Texte intégral
P. Lapousterle : S. Berlusconi est menacé d'être renversé par ses alliés, êtes-vous sûr que ce sommet soit vraiment utile ?
A. Lamassoure : Il est utile et nécessaire. Chacun a ses vicissitudes de politique intérieure et au-delà des problèmes de tel ou tel gouvernement il y a les relations entre les États. Nous dirons à nos amis italiens que nous avons besoin d'une Italie forte et d'une Italie européenne.
P. Lapousterle : Va-t-il être d'accord ?
A. Lamassoure : Si au cours de la période récente l'Italie avait été assez absente des grands débats européens, un nouveau gouvernement s'est mis en place il y a quelques mois. Nous avons besoin pour la politique méditerranéenne de l'Union européenne, mais aussi pour préparer le grand rendez-vous de 1996 où nous allons adapter le traité de Maastricht aux nécessités de l'avenir de l'Union et notamment à son élargissement à l'Europe centrale et orientale, d'avoir une Italie forte et européenne. L'Italie fait partie des grands pays fondateurs de la Communauté, et nous avons besoin d'elle à nos côtés.
P. Lapousterle : S. Berlusconi a-t-il été un bon européen jusqu'à présent ?
A. Lamassoure : Jusqu'à présent, nous sommes satisfaits des positions qui ont été prises. Nous avons besoin peut-être d'amis italiens encore plus déterminés dans le combat pour l'Europe.
P. Lapousterle : Hier le parlement européen a apporté des amendements au budget agricole, la réaction du gouvernement français sera-t-elle sereine ?
A. Lamassoure : Nous sommes un peu préoccupés par ce vote. D'un mot, hier le parlement européen votait en dernière lecture le budget européen de 1995. D'après les traités depuis 1957, le parlement a le droit d'amender – il a d'ailleurs le dernier mot – sur la moitié des dépenses budgétaires, mais sur l'autre moitié correspondant à l'agriculture le dernier mot appartient aux gouvernements et aux conseils des ministres. Pourquoi ? Parce que l'on veut que les sommes garanties aux agriculteurs pour maintenir leur revenu soit pour aider les exportations, soit comme aides directes au revenu ne soient pas soumises au débat politique et à ses aléas. Or hier, le parlement européen s'est livré à une sorte de petit coup de force institutionnel en douceur en s'arrogeant le pouvoir de modifier aussi et d'avoir le dernier mot sur les dépenses agricoles. C'est donc quelque chose que nous ne pouvons pas accepter puisque c'est une violation des traités. Je ne suis pas hostile à ce qu'en 1996, lorsque nous allons adopter les institutions européennes, le parlement européen ait plus de pouvoir et que l'on rationalise l'exercice du pouvoir en matière budgétaire en Europe. En revanche nous ne pouvons pas admettre que les traités soient violés. Si cette attitude persistait et notamment si le président du parlement européen était amené à signer le budget tel qu'il a été voté, à ce moment-là nous saisirions la Cour de justice.
P. Lapousterle : Le retrait de la candidature de J. Delors n'aura-t-il pas des conséquences négatives pour l'Europe ?
A. Lamassoure : Je ne le crois pas. Je crois au contraire que dans notre camp, un certain nombre de personnes, qui étaient tentées d'attaquer l'Europe pour affaiblir J. Delors, pourront désormais raisonner de manières plus objective sur les problèmes européens.
P. Lapousterle : Vous pensez à J. Chirac qui en rendant visite à H. Kohl semble avoir mis de l'eau dans son vin anti-européen ?
A. Lamassoure : De manière générale, il y avait ces derniers temps une tendance dans notre majorité à attaquer systématiquement la commission européenne pour affaiblir J. Delors. Ce genre d'attaques disparaîtra et je souhaite vivement que la campagne des présidentielles soit l'occasion pour les Français d'avoir le grand débat sur l'Europe dont nous avons besoin. Pourquoi en avons-nous besoin ? Parce que la première tâche du Président que nous allons élire sera de réunir ses collègues européens pour présider le conseil européen qui aura lieu à Cannes. Nous allons en effet présider l'Union pour le premier semestre prochain. Immédiatement après, nous aurons ce grand rendez-vous de 1996 où il faudra en fait proposer à l'Europe un nouveau pacte fondateur.
P. Lapousterle : 49 députés du Parti républicain ont demandé à E. Balladur d'être candidat, est-ce un encouragement pour le Premier ministre ?
A. Lamassoure : Ce n'est sûrement pas fait pour le décourager. Pour ma part, comme L. Poniatowski qui s'est exprimé ce matin, je crois préférable d'attendre que tous les candidats se soient déclarés et également d'en savoir plus sur ce que sera leur programme avant de me déterminer.
P. Lapousterle : J. Chirac dénonce, ce matin dans le Progrès de Lyon, l'hypocrisie des candidats qui ne sont pas encore candidats officiellement, pensez-vous qu'il a raison ?
A. Lamassoure : Nous sommes à cinq mois de l'élection présidentielle. Je trouve parfaitement normal qu'un certain nombre de personnalités qui envisagent d'être candidat, mais qui n'ont pas encore arrêté leur décision, attendent que l'on puisse entrer dans la période où les Français eux-mêmes se sentent en campagne présidentielle. Tous les précédents de 1988, 1981, 1974 montrent qu'il en a été ainsi.
P. Lapousterle : Plusieurs ministres ont dit à E. Balladur qu'ils seraient contents si ce dernier était candidat, quelle est votre position ?
A. Lamassoure : E. Balladur a dit depuis 18 mois que lui-même s'exprimerait en janvier. J'attends donc qu'il s'exprime.
P. Lapousterle : D'autre ministres ont déjà exprimé leur opinion, n'est-ce-pas ?
A. Lamassoure : Ce que je constate simplement, c'est que la France a besoin d'une politique européenne qui soit dans la continuité de celle qui est menée depuis 18 mois.