que vous alliez accepter, une fois élu, les voix du Front national pour garder la présidence de Rhône-Alpes. Est-ce que cela ne s'appelle pas tricher ?
R. : Vous avez lu mon ouvrage, « La paix civile », et vous avez pu constater que je n'ai passé aucun accord, fait aucune concession, fait aucune compromission. Durant la campagne électorale, j'ai expliqué aux électeurs de Rhône-Alpes : voilà quel est mon programme ; je mettrais tout en oeuvre pour appliquer, mon programme, tout mon programme, rien que mon programme. Aujourd'hui, je ne fais que cela. Il y a certain nombre de voix qui se sont portées sur ma personne pour que j'applique mon programme, je mettrais tout en oeuvre pour appliquer mon programme.
Q. : Voyons ce qu'il y a de plus nouveau. D'ailleurs, pour le projet Millon quel est l'avenir ? Le mur ?
R. : Pas du tout. C'est de faire prendre conscience aujourd'hui, que la France va droit dans un mur si elle ne résout pas le problème des extrêmes.
Q. : Alors, les socialistes pour vous sont des conservateurs et des adversaires – je vais vite - , on peut trouver cela dans le livre. Vous ne croyez pas au centre comme acteur de la vie démocratique. Quant à la droite française, vous dites qu'elle n'est pas plus bête qu'une autre : elle est lâche ! Lâche en quoi ?
R. : Si aujourd'hui, il y a une montée des extrêmes c'est parce que l'électorat est déçu. La droite française n'a pas eu le courage de mettre en oeuvre les politiques qu'elle avait annoncées. Je donne une seule illustration. Dans le domaine de l'éducation, depuis dix ans, tout le monde sait qu'il est indispensable de s'engager dans l'autonomie des établissements, de prendre en compte la spécificité des publics scolaires. Tout le monde l'a écrit, tout le monde l'a expliqué. Le rapport Fauroux l'a éclairé. Et la droite française, par peur des conformistes, par peur des sarcasmes de la gauche, par peur du politiquement correct, n'a jamais engagé cette politique.
Q. : Prenons du concret. Entre Allègre et F. Bayrou : votre choix c'est qui ?
R. : Ni l'un ni l'autre. Mon choix, ce sont les lycéens qui ont dit d'une manière très claire…
Q. : Vous aussi !
R. : Ils ont dit d'une manière très claire : nous voulons être pris en compte comme des personnes. Nous voulons être considérés. Nous ne sommes pas dans une machine éducative, nous voulons que les établissements prennent tous nos parcours individuels. C'est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable à ce que l'on augmente les accompagnateurs, les professeurs, les surveillants, mais aussi que l'on définisse des projets pédagogiques lycée par lycée.
Q. : Vous écrivez que le statut du Front national aujourd'hui est ambigu, est-ce que vous réclamez ici son interdiction ?
R. : Il y a une immense hypocrisie. C'est même le monde de la tartuferie ! La République octroie d'un côté des financements pour le Front national, 41 millions de francs par an, elle le reconnaît donc comme un parti s'intégrant dans la République. Elle l'autorise à participer aux campagnes électorales, à poser des affiches, à déposer des bulletins de vote sur les tables de vote. Et, de l'autre côté, le monde politique ostracise tout l'électorat et tous les élus du Front national. C'est une hypocrisie qui est dangereuse car elle provoque déception, révolte. C'est la raison pour laquelle, je le dis de manière très claire, si l'on ne veut pas instruire l'interdiction du Front national comme certains l'ont proposé – dont moi il y a quelques années –, je demande que les crédits de l'État ne puissent être accordés qu'aux seuls partis qui respectent les principes démocratiques. A partir de ce moment-là, tout cela sera clair et on terminera l'hypocrisie dans laquelle on est.
Q. : Vous dites : « Quant à ceux qui adoptent un comportement de haine, de cynisme et de mépris, il est non seulement hors de question de les intégrer de quelque façon que ce soit, mais il faut les combattre et avoir le courage de les interdire ». Le Front national ?
R. : Évidemment. Vous relisez la phrase totalement, et je dis : « Tous ceux qui ne respectent pas la dignité de la personne humaine, l'égalité en dignité de la personne humaine », c'est ce que j'ai écrit dans l'ouvrage, « il convient de les combattre et de les interdire s'ils attendent à l'équilibre de nos institutions ».
Q. : Vous n'avez jamais réponse clairement à une question ? Est-ce que le Front national, tel qu'il est aujourd'hui, est un parti raciste, xénophobe, etc.
R. : Le Front national, c'est trois choses. Ce sont des électeurs ; ce sont des élus et c'est un appareil. Et enfin, ce sont un certain nombre de leaders. Il y a des leaders qui tiennent des propos inacceptables ! Qui ont des comportements inacceptables ! Qui portent une doctrine inacceptable !
Q. : Qui, par exemple ?
R. : Lorsque J.-M. Le Pen parle du « détail », ou s'affiche avec certains personnages qui sont infréquentables, J.-M. Le Pen a un comportement inacceptable. Par contre, il y a un électorat qui est complètement éperdu, écoeuré, amer et révolté et qui n'a rien de la description que certains en font. Donc, je dis que la droite a une responsabilité historique, c'est aujourd'hui de dire à cet électorat : nous sommes capables, nous, de porter les valeurs auxquelles vous croyez.
Q. : Ce que vous proposez c'est la création en France de deux grands partis, un de gauche et un grand parti unique de la droite avec une extrême droite de droite extrême potable et intégrée, c'est cela ?
R. : Pas du tout. Je regarde ce qui s'est passé à l'étranger. Je m'aperçois que le problème de l'extrême n'est posé qu'en France aujourd'hui. En Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, en Espagne et même en Italie, on s'aperçoit qu'il y a un bipartisme qui soit, est reconnu, soit apparaît. A partir de ce moment-là, les grands partis absorbent les extrêmes, les digèrent et empêchent que se forment ou que se cristallisent des extrêmes qui deviennent partisans ou qui deviennent défenseurs de doctrines inacceptables. La droite française a une responsabilité historique. Si elle continue à être balkanisée comme elle est, si elle continue à n'avoir que des jeux d'ambitions et non plus une oeuvre de conviction, elle favorisera la montée des extrêmes. Ce que l'on constate aujourd'hui, c'est qu'un jour malheureusement, si la droite ne prend pas ses responsabilités, on aura une confrontation insupportable entre une gauche arrogante et une extrême droite conquérante, avec une droite qui se sera évanouie.
Q. : C. Millon qui prend, aujourd'hui encore, l'habit du nouveau prophète. Est-ce que ce n'est pas aussi un moine pharisien ? Est-ce que, vous aussi, vous n'êtes pas hypocrite comme les autres ?
R. : Je suis très modeste. Je vis une expérience, qui est parfois douloureuse, parfois enthousiasmante quand je vois toutes les personnes qui me rejoignent. Je veux simplement apporter ma pierre à un édifice. J'aime trop, et mon pays et ma démocratie, pour les voir remis en cause par des petits jeux d'ambition et des querelles d'appareil.
Q. : Vous vous sentez bien dans votre peau ?
R. : Je me sens bien dans ma peau, même si parfois je trouve que les invectives, les anathèmes font mal, surtout quand ces invectives et ces anathèmes touchent vos proches.
RTL – jeudi 22 octobre 1998
« C. Allègre fait des cadeaux qui coûtent assez peu chers ! Vous savez emprunter, c'est assez facile actuellement. Quatre milliards, cela fait à peu près 50 millions par région. 50 millions, c'est à peine la moitié d'un lycée. Donc, c'est ce que l'on appelle un geste symbolique. Et lui ne propose une seule chose, c'est de rembourser les intérêts. Mais il faudra bien rembourser le principal. Donc, véritablement, c'est ce que l'on appelle un cadeau de dupes ».